Cher - La Petite Forge de Bigny à Vallenay

 

Article de 3 pages avec photosv et plans de Cyril Jouneau

 

Le site de « La Petite Forge » est situé sur une île entre la rivière Cher et un canal qui avait été créé pour les activités de cette industrie. « La Petite Forge », le canal ainsi que le barrage, existent déjà sur la carte de Cassini.

Le minerai travaillé était extrait de sites dans un rayon de 10 km. En 1770, un haut-fourneau et une fonderie sont installés et produisent environ 375 tonnes de fonte par an, convertie en fer doux par la suite. Le produit transformé est commercialisé et acheminé via le Cher vers Nantes ou vers l'Auvergne. L'exploitation du site se révèle relativement performante : dans les années 1780 on parvient même à y produire des canons. Les seigneurs de Bigny étaient de puissants maîtres de forge.

Un texte de 1837 rapporte que celle-ci se compose d'un haut-fourneau, d'un lavoir à minerai mû par une roue hydraulique, d'une forge à quatre feux et à deux marteaux, d'une fonderie anglaise, de deux trains de cylindres lamineurs et de trente-huit bobines de tréfilerie. Une machine à vapeur de la force de trente chevaux est en outre destinée à suppléer à l'insuffisance des eaux. Bientôt une seconde machine de cent chevaux sera installée. Cette usine consomme annuellement quarante mille stères de bois à charbon et huit mille hectolitres de houille.

A la suite de partages au début de ce siècle, les forges passèrent aux mains de la famille d'Osmond, ancêtre du duc de Maillé, propriétaire du château de Châteauneuf-sur-Cher. Le cadastre de 1820 indique que le marquis d'Osmond était propriétaire de la forge et de ce qui l'entoure, tandis que le baron Augier (descendant des seigneurs de Bigny) possédait le château et les terres voisines. Vers 1830, M. Gallicher est directeur des forges de Bigny. Son fils Louis, sorti ingénieur de Centrale en 1837 à 23 ans, vient aider son père, puis en 1839 prend la direction de l'usine.

En 1889, les forges s'arrêtent; on commençait à s'apercevoir des difficultés de rentabilité (transport du charbon, concurrence, etc.). En 1905, M. Clément Labbé, venu de St Florent, reprend la forge qui fonctionne tant bien que mal jusqu'à la guerre de 1914-1918. En 1918, M. Véry le remplace pour y travailler le bois (menuiserie, parqueterie); la vieille forge est abandonnée et toute l'activité se retrouve transportée dans les nouveaux bâtiments (usine au bout du canal).

Il faudra attendre les années précédant la Seconde Guerre mondiale pour voir reprendre vraiment l'activité industrielle de Bigny. Vers 1938, l'usine de M. Véry reprise par M. Valentin est acquise par la Sté Métallurgique de Gorcy. Cette importante société lorraine doit se replier en raison des menaces de guerre Un moment, même, Bigny et Vallenay recevront toute la population de la commune de Gorcy et notamment tous les cadres de l'entreprise. La guerre terminée, on hésite à supprimer l'usine de Bigny pour reporter toute l'activité dans l'Est. Finalement Bigny non seulement tiendra, mais s'étendra. La SMG, devenue la Sté des Hauts Fourneaux de Saulnes et Gorcy conserve à Bigny une affaire très prospère.

En 1931, c'est le pharmacien parisien Canone (l'inventeur des Pastilles Valda) qui rachète l'usine. Son fils Jacques, pharmacien lui-même, charge un ingénieur chimiste, Serge Vernudachi, du développement d'une nouvelle entreprise à vocation chimique. A partir de 1936, commence à s'édifier une nouvelle usine destinée à l'électrolyse du chlorure de sodium et on remet en état digue et canal. En 1947, Jacques Canone vend l'usine à la firme Cotelle et Foucher (Javel la Croix). Mais bientôt Serge Vernudachi (demeuré directeur général de l'usine) souhaite trouver un autre débouché. Il pense à fabriquer et à blanchir au chlore de la pâte de paille. C'est une réussite en 1953 ; l'usine porte le nom de Cellulose de Bigny. A la suite, l'usine sera reprise par la Société Walton et Place qui va en faire une véritable papèterie. Le 1er janvier 1972, un processus de fusion aboutit a la création de la SOCAR. Quelques années après, cette même firme fit construire de nouveaux ateliers . Utilisant les cartons "krafts" produits par la Cellulose du Pin, cette nouvelle usine produisit des emballages en carton ondulé. Bigny - Vallenay avait retrouvé une activité industrielle.

Aujourd’hui le site est menacé. Un projet veut supprimer le barrage en amont de la propriété qui alimente le canal. Si le barrage est supprimé, l’eau n’arrivera plus dans le canal. Le barrage appartient à l’Etat et le canal à une société privée « Smurfit Socar ». Un projet mené par la mairie de Bigny Vallenay est de racheter le canal, de le fermer à l’entrée et à la sortie, et d’en faire un plan d’eau alimenté par les eaux de pluie et  un système de pompage !. La suppression du barrage, et par conséquent le projet de la mairie, modifie l’existant, à savoir un canal et l’environnement d’un site protégé ! Concernant la production d'hydroélectricité : 8 dossiers de sociétés souhaitant utiliser le barrage pour faire de l'électricité ont été déposés. Objection, l'État demande à ce que ce soit ces sociétés qui financent les travaux d’aménagement de passe à poisson... travaux estimé à 1 600 000 euros. Et pour se protéger d’un éventuel repreneur le préfet a pris un arrêté refusant systématiquement la possibilité d'obtenir un droit d'eau pour produire de l'électricité. Concernant nos droits d'eau, c'est à nous de prouver que nous en avons un !

Cyril Jouneau

Sources historiques : Pierre Aubailly

 

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