Dans les vallées du Voironnais (Isère)
Les moulins à foulonner ou foulons ou
gauchoirs à draps de laine
ou moulin à dégraisser
Résumé d’un article de 4 pages avec photos
et dessins, par Alain Schrambach,
ingénieur
géologue/hydraulicien
Le
traitement des étoffes de laine
Après la tonte des moutons, les laines étaient lavées,
séchées, passées au batteur afin de les nettoyer. Ensuite après le filage
on tissait les pièces de laine. Pour finir, afin de les assouplir, de
resserrer la trame et d’éliminer les restes de suint, on la passait au foulon
(ou gauchoir à drap de laine). Toutefois avant l’invention de cette
machine, on foulait aux pieds les draps.
Le foulonnage
des laines
Le moulin à
foulon appelé également gauchoir
à draps ou encore moulin à dégraisser,
était basé sur le même principe que les piles
(cuves) et les battoirs des premiers
moulins à papier où on fabriquait la pulpe de linges divers qui servait à
préparer la pâte à papier.
Le foulon proprement dit était en bois (châssis et
parties mobiles). Une roue hydraulique à axe horizontal entraînait dans un
mouvement de rotation l'arbre de couche
(l’axe de la roue) sur lequel étaient disposées des cames métalliques
formant des excroissances. Celles-ci soulevaient les bras des battoirs en bois qui retombaient violemment dans la pile,
sous l'effet de leur poids. Le bruit des divers marteaux heurtant le fond était
très prononcé. On disposait au préalable les draps et feutres à traiter
dans les cuves en pierre (ou en bois) ou piles.
Une machine comprenait en général deux marteaux par pile,
et plusieurs piles si nécessaires.
On citait « un foulon à 3 coupes
et deux autres à 2 coupes (ou piles) ».
On pouvait utiliser de l'argile locale, et pour les serges fines de la terre
« du côté du Rhône ».
Le foulage donnait de l'épaisseur et de la compacité aux tissus, car à
l'issue du travail, ils se rétrécissaient.
Histoire :
les origines
Durant l’Antiquité, des esclaves foulaient aux
pieds le tissu de laine déposé dans une cuve avec de l’eau, et il en fut
de même durant le premier millénaire ap. J.-C. Un texte, à la fin du IXe siècle,
de l’abbaye de Saint-Gall en Suisse, fait allusion à des pilae, qui servaient à fouler les étoffes. Toutefois, le véritable
moulin à foulon nécessitait l’usage des cames
mues par une roue hydraulique. Donc l’invention de cette machine, dont le
principe était celui des battoirs,
des piloirs, se fit après
l’apparition des cames, pièce mécanique
qui permet de transformer un mouvement rotatif (celui de l’axe du moteur) en
mouvement linéaire alternatif (celui des battoirs). Elles seraient apparues au XIe / XIIe siècle, début
d’une période féconde en nouvelles machines.
Concept et évolution
de la machine
Le
moteur était une roue hydraulique à axe horizontal. Cette machine a évolué.
Au début, il s’agissait probablement simplement de pilons
ou piloirs qui tombaient
verticalement en frappant les tissus. Leur conception était celle d’un pilon à grains. Ensuite, la pile,
sorte de cuve (en bois ou en pierre) dans laquelle étaient placés le drap et
l’eau chargée d’argile à foulon, se transforma en une petite cavité en
position latérale qui recevait le
piloir. Toutefois le
mouvement de ce dernier n’était plus vertical mais oblique sinon horizontal
et en fin de course il frappait le drap placé dans la cavité citée. Le piloir
devint en fait un maillet ou
marteau qui décrivait un arc de cercle en pivotant autour d’un axe. Néanmoins,
les cames étaient toujours nécessaires.
Ce changement tardif doit dater du XIXe siècle, le foulon à battoirs
verticaux existait encore au XVIIIe siècle.
Introduction
dans les ateliers
« Le
travail d’un foulon équivaut à celui de 40 hommes, quarante hommes sans spécialisation
à qui on demandait simplement de piétiner la laine tissée dans une cuve
remplie d’une solution mordante » (d’après Fossier R.). Cette
machine, qui mettait au chômage les plus pauvres, fut mal accueillie et il
fallut – tout du moins au début – limiter son usage durant un siècle.
Toutefois en 1444 on cite encore une « foulerie
au pié du roi » en concurrence avec les machines. En 1313, on
installa sur la Seine, à Paris, des bateaux dénommés « bouterets »
qui battaient les draps (d’après Fierro A.).
A Louviers, entre 1407 et 1409, une révolte des
ouvriers entraîna l’arrêt du foulon. On invoquait pour ça la mauvaise
qualité des draps foulonnés à la machine. Ils « estoient
et sont souvent rompuz, cassez, creux et de mauvais appareil ». De
ce fait on ne passait dans le foulon que les « gros draps bureaux, de grosses et mauvaises laynes que l’on ne povoit
pas aisément endurer à estre foullez au pié ».
Dans le Nord, les villes lainières qui tenaient à
la réputation de leurs laines s’opposaient à l’usage du foulon. Par
ailleurs, les foulons urbains en particulier pouvaient être une source de
nuisance. « L’argile et l’alun
… utilisés par les foulons… L’urine
est conservée dans des barriques à l’entrée des portes, avant d’être
additionnées à de l’argile en décomposition : on a vu des foulons (nom
de la machine qui a donné celui de l’artisan)
inviter les passants à se soulager devant leur atelier » (d’après
Leguay J.-P.).
Bibliographie.
Schrambach
A. Verdel E. avec
la participation de Capolini J. Chavanis P.-H. Ferriere L. Parent J.-F. Moyne
J.-P. Perrin-Taillat M. Enquêtes en archéologie industrielle dans les vallées
du Voironnais et dans le Massif de la Chartreuse 1993-2011. Equipe Archéologique
des fouilles de Charavines. M. Colardelle, E. Verdel directeurs - Musée
Dauphinois J. Guibal directeur.