Généralités sur les moulins de l’Ain
Les
moteurs hydrauliques. La roue verticale a toujours dominé dans l’Ain,
quelle que soit la hauteur de chute. En 1809, seuls 10 % des moulins de l’Ain
étaient équipés d’une roue horizontale. Il ne reste à notre connaissance
que quelques traces de ce type de roue, notamment dans le Bas Bugey.
Roues à palettes ou à augets. Aux
2 régions du département correspondent, en gros, 2 types de roues : la
roue à palettes et la roue à augets. Les très basses chutes de Bresse étaient,
jusqu’au milieu du XIXe siècle, équipées de roues à palettes étroites
placées dans des coursiers en forte pente puis épousant la forme du bas de la
roue. Il ne reste aujourd’hui aucune de ces roues, remplacées parfois dès
les années 1850 par des turbines en chambre d’eau.
Les turbines. La plupart des moulins de Bresse ont été
équipés, entre 1850 et 1914, de turbines Fontaine-Baron[1],
installées en chambre d’eau. Vers 1900, des constructeurs régionaux, mécaniciens
et fondeurs, produisent et installent de nombreuses turbines Fontaine, surtout
dans les moulins de Bresse : Bergheaud à Mâcon, Alaise à Louhans.
Entre
les deux guerres sont apparues les turbines Francis, plus modernes et plus
efficaces. Elles ont été fournies par des constructeurs spécialisés
jusqu'aux années 1960 et au-delà (Ets Dumont dans la Drôme, Simian à
Grenoble).
Les moulins à farine. Le premier recensement des moulins de
l’Ain a été fait sous la direction du préfet Bossi lors de l’enquête de
1808. Il fait apparaître 1038 moulins à farine, soit un moulin pour 300
habitants, ce qui était conforme à la moyenne nationale. Ce nombre a déjà
diminué dans les résultats de l’enquête effectuée par la Préfecture à la
fin des années 1870. On dénombrait alors 771 moulins en activité ; ces
établissements comportaient 1 666 paires de meules, soit une moyenne
d’un peu plus de 2 paires par moulin. La Bresse rassemblait le plus fort
contingent, comptant 44 moulins sur la Reyssouze, 38 sur la Veyle et 20 sur la
Chalaronne.
En
2001, la carte des moulins de l’Ain est d’une grande simplicité :
seuls 8 moulins étaient encore actifs. Ce nombre a été divisé par 2 en 15
ans. La plus importante de ces minoteries, le moulin de Prat ou moulin Humbert,
à Saint-Jean-sur-Veyle, a fermé ses portes en 2010. A l’heure actuelle, les
moulins en activité sont le moulin Marion à Saint-Jean-sur-Veyle (voir plus
loin), les Grands Moulins de Maillat, la minoterie Malissard à Montluel et le
moulin Cassal à La Boisse. Les 3 premiers sont des entreprises familiales, le
dernier fait partie du groupe « Nicot Meunerie » à Chagny depuis
2010.
Les battoirs servait à broyer les oléagineux
(noix, chou) ou les tiges végétales (chanvre) ; il servait aussi à
extraire le grain du trèfle ou de l’épi des céréales avant la mouture,
comme dans le battage au fléau. Complément ordinaire du moulin à farine, le
battoir était souvent situé dans un bâtiment séparé, en particulier dans la
plaine, en raison de la poussière qu’il produisait. Outre la culture du blé,
celle du chanvre étant très active dans notre département jusqu’au début
du XXe siècle, les battoirs sont nombreux : à la fin des années 1870, on
en comptait près de 300. Dans le Bugey, les statistiques répertorient séparément
les battoirs à blé, à chanvre et les pressoirs à huile. Ainsi, sur la
Valserine (secteur de Bellegarde), parmi les 8 moulins en activité dans les années
1860, tous pourvus d’un battoir, 6 comportaient un battoir à chanvre, 2 un
battoir à blé et 3 un pressoir.
Scieries
et tourneries du Haut-Bugey. La partie est du département, riche en
forêts de résineux, a été très tôt le domaine de développement des
scieries. Un ouvrage paru en 2005 recense 85 « moulins » sur le haut
bassin de l’Albarine ; la moitié environ d’entre eux sont des scieries
dont un bon nombre a été créé sous la Révolution. A l’issue de cette période
troublée, l’enquête sur les scieries de l’an XIII a été réalisée par
l’administration des Eaux et Forêts afin de faire la part entre les scieries
installées depuis longtemps en accord avec les règlements forestiers et celles
qui ont été créées à la faveur de la liberté révolutionnaire en dehors du
cadre légal, souvent au plus près des forêts. C’est ainsi que, dans
l’arrondissement de Nantua, une centaine de scieries sont énumérées, dont
33 dans le canton de Nantua et 28 dans celui d’Oyonnax. Sur ce total,
l’inspecteur des Eaux et Forêts demandait la suppression des 2/3, soit 66 établissements !
Cette prescription sera très inégalement exécutée, puisque les statistiques
de la deuxième moitié du siècle témoignent globalement d’un accroissement
du nombre des scieries entre 1860 et 1880. En 1899, « l’état des usines
de l’arrondissement de l’est », la dernière de ces enquêtes, donne
un total de 77 établissements, mais les plus petites unités ont déjà
disparu. Sur les rivières à fort débit, les scieries se sont multipliées en
100 ans : on passe de 5 à 12 sur le Combet, 9 à 11 sur la Semine, entre
Nantua et Bellegarde.
La
même époque voit se développer, comme dans le Jura tout proche, l’artisanat
du bois. Les tourneries apparaissent dans la cluse à l’est de Nantua et sur
les affluents de la Bienne en direction de Saint-Claude : on en recense déjà
une douzaine en 1878.
Les papeteries. Les
résurgences abondantes du Bugey ont attiré les fabricants de papier qui y
trouvaient des eaux claires propices à la préparation de la pâte et ne
manquaient pas de débouchés grâce à la proximité de Lyon et de Genève. La
première papeterie aurait été installée à Cerdon au début du XVe siècle :
en 1427, le châtelain de Poncin accorda un abergement pour une prise d’eau au
ruisseau de Préau, afin de construire un moulin à papier. L’activité
s’est développée du XVIe et XVIIIe siècle dans plusieurs sites favorables :
outre les ruisseaux de Cerdon, où la famille Dubreuil a tenu la première place
pendant plusieurs siècles, le Merloz aux abords de Nantua, la Semine et la
Valserine aux environs de Bellegarde ont actionné les roues de plusieurs
« battoirs » à papier, sans compter quelques moulins isolés tels
celui qui a donné son nom à un lieudit près de Saint-Rambert, ou la papeterie
des Chartreux à Condamine située à la source de la Doye. Aujourd’hui occupé
par des logements, l’imposant bâtiment de cette usine subsiste, pratiquement
intact, en aval du bassin alimenté par les eaux de la résurgence, réputée
intarissable ; seul un œil exercé permettra de reconnaître, réutilisés
dans les soubassements d’un hangar annexe, 3 « creux de piles »,
bacs de pierre où les maillets écrasaient les chiffons. Conservé aux Archives
départementales de l’Ain, le dossier établi lors de la vente des biens de la
chartreuse comprend un plan du domaine et une série de documents comptables :
achats de chiffons, ventes de papier, dépenses en vue de l’installation
d’une pile hollandaise en 1788.
Les
textiles
Jusqu’au XIXe siècle, le textile
reste une activité discrète dans l’Ain. Le chanvre était cultivé partout,
et la laine était travaillée de manière artisanale ; des foulons, ici et
là, achevaient la fabrication du drap utilisé dans l’habillement L’activité
la plus remarquable était la production de toiles fines à
Saint-Rambert-en-Bugey, employant un grand nombre de peigneurs de chanvre et de
tisserands à domicile à la fin du XVIIIe siècle. Les hôpitaux de Lyon
constituaient le principal débouché de cette fabrication artisanale.
L’industrialisation,
de la laine à la schappe
Dès
les premières décennies du siècle suivant s’amorce le développement
d’une première industrie, grâce à la mécanisation du peignage et de la
filature de la laine, et à l’expansion du moulinage de la soie. La présence
d’une main-d’œuvre abondante, de ressources hydrauliques, et la proximité
de Lyon et de la Suisse sont déterminantes dans ce processus qui s’amorce aux
environs d’Ambérieu-en-Bugey. Des Lyonnais, les frères Aynard, ayant acquis
des moulins à farine dans le quartier de Vareilles, font bâtir la première
fabrique de drap de laine pour l’habillement de la troupe dès les années
1810 ; utilisant la retenue du Lac Bleu qui existait sur le Gardon, 2 roues
de 20 mètres de diamètre y entraînent les métiers à filer et les foulons,
tandis que le tissage est réalisé par des salariés à domicile. Dans la vallée
de l’Albarine, d’autres industriels créent des filatures qui mêleront
rapidement les déchets de soie à la laine, puis fileront exclusivement la
schappe : à Saint-Rambert, Franc et Martelin, à partir de 1840, développent
avec succès cette production, passant de 600 employés en 1860 à 2 500 en
1900, dans les 2 usines de la SAF qui occupaient 13 hectares ; à Tenay, 2
entreprises d’importance équivalente utilisent les mêmes procédés dans 3
usines regroupées au sein de la SIS à la fin du XIXe siècle. Après avoir
connu un énorme développement, tout ce secteur se trouve sous le contrôle
d’industriels ou de financiers suisses vers 1900. Installés sur des sites
hydrauliques lors de leur création, ces établissements continuaient alors à
tirer parti de l’eau pour la préparation de la matière première.
Le travail des métaux