Sarthe
- Découverte en la cathédrale
Saint-Julien du Mans
Des
meuniers… dans le vitrail des boulangers
Résumé
d’un article de 2 pages avec photos de Gérard
Plommée
Les
sources iconographiques du Moyen-Age parvenues jusqu’à nous s’inscrivent
majoritairement dans les édifices religieux. Entre le bestiaire des chapiteaux
romans évoquant les monstres des enfers et les vitraux gothiques racontant la
vie des saints, on découvre quelques scènes profanes. Le XIIIe siècle, avec
son « blanc manteau de cathédrales », accompagné de l’essor des
corporations urbaines, nous fournit maintes illustrations des occupations
quotidiennes des hommes.
Le Mans, l’une des premières
villes du Royaume de France à obtenir une Charte municipale, fin du XIe siècle,
connut alors un essor économique important. Entre la vieille ville contenue
dans l’enceinte gallo-romaine et la ceinture des nombreux monastères et
abbayes, la ville s’agrandit hors les murs du IIIe siècle. Elle remplit alors
le vide des berges de la Sarthe, rive gauche, jusqu’aux moulins installés sur
la rivière. Les plus anciens barrages, ceux d’Enfer, de Gourdaine et de Saint
Jean, comptaient déjà plusieurs moulins à écraser les céréales, ainsi que
des moulins à tan et à foulon. Le riche XIIIe siècle le fut aussi pour la cité
mancelle. Les corporations naissantes aidèrent au financement des travaux de la
cathédrale Saint Julien, avançant lentement depuis quelques décennies. La
puissance financière des marchands drapiers, fourreurs, des métiers de
cabaretiers, de bûcherons, de forgerons et des professions de vignerons et
boulangers, se trouve affichée dans les verrières du chœur gothique de Saint
Julien. Son inauguration survint le 20 avril 1254, selon les Actus de la
cathédrale Saint Julien.
Deux verrières
essentielles, celle des vignerons et celle des boulangers. Elles sont aussi le
symbole du principe chrétien de Subsistanciation : le pain et le vin
participent à chaque office religieux et ne pouvaient avoir qu’une place de
choix dans le nouvel édifice.
Le vitrail des vignerons
évoque bien les différents travaux des hommes ayant saint Vincent pour saint
patron. Celui des boulangers (baie 212) mérite une observation fine, car trois
lancettes sur quatre seulement évoquent l’art du boulanger. En effet, la
première lancette, si elle nous parle bien de farine, ne se passe pas chez le
boulanger, mais chez le meunier. Dans le livre de Hucher et Launay, paru en
1865, voici le commentaire écrit de la première lancette : « Des
boulangers versent du blé dans un sac. Plusieurs boulangers portent une
cornette attachée sous le menton. Mesure violette, quatre cercles violets, cône
tronçonné ».
Réétudions la scène. Il
s’y trouve quatre personnages. A gauche est le meunier, et derrière lui son
garçon meunier. Ce dernier doit verser dans la trémie un sac de grain pour le
faire écraser entre les meules : geste oh combien représentatif du métier
de meunier ! Le meunier est habillé en rouge, il a effectivement une sorte
de bonnet tenu par une bride sous le menton. De tous temps, le meunier a couvert
ses cheveux afin de les protéger de la fine poudre de farine qui envahit la
salle des meules.
La « mesure
violette, quatre cercles violets (selon
Hucher et Launay) , cône tronçonné », c’est la trémie : elle
identifie le moulin. La trémie est aussi le symbole du temps qui passe, de la
vie des hommes s’écoulant dans une sorte de sablier.
Les deux personnages, à
droite, l’un habillé en brun, recueillent la mouture dans un sac : ce
sont le boulanger et son aide. On les retrouve dans les lancettes deux, trois et
quatre : le boulanger pétrit la pâte avec son mitron, puis ils enfournent
le pain, enfin ils défournent le pain cuit du four.
Les boulangers devaient être
nombreux dans la ville du Mans au XIIIe siècle. Mais les quelques meuniers des
moulins à céréales du bord de la Sarthe furent mis à contribution ou proposèrent
leur obole pour cette verrière des métiers liés au monde de la mouture.
L’iconographie médiévale relative au moulin et au meunier semble assez rare
en France pour le XIIIe siècle. La ville du Mans peut s’enorgueillir
d’avoir un élément de ce patrimoine du Moyen-Age.
Sources :
Photographies de André Coutard .
Hucher, Eugène (numismate
et archéologue) (1814-1889) et Launay, Alexis-René (abbé, vicaire de N.D. de
la Couture au Mans) Vitraux peints de la
cathédrale du Mans : ouvrage renfermant les réductions des plus
belles verrières et la description complète de tous les vitraux de cette cathédrale.
Paris : Didron, Le Mans : Monnoyer frères, 1865 ; 41 pages dont
20 planches illustrées.
Remerciements
à Joseph Guilleux et Stéphane Arrondeau.