Gard. La
minoterie Bonnet à Saint – Ambroix.
Article de 3 pages, avec photos, de Vincent Joineau, Agent
de développement du patrimoine.
Située à Saint-Ambroix, à l’extrémité nord du département du Gard, la minoterie Bonnet, désaffectée et aujourd’hui propriété de la municipalité, vient de faire l’objet d’une étude de faisabilité en vue d’une réhabilitation et d’une valorisation.
Ses origines prennent leur source dès le Moyen-Age, les premières traces écrites datent de 1214. Ce moulin à blé, équipé de deux roues pour la mouture du blé et d’une troisième pour le gruau se verra complété, en 1739, d’un moulin à huile. En 1885 c’est Eugène Bonnet qui réaménage l’ancien moulin banal.
Eugène Bonnet l’agrandit pour disposer de l’espace nécessaire au système de production et aux appartements privés. L’énergie hydraulique est complété d’un moteur à gazogène lequel sera remplacé vers 1948, par l’électricité. Son fils, lui aussi prénommé Eugène, reprend l’affaire familiale vers 1915. André, son fils, fermera l’entreprise le 30 mars 1963.
Le bâtiment, d’une superficie
de 1810m2 sur cinq niveaux, nous est parvenu dans un bon état de conservation ;
la minoterie qui occupe les 3 niveaux supérieurs, dispose encore de toutes ses
machines sans que rien n’ait été ôté.
Les mécanismes
Le bâtiment se distribue selon
deux destinations : le corps de bâtiment gauche était exclusivement
consacré à la meunerie. Les sacs, une fois pesés dans les bureaux de M.
Bonnet, étaient hissés au dernier étage à l’aide d’un monte-sac mécanique
mû par la roue hydraulique et entreposés dans une salle affectée à cet
effet. Lors des opérations, le blé était versé dans la trémie, passait dans
une trieuse puis une épointeuse pour en extraire les pierres, branches et
autres clous. Les grains descendaient alors au niveau –1 où ils passaient
dans la laveuse avant d’être ventilés. Remontés au 2e étage par
un ascenseur à godets, ils étaient ensilés au 1er étage durant 24
heures. Envoyés dans cinq broyeurs-convertisseurs (Lafon et Mécanique Générale,
etc..), les grains subissaient de 3 à 8 passages entre les rouleaux et étaient
tamisés dans deux plansichters équipés de toiles de soie.L’ensachage de la
repasse et des différents sous-produits avait lieu au 1er étage ;
quant à celui des farines panifiables, il était opéré au rez-de-chaussée.
La partie droite abritait les
appartements privés chauffés l’hiver par le four à pain. Enfin, le meunier
entreposait les sacs de grains au dernier étage, suffisamment à l’abri des
crues et des rongeurs.
L’hydraulique
Le captage des eaux de la Cèze,
est réalisé à l’aide d’une paissière
(prise d’eau) longue d’environ 350m. L’eau captée entrait dans la gourgue
(réservoir d’eau) dont l’entrée était assurée par deux vannes de
fond. La solidité des murs, la profondeur et la longueur de la gourgue
(qui de plus, s’appuie sur les murs mitoyens de deux filatures) nous mettent
en présence d’un site étonnant car spectaculaire : la gourgue avait, en effet, une capacité de collecte de l’ordre de
1600 à 1800m3. Au niveau de la seule vanne du moulin qui nous est accessible
(et encore, très difficilement), un hérisson en fonte assurait la rotation
simultanée de deux rouets démultiplicateurs, l’un pour l’épointeuse et la
trieuse, l’autre pour les poulies
du moulin à huile ; l’arbre de la roue servant, quant à lui, à entraîner
le monte-sac.
La boulangerie :
L’histoire de notre minoterie ne s’arrête pas à la production de farine : un autre élément essentiel jalonne l’histoire de la Minoterie Bonnet : le four à pain.
Situé au rez-de-chaussée, ce
four d’un volume d’environ 90m3, est constitué de quatre bouches en façade
et une bouche à pâtisseries sur le côté gauche. Recouvert sur sa façade
principale d’un revêtement de carreaux de faïence blanche et verte, le four
est manifestement dans une situation fort originale (l’augmentation de la
chaleur intérieure du bâtiment pouvant amplifier les risques d’incendie).
L’explication remonte aux années 1930-1932 : l’arrivée du plansichter
sur le marché français ayant aggravé la situation économique des minoteries,
les conflits entre meuniers gardois se multiplient au point d’user de procédés
semi-légaux pour conserver leur clientèle : les boulangers. Or, à
Saint-Ambroix, il y avait deux minoteries : la Minoterie Vedel (réputée
pour ses farines) et la Minoterie Bonnet. Les boulangers de la Saint-Ambroix et
des alentours s’approvisionnaient de préférence chez Vedel. Pour assurer la
viabilité de son entreprise, Bonnet décide de construire un grand four à pain
fonctionnant à la vapeur, de produire pains et pâtisseries et de les porter,
chaque jour, chez un épicier-dépositaire de Saint-Ambroix. Le four cessa de
fonctionner dans les années 1944-1945..