La Noria de Marmande, par  Serge Camps : correspondant en Gironde de la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins.

Extrait d’un article de 2 pages avec photos.

La Noria fonctionne avec une roue hydraulique, qui remonte l’eau (voir à Damas en Syrie) c’est un moulin à exhaure comme le font aussi en Hollande les moulins à vent. Ce moulin se dit nà hora (en arabe na désigne l’eau). L’étymologie remonte à la civilisation nabatéenne, aux peuples qui vivent 1 500 ans av. J.-C. autour du désert de l’Aram ; ils parlent l’araméen langue commune aux Athéniens, Crétois, Syriens, Galiciens, Judéens, Lyciens, Palestiniens, Traces, c’est la langue que parle le Christ (les Grecs, les Romains s’en sont imprégnés mais ils n’intègrent pas les technologies de l’hydrologie nabatéenne).

 

La Noria de Marmande est un moulin, dont le nom est déformé au XIXe dans le pays d’al Andalous (côte Est de l’Espagne). Ce n’est pas un moulin à roue hydraulique, il remonte l’eau du puits à l’aide de l’énergie humaine ou animale. C’est donc une Sânîyà, elle est considérée comme étant un moulin à sang. En Espagne il se prononçait Nâ orià, par déformation avec nà hora en arabe. La région d’al Andalous est occupée durant 7 siècles par les Arabes entraînant d’autres peuples. Les Almoravides (1086) puis les Almohades (1147-1269) apportent des connaissances relevant de la civilisation nabatéenne, entre autres la maîtrise de l’eau. On y rencontre dans ce domaine beaucoup de mots venant du Moyen Orient.

Le point de puisage se situe sur la zone proche des "grandes gravières", anciens lits de la Garonne, au 92 rue Pierre Buffin à Marmande. Des gravières y sont ouvertes surtout au XIXe siècle. Elles sont utilisées en matériaux de constructions, exploitées pour rehausser des endroits de la ville, combler les anciennes douves, aménager les boulevards, le foirail, les ballasts de la voie ferrée, les entrepôts de tabac, etc (Jean CONDOU « Les gravières… " la petite Venise." ») La partie la plus ancienne au fond du puits est à environ 5.85m, le niveau des vases dures est à 5.69m. Le mur est bâti en moellons de pierres calcaires dites "à astéries". Profondément disjoint par les gâchages d’eau des godets, le mur s’est désolidarisé. Il s’est écroulé pierres après pierres, puis blocs après blocs jusqu’au fond du puits sur env. 2.26m de hauteur. En 1932 M. Roland Baudin, puisatier, reconstruit toute la partie minée « en utilisant un rouet en bois d’ormeau » fait par lui-même, mis à plat au fond du puits sur lequel il rebâtit le puits à la force de ses mains. La seconde partie du mur non restaurée est d’origine ancienne. Hors d’eau en période d’étiage, elle est bâtie exclusivement en pierres. Elle continue toujours à se dégrader. La troisième partie plus récente, est bâtie en briques plates "cintrées à plat". Ce matériau est typique de la moyenne vallée de la Garonne. À 0.11m, un quatrième tronçon du mur, toujours en briques cintrées, est reconstruit au XIXe. Il sort au dessus du sol, mais il n’en reste que quelques traces car il est percé par diverses ouvertures que sont les socles destinés à soutenir la sânîyà. Les socles de la sânîyà sont taillés dans deux blocs de calcaire à astéries plus solides, venus des coteaux agenais. Leur masse fait disparaître 2/3 du sommet du puits y compris la margelle (disparue). Après la pose des socles, un cinquième morceau de mur complète le puits actuel dépourvu de margelle. Il est percé à nouveau (pompe à main, moteur de puisage et accès divers...). Le mur du puits porte la trace de 6 reprises, correspondant à six époques différentes. La réserve est abondante, profondeur puisable avec les godets : étiage à 5. 80m, le niveau en hiver arrive à 2m du sol.

Mme Simone Loiseau née en 1920 témoigne : « Dans mon enfance, j’aimais m’arrêter voir tourner la noria le dimanche après-midi, c’était même une distraction ; son petit bruit, reconnaissable entre tous, reste dans ma mémoire comme un instant d’émotion ». C’est au milieu du XXe siècle que la sânîyà de Marmande et son petit âne se sont endormis.

 

 

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