par X. LARROUY-CASTERA. Avocat
à la Cour d'Appel de Toulouse et de Pau.
Extrait
d’un article de 2 pages.
Aborder la question de la gestion de nos cours d'eau
n'est jamais chose aisée, et l'entreprise peut apparaître périlleuse.
D'abord, parce qu'il existe une grande diversité des
cours d'eau et sous ce même vocable, peuvent correspondre une diversité de
situation : fleuves, ruisseaux, torrents ou petites rivières. De même, sur les
cours d’eaux coexistent souvent une multiplicité d’usages, souvent
concurrents.
Ensuite, parce que le droit ajoute
à cette complexité : il n'y a pas un cours d'eau mais des cours d'eau :
notre droit continue de distinguer les cours d'eau domaniaux, des cours d'eau
non domaniaux (la loi de 1964 avait même ajouté une 3ème catégorie,
les cours d'eaux mixtes, abrogée par la loi du 3 janvier 1992).
Enfin, parce qu'il continue d'exister, malgré la création
des agences de bassin en 1964, un divorce entre le maillage naturel de l'espace
- le cours d'eau et l'ensemble de ses affluents - et les maillages
administratifs du territoire (régions, départements, communes).
Afin de coordonner les différentes actions
entreprises sur les cours d'eau, il a été imaginé la mise en place de divers
instruments chargés, à l’échelle d’un bassin, sous-bassin, unité
hydrographique ou simple cours d’eau, d’assurer une gestion cohérente (A).
De façon concomitante, les
pouvoirs de police ont été unifiés et sensiblement étendus (B).
A.- A la recherche d'un instrument de gestion adapté
Un premier constat s'impose : on assiste à la
multiplication d'instruments destinés - directement ou indirectement- à
faciliter la gestion des cours d'eau. Cela est source de diversité, de richesse
(utiliser l'instrument le plus adapté aux circonstances locales) mais aussi de
difficultés car la plupart de ces instruments sont mal définis dans leur
contenu et surtout dans leurs effets. Ils peuvent ainsi se compléter mais aussi
se superposer, voire, dans certaines hypothèses, se contredire.
Deux catégories peuvent être distinguées : les
instruments de planification et les
instruments contractuels
1.-
Instruments de planification
: les SDAGE et SAGE.
C'est la grande innovation de la loi sur l'eau de
1992. Plusieurs projets de réforme du droit de l'eau, depuis la fin des années
80, ont insisté sur la nécessité de créer des schémas d'aménagement des
eaux. L'idée qui dominait et qui domine encore tient en deux points : gérer au
niveau d'un bassin ou d'un sous bassin, c'est à dire au plus près de la
ressource elle-même, et grâce à la planification, prévoir une politique à
moyen et long terme d'aménagement et de gestion du patrimoine hydraulique.
Le législateur, fort de ces deux objectifs, s'est
inspiré du droit de l'urbanisme et a, dans une certaine mesure calqué sur les
Schémas Directeurs d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU) et les Plans
d'occupation des Sols (POS), les Schémas Directeurs d'Aménagement et de
Gestion des Eaux (SDAGE) et les Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux
(SAGE).
Ces instruments ont vocation à appréhender et évaluer
l'ensemble des usages de l'eau à l'échelle d'un bassin ou sous-bassin.
a)
Généralités.
Ce sont les schémas directeurs qui, pour chaque
bassin ou groupement de bassins, fixent les orientations fondamentales de la
gestion équilibrée de la ressource (art. L. 212-1 C. env.). Les schémas, en
prenant compte des programmes arrêtés par les collectivités publiques, définissent
les objectifs de qualité et de quantité. Ce sont ces mêmes schémas qui délimitent
les périmètres de sous-bassin correspondant à une unité hydrographique.
Il appartient au SAGE de dresser l'état de la
ressource, de faire le bilan du milieu aquatique et de relever les différents
usages.
L'institution fondamentale est la Commission
Locale de l'Eau (CLE), créée par le préfet pour l'élaboration, la révision
et le suivi de l'application du SAGE ainsi que pour connaître des réalisations,
documents ou programmes portant effet dans le périmètre du SAGE. La
composition de la commission est tripartite et compte :
pour
moitié des représentants des collectivités territoriales, des établissements
publics locaux qui désignent en leur sein le président de la commission;
pour un quart,
des représentants des usagers, propriétaires riverains, organisations
professionnelles et associations.
pour un autre quart
enfin, des représentants de l'Etat et des établissements publics. Ce collège
doit comprendre un représentant du préfet coordonnateur de bassin et un représentant
de l'agence de l'eau.
Un décret du 24 septembre 1994 est venu préciser
les règles destinées à assurer une représentation minimale et si possible,
équitable, de chaque niveau des collectivités territoriales et de chacune des
catégories d'usagers.
C'est ainsi par exemple que s'agissant des élus,
il faut veiller à désigner aussi bien ceux de l'amont, que ceux de l'aval ;
des élus du milieu urbain et du milieu rural. Pour les usagers et les
riverains, le ministre recommande les représentants des associations syndicales
d'agriculteurs, des professionnels de pêche maritime et précise :
"en toute hypothèse, je vous demande de veiller à une bonne représentation
des associations agréées de pêche et de pisciculture, ainsi que des
associations de protection de la nature habilitées par la loi". Quant aux
représentants de l'Etat et des établissements publics, il ne faut pas oublier
notamment EDF, VNF, le conseil supérieur de la pêche et les représentants des
services chargés de la police des eaux, DIREN, DDAF, etc... Equilibre, s'il en
est, délicat à atteindre…
La loi de 1992 prévoit en outre que pour
faciliter la réalisation des objectifs prévus par le SAGE, les collectivités
territoriales et leurs groupements intervenant dans le domaine de l'eau, peuvent
créer une communauté locale de l'eau. Celle-ci est un établissement public qui est constitué et qui
fonctionne comme un syndicat de communes.
Il semble aujourd’hui désormais possible de faire
un premier bilan de la politique de planification. Chacun des SDAGE ont été
approuvés dans les 6 bassins hydrographiques français et, il faut le noter,
dans les délais impartis par la loi. En revanche, et s’agissant des SAGE,
aucun délai n’a été fixé par le législateur et il faut constater,
contrairement aux SDAGE, un certain laxisme dans l'élaboration des SAGE, alors
que cet instrument reste pourtant indispensable pour gérer au mieux la
ressource en eau.
b)
Effets juridiques
Pourtant, il serait inexact de conclure à l'absence
totale d'effets juridiques du SDAGE. Le législateur de 1992 précise en effet
que les programmes et les décisions administratives prises dans le domaine de
l'eau, doivent être compatibles ou rendus compatibles non seulement avec les
dispositions du SAGE, s'il existe, mais aussi du SDAGE. De la sorte, les
dispositions du SDAGE -et plus encore bien entendu celles contenues dans le SAGE-
vont conditionner, dans une large mesure, l’octroi ou le refus de décisions
individuelles intervenant dans le domaine de l’eau.
Nous commençons aujourd’hui à avoir les premières
illustrations au contentieux :
Note 1 : Revue POUR, Vers une gestion concertée
de l'eau, n° 157, Mars 1998, p.20.