La rivière aménagée et le moulin à eau :

processus d’évolution et perspective de gestion des paysages hérités

 

Extraits d’un article de 2 pages de Régis Barraud. Doctorant en Géographie. Université de Nantes.

Les évolutions de la politique de gestion de l’eau ont toujours été une source de fortes inquiétudes pour les propriétaires de moulins à eau et les riverains en général. La préservation des droits acquis est une revendication constante depuis la période révolutionnaire. Malgré la marginalisation de l’usage des roues, la conflictualité en fond de vallée demeure, ces modalités d’expression et de résolution ne sont plus le mêmes que durant l’ancien régime ou le XIXe siècle. La réforme actuelle du droit de l’eau suscite à son tour de vives polémiques. En 1992 déjà, la préparation de la loi sur l’eau avait mobilisé les associations de riverains et de protection du patrimoine molinologique. Depuis, la qualité de la ressource et des milieux n’a pas été restaurée de manière suffisante. Une impulsion européenne a jetée les bases d’une réforme ambitieuse qui vise à l’atteinte du bon état des masses d’eau à l’horizon 2015, pour les cours d’eau les moins dégradées. La traduction de ce texte dans le droit français marque un nouveau pic de tension entre le monde associatif de la pêche et du patrimoine, l’administration, les riverains, les collectivités, les agriculteurs…En fait, tous les acteurs de l’eau sont interpellés par les enjeux liés à la mise en œuvre d’une nouvelle loi sur l’eau. à l’intérieur même des groupes d’acteurs des clivages se forment. La situation nécessite une analyse fine du texte, des logiques d’acteurs mais surtout, pour le géographe, des mutations spatiales observées en fond de vallée. Les débats, les pétitions et prises de positions diverses pourraient parfois laisser penser que les moyens proposés pour reconquérir la qualité globale des cours d’eau sont incompatibles avec les actions de préservation et de mise en valeur du patrimoine. La directive européenne (DCE) se fonde sur les progrès de l’hydroécologie pour refonder la politique de gestion et de restauration de la qualité des cours d’eau : il ne s’agit plus seulement d’agir sur les apports en polluants, mais également de restaurer la qualité physique des rivières (on parle de gestion physique). Précisément, cette gestion physique vise améliorer la continuité hydrologique et sédimentaire. Cette continuité permet de maintenir la capacité du cours d’eau à se déplacer, à renouveler la géométrie de son lit par le jeu permanent des processus d’érosion et de dépôt. Aujourd’hui, il n’est plus question de dissocier qualité de l’eau et qualité des habitats. De très nombreux ouvrages et aménagements ont contribué au fil du temps à altérer le bon fonctionnement des cours d’eau. Même si leurs impacts ne sont pas strictement comparables à ceux des grands barrages, les ouvrages transversaux associés aux moulins à eau doivent être pris en compte dans l’évaluation du degré d’artificialisation des cours d’eau. Ils constituent la trame de base de l’infrastructure hydraulique en fond de vallée.

Les objectifs fixés par la DCE et au-delà, les dynamiques spatiales qui reconfigurent l’espace de fond de vallée, doivent nous inciter à nous interroger sur notre manière d’envisager la gestion du paysage hérité. Que reste t-il du paysage productif (moulins, écluses…) ? Cet héritage est-il homogène ? Quels sont les facteurs d’évolution de ces paysages ? Comment retrouver une certaine adéquation entre la fonction sociale (usages, valeur patrimoniale) et la fonctionnalité écologique des cours d’eau à biefs étagés ? Cette contribution tente de faire point sur ces questions en faisant état de deux démarches liées : une recherche en géographie sur l’évolution des paysages de rivières aménagées et la mise en œuvre d’un outil d’aide à la décision devant permettre de mieux appréhender le devenir des sites hydrauliques sur le bassin de la Sèvre nantaise et du Thouet.    (A suivre)

 

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