5 – Finistère - Etude d’une roue hydraulique à aubes horizontales

dite « pirouette » en Bretagne

 

Article de 2 pages, avec nombreux schémas, par Jean-Pierre FAVREAU.

Contact : mail : Favreaucohenner@wanadoo.fr

Désirant restaurer la « pirouette » traditionnelle de mon moulin du Finistère, mais disposant de peu d’eau, j’ai d’abord voulu me documenter et rechercher quelle forme donner aux aubes pour obtenir un bon rendement hydraulique. La diversité des aubes rencontrés m’a surpris. La seule étude hydraulique que j’ai trouvée est celle de Jean-Charles de Borda (1733-1799). Il calcule et expérimente que les roues à palettes plates, verticales ou horizontales, ont un rendement théorique maximum de 4/8ème  et un rendement pratique de 3/8ème. Il ajoute que, si l’on peut construire des roues à aubes courbes, le rendement pourra être multiplié par 3/2. 

Voici les résultats de mes calculs.

1)      Comment fonctionne une roue horizontale à palettes plates.

1.1 – A la différence de la roue verticale à godets, ce n’est pas le poids de l’eau qui fait mouvoir la roue, mais l’impulsion Q.V. (Q débit et V vitesse de l’eau qui arrive sur la roue).

1.2 – La puissance du jet qui tombe sur la roue est : P =1/2 Q.V²   (P en watts, Q en kg/s, et V en m/s). La puissance de la roue est égale à cette puissance du jet multipliée par le rendement de la roue.

1.3 – Le rendement de cette roue dépend de l’inclinaison de la palette et de sa vitesse.

Le meilleur rendement théorique de 0,50 est obtenu quand la palette est perpendiculaire au jet (à l’arrêt) et pour une vitesse supérieure à la moitié de celle de l’eau : Vp = 0,5 Ve / cos j.

 Palette perpandiculaire au jet à l’arrêt

1.4 – L’angle du jet avec la verticale, vu depuis la palette en mouvement, augmente avec la vitesse de la palette. Pour la vitesse optimale, g = 2j en position moyenne mais compter 2,3 j pour les extrêmes. Plus la roue tourne vite, plus une part importante de l’eau risque de passer entre les palettes sans les frapper.

Vp : vitesse de la palette ;  Ve et V : vitesse du jet par rapport au sol et à la palette

1.5 – Pour vérifier si l’on perd de l’eau on peut tracer une épure du jet frappant les palettes,  avec l’angle d’inclinaison du jet par rapport à la palette en mouvement. Cette épure montrera aussi quelle quantité d’eau tombe sur la palette en divers points de son parcours sous le jet et combien de palettes reçoivent l’eau en même temps.

1.6 – Pour ne pas perdre d’eau on peut augmenter la hauteur des palettes ou leur nombre. Ceci est limité par le mode de construction choisi. Si l’on construit une roue métallique, il est plus facile d’augmenter le nombre de palettes que dans une roue en bois.

1.7 – « Il faut que l’eau dégage ». C’est la remarque en or d’un ancien meunier. Ne pas freiner l’eau qui se dirige vers l’axe et si possible la réduire. Une solution pour la réduire est d’incliner la palette par rapport au rayon de la roue. Sur l’ancienne roue du moulin de Lanvers, la médiane de la palette n’est pas rayonnante mais s’appuie sur un cercle de 18 cm de diamètre. On obtient un même effet en repoussant l’attaque du jet sur la roue dans le sens du jet.

2 – Comment une cuiller donne un rendement meilleur que la palette plate.

2.1 – L’eau agit sur la roue à l’entrée et à la sortie.

2.2 – Pour éviter les chocs, l’entrée de l’eau doit être tangente à l’aube, ce que l’on recherche dans les turbines. On va donc rechercher un angle d’incidence faible. Pour une cuiller en bois, la plus faible incidence est donnée par une surface verticale et plane dans toute la zone d’impact. Il n’y a pas d’avantage hydraulique à incurver cette zone d’attaque : ni la génératrice verticale car cela accroît l’angle d’incidence ni la génératrice horizontale car, dans le parcours de la cuiller sous le jet, ce qui serait bon au début sera néfaste à la fin et vice versa.

2.3 – Pour que l’eau donne une impulsion à la roue en sortant, il faut qu’elle aille vers l’arrière. La cuiller donne un meilleur rendement que la palette plate quand elle dirige mieux l’eau vers l’arrière.

2.4 – Regardons où va l’eau après l’impact sur la zone plate. Prenons une entrée verticale plane et un jet incliné de 25° par rapport au sol. Les ¾ de l’eau se dirigent vers le bas, suivant une oblique orientée vers le centre au début du passage de la palette sous le jet et vers l’extérieur à la fin. Le fait de déporter la palette par rapport au rayon incline davantage ce flux vers l’extérieur et donc favorise le dégagement de l’eau. Le quart restant de l’eau se répartit uniformément dans toutes les directions.

2.5 – Récupération d’énergie à la sortie : Le flux sortant par le haut est perdu. Le flux allant vers le centre ne doit pas être freiné. D’ailleurs, si on le renvoie vers l’arrière, il va frapper la palette suivante. Les deux autres flux peuvent être récupérés mais c’est celui qui sort sous la roue qui est important (13/16ème). C’est donc la section verticale de la cuiller qui doit être bien choisie. Pour que l’eau s’évacue bien, choisir de grands rayons ou des angles ouverts.

Voici trois sections verticales d’aubes. De la 1 à la 3, le rendement augmente, mais la quantité d’eau que reçoit chaque aube diminue. Pour ne pas perdre d’eau, il faut augmenter le nombre d’aubes.

1) Palette plate

Rendement théorique :   0,50    

Rendement espéré :        0,38

Nombres d’aubes :         n

 

2) cuiller en bois

Rendement théorique :   0,66

Rendement espéré :        0,50

Nombres d’aubes :         2n

                                               

3) aube en tôle

Rendement théorique :   0,75

Rendement espéré :        0,56

Nombres d’aubes :         3n

 

2.7 – On peut obtenir un rendement réel de 0,50 pour une roue en bois bien construite.

Le rendement global du moulin, par rapport à sa chute totale, est bien inférieur car il tient compte de toutes les pertes avant, dans et après la roue. Pour comparaison : le rendement global d’une turbine Pelton (qui fonctionne comme une pirouette) est de l’ordre de 0,80.

3 – Pour terminer : La qualité première d’une roue est sa robustesse ; les contraintes de construction priment sur les finesses hydrauliques. Mieux vaut une bonne palette plate qu’une mauvaise cuiller. Pour améliorer l’aubage, veiller à ne rien perdre d’eau et retenir la parole du meunier : « Il faut que l’eau dégage parce qu’il en vient d’autre derrière » !

 

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