Les moulins à vent de l’Indre-et-Loire,

par Gabriel-Henri Penet, de l’Association des Amis des Moulins de Touraine

Extrait d’un articles de 9  pages avec une carte de la région et photos de l’auteur.

Le Val de Loire, avec la Touraine et l'Anjou, provinces indissociables malgré les frontières administratives, peut être considéré sans hésitation comme une des plus importantes régions de moulins à vent en France aussi bien pour leur densité que pour la variété de types que l'on y trouve. Ils sont un éventail de tous les modèles existant ailleurs, excepté ceux du Nord.

Le plus grand nombre de ces moulins à vent est situé sur les coteaux dominant la Loire ou perché sur le sommet des vignobles, du Layon au Bourgueillois. A signaler que tandis que les moulins-caviers se sont développés à l'est d'Angers jusqu'au Chinonais, les moulins-tours dominent à l'Ouest d'Angers et à l'Est de Chinon. Cette prolifération est due à plusieurs facteurs:

A- Cette région de l'Ouest subit les vents forts de l'Ouest et du Nord qui soufflent à longueur d'année et cette partie de la Loire, tout en étant à une centaine de kilomètres de la mer, accueille des vents marins chauds circulant le long du fleuve qui leur sert de couloir.

B- Le flanc Sud de la Loire est escarpé tandis que le Nord est plat, ce qui permet aux vents dominants de souffler sans gêne. Ceci valable pour la partie de la Loire comprise entre Angers et les abords de Chinon.

C- Pour des raisons historiques et culturelles, l'Anjou a toujours été un lieu de rencontres de gens et d'idées ce qui expliquerait la multitude de formes et la rapidité avec laquelle les moulins furent dotés de techniques nouvelles qui ne s'implantèrent dans les régions entourant cette province, que plus tardivement.

Il était plus aisé et moins coûteux de bâtir un moulin à vent qu'un moulin à eau. Pas de conflits à craindre avec les meuniers d'amont ou d'aval, pas de tracasseries des « Services des Eaux et Forêts ». Les frais sont moindres, il n'y a pas de vannes, digues ou chaussées, tout ce qui accompagne les moulins à eau.

Le Droit médiéval avait codifié le droit d'eau mais n'avait pas prévu le droit de vent! « Nul ne peut interdire à quiconque l'usage du vent » disait-on . Pourtant le juriste de l'époque arrivera, en certaines régions, à inclure le vent dans les forces qui peuplent le fief, et en tirer profits.... Rarement le droit de banalité fut appliqué aux machines à vent de l'Indre et Loire.

D- La Touraine, par contre, fut moins peuplée par ces machines à vent. L'importance du tissu des rivières recouvrant le pays, explique l'emploi de l'énergie hydraulique qui fut de longue date préférée, à l'énergie éoliènne en cette province.

La densité des moulins à vent à l'Ouest de l'Indre et Loire, ou de ce qui en reste ne contredit pas cette préférence, car cette région composée du Véron et du Bourgueillois faisait partie avant 1791 de l'Anjou.

Après cette date, une frontière administrative, les départements, a rattaché à l'Indre et Loire cette parcelle riche en moulins à vent..

En Anjou et Touraine ce rattachement n'a pas empêché que ces provinces aient une continuité dans la caractère architectural de ces monuments, reconnue aujourd'hui par la création du parc National Anjou-Touraine, officialisant enfin, le lien culturel qui les unie.

En ces régions du Val de Loire, trois types principaux de moulins  à vent ont  cohabité:

Le moulin-pivot , appelé  moulin-chandelier, cage en bois s'articulant autour d'un pivot plein en bois posé au sol, cousin de par sa forme des moulins beaucerons visibles encore aujourd'hui en cette région; seuls deux subsistent en Anjou; nous le citons ici pour mémoire, car il a complétement disparu en Touraine où il a néanmoins existé du moyen-âge au XVIIIème siècle, comme l'atteste les cartes des Cassini.

Le moulin-cavier, érigé avec une stucture de cave, s'articulant autour d'un pivot central en bois, et sur lequel nous reviendrons plus longuement.

Le moulin-tour,  répandu sur l'ensemble de la France et dont quelques uns subsistent encore en notre région.

Cette construction cylindrique, coiffée d'une charpente couverte de bardeaux de chataigniers ou d'ardoises; toit toit tournant sur un rail au sommet de la maçonnerie pour orienter les ailes façe aux vents, se maneuvrait par une queue d'orientation en bois descendant du toit jusqu'au sol. A la fin du XIXème siècle presque tous les moulins tours se mettent au vent, de l'intérieur, par un mécanisme à crémaillère se maneuvrant sans effort et à l'abri, offrant plus de sécurité que les autres types moulins.

En Touraine comme ailleurs, les deux ou trois paires de meules placées à la partie haute de la tour servaient à la mouture des céréales, blé, ou  seigle, voire maïs.

Le moulin-tour fut le dernier et le plus puissant des moulins à vent et aussi de par sa stucture celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps. Ils sont nombreux, sans ailes, dans le paysage de la Touraine ruinés souvent, à se rappeler à nos souvenirs d'imageries enfantines.

Si trois types de moulins à vent furent en service en nos régions des Pays de Loire, fait unique dans l'histoire de ce pays, en plus des moulins à eau, c'est le moulin-cavier qui s'est imposé comme le plus caractéristique, le plus curieux, sinon l'un des plus beaux de tous, grâce à sa silhouette élancée, souvent harmonieuse.

Tous les moulins caviers ont la même stucture générale; le nombre de pièces était fonction des moyens financiers du meunier!

La construction  est de formes diverses suivant sa situation géographique, circulaire, hoctogonale, ou rectangulaire dans le Saumurois et le Chinonais.

Dans ces régions les caves construites au niveau du sol, sont très élaborées grâce à la maîtrise à laquelle étaient parvenus les tailleurs de pierres de cette époque, permettant au meunier d'habiter les salles voisines.

Une cage en bois "la hucherolle", érigée au sommet de la tour conique emprisonnant le pivot, supporte le mécanisme d'entraînement, ailes, engrenages communiquant l'énergie aux meules situées en bas dans la cave, par un arbre vertical traversant ce pivot creux, en bois, autour duquel s'articule cette cage également en bois. Celle-ci recouverte de "bardeaux" ou d'ardoises, porte à l'avant l'arbre soutenant les ailes.

La hucherolle est orientable façe aux vents, par un escalier d'accès qui sert de queue d'orientation en même temps, et forme contrepoids par rapport aux ailes à l'opposé.

Comme pour tous les types de moulins à vent, le cavier apparu dans nos régions depuis le XIIème siècle, était équipé d'ailes dites "à rateau", recouvertes de toiles, puis par la suite équipées de planches mécanisées, de type Berton, du nom de son inventeur, à partir de 1850.

Comme le confirment des travaux récents (mémoire sur la meunerie à vent dans la région de Doué la Fontaine, de Christian Cussonneau); le cavier est bien originaire de ce terroir particulier truffé de caves de l'Anjou et en particulier de Doué-la-Fontaine.

Adaptant le moulin pivot d'origine, le meunier-vigneron a su construire, dès le 13e siècle, un moulin semi-troglodytique, utilisant les caves de la région, permettant d'entretenir une certaine fraicheur, évitant le risque d'échauffement et de feu menaçant les moulins de bois. Plus tard la construction fut érigé au niveau du sol, utilisant la même stucture cavique.

De plus cete structure autorisait la préparation et la conservation du vin. Dans les salles voisinaient le blé, le stockage du vin, le préssoir et les mécanismes divers appropriés, cotoyant ceux du broyage des céréales!

La masse, en plus, avait l'avantage d'éviter au meunier de monter et descendre, les meules se trouvant en bas; elle était conçue aussi pour absorber les vibrations parfois importantes des mécanismes, lors de fortes bourrasques de vent.

 Aujourd'hui en Indre et Loire certains caviers ne sont plus utilisés que par les viticulteurs, en lieu de caves ou vieillit le vin en barriques, ou lieu d'habitation dans le Bourgueillois et le Chinonais.

Ce type de moulin est un trésor architectural dont il faut sauvegarder les plus pittoresques pour la mémoire du futur.

(L’auteur part ensuite  à la découverte des moulins survivants et décrit les plus caractéristiques.)

Bibliographie et documentations consultées, cités par l’auteur

Archives Départementales d'Indre et Loire  (Séries  G, H, L et C, E, F, S )

Société Archéologique de Touraine

Bulletin de la Société des Amis du vieux Chinon

Les moulins d'Anjou, numéro spécial de l'AM Anjou 1981

TIMS- actes du 5e Symphosium de molinologie en France 1982

BUSSEROLLE de Carré, Dictionnaire géographique, historique et biographique d'Indre.et Loire.1878 à 1888 (réed.1977 -1999)

CUSSONNEAU Christian-La meunerie à vent dans la région de Doué la Fontaine . Mémoire.

CUSSONNEAU Christian-Les cahiers de l'AMA n°1 Connaitre les moulins d'Anjou , en collaboration avec Jacques MEUGE et Michel RACLIN

GIBBINGS Christopher-Moulins-caviers d'Anjou, en collaboration avec J.De la GARDE (1977-1981)

JEANSON Denis-Sites et monuments du Val de Loire,1986- et archives dactylographiées.

JOLIVOT Nicolas-Saumur et les moulins à vent, recensement de 1988, cahier dactylographié

MONTOUX André-Vieux logis de Touraine, Edit. CLD Chambray les Tours

PENET Gabriel-Henri-Les moulins à vent de Touraine, magazine de la Touraine n°10 1984

PENET Gabriel-Henri- Histoire des moulins de Chouzé sur Loire 1995 Edit.l'auteur

PENET Gabriel-Henri-Moulins en Touraine 2001 (extraits de l'ouvrage en préparation...)

PETITFILS Guy- Le livre de mon moulin, 1977 Edit.Stock Paris

QUEREILLAHC Jean-Louis-Meuniers et moulins au temps jadis (Marcel Gouzène)1987

RANJARD Robert-La Touraine archéologique 1968 Edit.J.Floch

RIVALS Claude-Le moulin à vent et le meunier dans la société traditionnelle francaise.        

SAVETTE Paul-Alexandre (Colonel) Les moulins de Saumur 1934 (Archives Maine et Loire) 1976 Edit.SERG

 

2tr02n50