Les roues hydrauliques et leur développement

The Power and the Glory of Waterwheels

 

 Compte-rendu de l’ouvrage en français de Jeff Hawksley, relecture Annie Bouchard. Ce livre, publié à Londres en 2008 par the Mills Section of the Society for the Preservation of Ancient Buildings, a pour sous-titre “Etapes vers un meilleur rendement”. Ceci en est un  résumé.

L’histoire commence avec quelques vestiges des roues hydrauliques retrouvés dans des fouilles archéologiques. Une aube d’une roue datée du 12e siècle a été retrouvée en Worcestershire, Angleterre. A l’époque la roue avait actionné une forge à fer. C’était une roue en dessous, assez étroite et avec les aubes fixées autour d’une seule jante. La figure 2 montre des roues semblables. De telles roues sont actuellement rares en Angleterre, mais on peut en trouver en France. On en trouve un bel exemple au Moulin du Birlot sur l’Ile de Bréhat, Bretagne.

Nous avons des renseignements sur six roues en dessus du 14e au 17e siècles, en particulier un segment d’une roue hydraulique qui provenait d’un moulin à blé en Sussex du 14e siècle. On peut actuellement voir ce segment à Michelham Priory, également en Sussex. La plupart de ces roues étaient étroites, elles avaient un seul rang de rayons et les augets étaient faits de planches plates et inclinées, comme on le voit figure 4. Etonnement, une des roues avait les augets courbes et une, du 17e siècle, était plus large avec deux rangs de rayons. Il semble qu’ils avaient déjà appris qu’une roue plus large produirait plus de force. Jusqu’à la fin du 17e siècle, un moulin à blé avait une roue hydraulique actionnant sa propre paire de meules.

Au 18e siècle.  En 1704, dans une communication à l’Académie Royale à Paris Antoine Parent introduisit le concept de bon rendement. Il avait compris que la puissance disponible était fonction du débit et de la chute de l’eau. C’est ce qu’il appelait “L’effet naturel”. La fraction de cet effet naturel convertie en puissance mécanique par la roue s’appelle “le rendement”. Parent calculait le rendement d’une roue en dessous théoriquement. Il déclarait 16/27 (15% environ) mais ce résultat était très faible. Pendant les 50 années suivantes, il y eut des discussions ininterrompues, quelle roue avait le meilleur rendement, en dessus ou en dessous ? La question n’était pas résolue de manière satisfaisante quand John Smeaton publia en 1759 les résultats de ses expériences sur des maquettes des roues hydrauliques. Pour les roues en dessous, il mesurait le rendement approximativement 1/3 ou 33%. Pour les roues en dessus il mesurait environ 2/3 ou 67% - double du rendement d’une roue en dessous. A partir de là, Smeaton défendit les roues actionnées par le poids de l’eau (les roues en dessus) si le site disposait d’une chute d’eau suffisante, et les roues de côté si la chute était plus basse.

Demande pour plus de puissance. Vers la fin du 17e siècle, des moulins à blé avec engrenages en deux renvois arrivèrent. Une roue peut alors actionner deux, trois ou même quatre paires de meules. Pour ce faire, il fallait que la roue produise plus de force. Les roues devinrent plus larges afin d’être chargées de plus d’eau et, donc, elles produisaient plus de puissance. Déjà, à cette époque-là, il y avait des roues hydrauliques de grande taille, par exemple à Marly-sur-Seine. Un nouveau modèle de roue en dessus, avec augets façonnés de deux planches en forme de coude était mis en place. De cette façon le rendement était amélioré.

En 1771, Richard Arkwright inaugurait une filature actionnée par une roue hydraulique à Cromford, Derbyshire. D’autres suivirent rapidement. Ces usines avaient besoin d’une puissance beaucoup plus grande que les moulins à blé traditionnels, et l’exploitation des sites hydrauliques exigeait une utilisation plus efficace de l’eau disponible.

En 1767, Jean-Charles Borda publia un article important à Paris. Il corrigeait les erreurs de Parent et poussait plus loin la théorie de comparaison des différentes sortes de roue hydrauliques – en dessus, en dessous et roues de côté – et montrait comment concevoir des roues plus efficaces. Dans le même temps, John Smeaton fabriquait quelques pièces des roues hydrauliques en fer, notamment l’axe. Des roues d’une nouvelle conception apparaissaient.

Roues de haute puissance du 19e siècle. En 1811, Thomas Hewes construisit une roue hydraulique pour une filature à Belper, Derbyshire, fabriquée entièrement en fer. Elle s’appelait “roue suspendue”, avec des tiges minces en tension comme rayons, comme la roue d’une bicyclette. La roue suspendue a l’inconvénient de ne pas pouvoir transmettre la force de la jante, là où elle est produite, à l’axe d’où elle est en principe utilisée. Pour remédier à cet inconvénient, Thomas Hewes conçut le système d’engrenages montré. La force est prise d’un petit pignon qui engrène un grand engrenage boulonné à la jante. Au cours des années suivantes, beaucoup de roues suspendues furent construites, quelques-unes de très grande taille et puissance. William Fairbairn, un ingénieur célèbre, construisit deux roues pour une usine textile en Ecosse, chacune de plus de 15 mètres de diamètre et d’une puissance de 75 kW. Elles étaient belles, légères et élégantes

Perfectionnements des roues pour faible chutes. William Fairbairn jugeait que ses roues en dessus et de poitrine avaient un rendement de 75% environ. Arthur Morin mesura le rendement d’une roue en dessus en fer et publia les résultats de ses expériences en 1873. Il rapportait un rendement de 73%. Des expériences ultérieures en USA et en Allemagne déclaraient des rendements encore plus hauts. Pour les sites de haute chute, des roues hydrauliques de bon rendement étaient disponibles. Mais, pour les sites avec chutes inférieures, il n’y avait que les roues en dessous, avec un rendement inférieur. Cette situation changea en 1826 quand Jean-Victor Poncelet conçut une nouvelle roue adaptée aux basses chutes. Sa roue avait les aubes courbes selon les principes hydrauliques déjà établis et, en minimisant les pertes d’énergie, elle avait un rendement presque double de l’ancienne roue en dessous.

En 1858, Alphonse Sagebien conçut une roue très différente avec les aubes longues et inclinées. L’eau peut entrer doucement et, parce qu’elle tourne très lentement, les pertes d’énergie à la sortie sont minimisées. De très grandes roues de type Sagebien furent construites notamment la Station de Pompage à Trilbardou, près de Paris, et deux roues magnifiques au Mans. En 1883, Walter Zuppinger apportait des modifications. Sa roue ressemble à la Sagebien mais les aubes sont courbes afin de minimiser les pertes d’énergie quand les aubes sortent de l’eau dans le canal de fuite. Ces roues étaient répandues en Allemagne.

Source : The Power and the Glory of Waterwheels by Jeff. Hawksley. Published by the SPAB Mills Section, London, 2008. 44 pages, format A5, 23 illustrations, Texte en anglais. ISBN 978-1-898856-28-3

Disponible à The Mills Archive Trust - Watlington House - 44, Watlington Street - Reading RG1 4RJ Grande-Bretagne. www.shop.millsarchivetrust.org Prix £5.00, frais de port en sus. Nombreuses illustrations sur les différents types de roues hydrauliques et leur développement. Ecrit par l’un des meilleurs experts dans le domaine, cet ouvrage est destiné à tous ceux qui s’intéressent aux moulins à eau.

 

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