Belidor : description d’une roue à eau horizontale

 

Extrait d’un article de 2 pages, illustré, de Jean Paul Favreau. 

Bernard Forest de Bélidor (1697?-1761) est l'auteur de "L'ARCHITECTURE HYDRAUIQUE ou L'art de conduire, d'élever et de ménager les eaux pour les différents besoins de la vie". Un exemplaire de cet ouvrage est disponible sur le site internet de la Bibliothèque Nationale de France. On y trouve la description de trois types de roues horizontales. L'une correspond à celle appelée "Pirouette" dans le Finistère. Voici cette description ( la planche correspondante est publiée dans la revue).

Description d'un moulin fort simple, dans le goût de ceux qu'on fait en Provence. (planche 4e)

En Provence & dans une bonne partie du Dauphiné, les moulins y sont d'une grande simplicité, n'ayant qu'une roue horizontale D, de 6 ou 7 pieds (1,95 à 2,27 m) de diamètre, dont les aubes sont faites en cuillères pour recevoir le choc de l'eau, qui coule ordinairement dans une auge A; l'arbre E, qui répond à la meule supérieure, est la seule pièce qui sert à lui communiquer le mouvement, & je ne crois pas qu'il soit possible de faire un moulin à moindre frais; il est vrai qu'il faut pouvoir ménager une chute comme celle qu'on voit ici, & qui sont très-fréquentes dans ce pays-là.

La roue tourne sur un pivot dans une crapaudine pratiquée au milieu de l'entretoise du chassis OF, servant à approcher les deux meules, par le moyen de la vis qui est à l'extrémité de la pièce G, & de l'écrou H que l'on fait tourner pour hausser ou baisser le chassis.

Les roues que l'on voit exécutées dans le goût de celle-ci ont leurs cuillères simplement assemblées à l'arbre par un tenon & une cheville, fortifiées par le dessous par des membrures qui les entretiennent toutes ensemble; d'autres sont faites, comme on le voit au plan M, & à son profil N, que la seule inspection de la figure fait assez connoître pour n'avoir pas besoin d'explication.

Quand le Meûnier veut arrêter le moulin, il peut, sans sortir, interrompre le cours de l'eau en poussant la perche I, baisser le clapet L, qui est attaché, aussi bien que le bras du levier K, à un tourniquet qui facilite cette manœuvre; plus haut, il y a une vanne à l'entrée du canal, comme on le voit marqué à l'endroit C du plan, pour empêcher que l'eau n'y entre, & qu'elle ne se perde en passant par-dessus les bords, comme cela arriveroit si l'on ne fermoit que le clapet L : on la ménage dans un réservoir, lorsque le moulin chome pendant quelque tems, pour en avoir ensuite avec plus d'abondance.

Ce moulin est exécuté à Briançon : l'eau de la Durance en fait tourner trois semblables dans le même bâtiment.

Manière de calculer la force que l'eau acquiert en coulant dans un canal incliné. (planche 4e)

Pour profiter de l'occasion que me fournit la Planche quatrième de donner un exemple de la manière de mesurer le choc de l'eau qui coule sur un plan incliné, nous supposerons que celle du réservoir, que soutient la vanne C, est toujours entretenue à 17 pouces (46cm) de profondeur ; que le pertuis a 4 pouces (11cm) de hauteur sur 12 (32cm) de largeur; ainsi la hauteur moyenne de l'eau sera à-peu-près de 15 pouces (40cm), qu'il faut, selon l'article 578, multiplier par 16 pieds (5,20m) qui est la hauteur que nous donnerons au canal incliné A, ou à l'élévation du pertuis au-dessus de la roue D; ensuite extraire la racine carrée du produit, qu'on trouvera de 4 pieds 5 pouces 8 lignes (1,45m) pour la hauteur de la colonne d'eau qui auroit pour base le pertuis, ou le tiers d'un pied quarré (0,035 m2) : prenant dans la Table troisième le tiers du choc qui répond à une chute de quatre pieds 5 pouces 8 lignes, on trouvera 103 liv. (50kgf) pour l'expression du choc de l'eau qui fait tourner la roue, quoique celui de la même eau ne soit capable que d'environ 29 liv. immédiatement à la sortie du pertuis; ce qui fait voir combien elle a acquis de force par son accélération.

Choc de l'eau.

Bélidor appelle ainsi la force appliquée sur la roue arrêtée, quand le jet entre dans la roue. C'est la totalité de la force appliquée à la roue par le jet car, vu la forme des cuillers, elles ne peuvent rien récupérer sur le flux sortant. Quand la roue tourne cette force diminue. En vitesse optimale, qui donne la meilleure puissance, elle sera diminuée de moitié environ.

Table de calcul.

Soient h la hauteur moyenne au-dessus de la vanne et H la hauteur de la vanne au-dessus de la roue. Bélidor considère une chute fictive égale à la racine carrée de h.H . Il établit une table où pour chaque valeur de cette chute fictive il donne le choc et la vitesse du jet, pour une ouverture de vanne de un pied carré. Pour une ouverture quelconque, on multiplie la valeur du choc de la table par la surface de l'ouverture. Cette méthode donne des résultats acceptables pour le choc mais beaucoup trop faibles pour la vitesse du jet.

En fait pour obtenir la vitesse correcte du jet, il faut la lire en regard de la chute réelle, et non de la chute fictive qui doit être utilisée seulement pour le "choc".

Vitesse optimale de rotation de la roue.

Selon Bélidor, la vitesse optimale de la roue est le tiers de la vitesse du jet. Pour la roue à cuillers présentée, où l'on ne récupère pas d'énergie sur le flux sortant, si le jet est incliné de 30° sur le plan de la roue, le rapport calculé de la vitesse optimale sur celle du jet est de 0,43. Mais par comparaison avec la roue Pelton,  je pense qu'il faut réduire cette valeur d'au-moins 5 points ce qui donne un rapport inférieur à 0,38. Ainsi le rapport 1/3 soit 0,33 donné par Bélidor, est peut-être faible, mais très acceptable.

Puissance de la roue et diamètre de la  meule.

Je calcule que la roue de diamètre 2,20 m, sous 5,65 m de chute et un débit de 60 litres par seconde avait une puissance de 1,4 ch. Elle pouvait entraîner à 45 tours par minute une meule de diamètre 1,70 m . Ce diamètre paraît plausible devant celui du coffre, mesuré sur la planche jointe, 2,10 m

 

 

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