Isère – Vallée du  Grésivaudan

Les moulins liés à l’Abbaye de Montfleury

 

 Article de 6 pages avec plans et photos par Alain Schrambach, géologue, hydraulicien, archéologue industriel  et Robert  Chagny historien. Université de Grenoble.

L’abbaye dominicaine de Montfleury, ou monastère Royal de Montfleury, située à la Tronche, au-dessus de Grenoble sur le flanc sud-est du massif de la Chartreuse, fut fondée en 1347. Immédiatement, il fallut nourrir les moniales et surtout leur apporter du pain, la nourriture de base à l’époque. Donc des moulins à grains furent construits.

Les premiers furent implantés sur le ruisseau de Charmeyran proche de l’abbaye. Ils sont cités dès 1355. « … deux moulins à la suite l’un de l’autre, ensemble un réservoir et cours d’eau … situés au dessous du monastère sur le ruisseau du Charmérand… ».  Toutefois, et nos études hydrologiques le démontrent ainsi que les textes de l’époque, les écoulements trop faibles ne permettaient pas un travail régulier. D’autres moulins furent construits. Un autre site, situé à vol d’oiseau à 4 kilomètres au nord, fut retenu sur le ruisseau de Vence mieux alimenté. Ils sont cités dès 1547. “ domaine au mas de Vence, composé de maison fermière, grange, hangar, moulins et battoir à chanvre, pré, terre, bois et varages ”. Enfin, il est fait mention, du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle, de moulins sur la berge de l’Isère. Ils furent construits par le monastère. La proximité de Grenoble (moins d’un kilomètre) laisse supposer qu’il s’agissait d’ateliers de rapport.

Moulins sur le Charmeyran

L’étude d’Archipal ne fait pas mention de moulins sur le Charmeyran. Il existait une abbaye à la Tronche : le Monastère Royal de Montfleury. Un sigle de moulin apparaît sur la carte de Cassini du milieu du XVIIIe siècle, à proximité de l’abbaye un peu en amont. Sur la carte d’état-major levée en 1843 il n’y a plus de moulin.

Cette institution fut fondée en 1347 (Archipal). En se référant à la règle de saint Benoît, un moulin devait être réservé à l’usage des moniales. "... La Règle de saint Benoît édictée à la fin du Ve siècle, prévoit que chaque monastère doit comporter un moulin "infra monastérium" pour satisfaire à ses propres besoins ... Les moulins monastiques de haut Moyen Age devaient être, dans l'ensemble, de petite dimension et installés sur des rivières au débit modeste dont la maîtrise était aisée ... enfin si le nombre d'appareils cités est sans doute plus un effet du renouveau de l'écrit à l'époque carolingienne que d'une révolution hydraulique ...."

Le ruisseau de Charmeyran était le seul écoulement, sur le flanc oriental du massif montagneux à la Tronche, à pouvoir entraîner un tel atelier.  Le résultat des recherches effectuées par Robert Chagny,  montre qu’il existait deux petits moulins sur le Chameyran sous le monastère.

Moulins sur le ruisseau de Vence

 L'auteur a effectué une étude hydrologique du ruisseau de Charmeyran afin de déterminer les débits disponibles dans ce ruisseau (en particulier ceux en basses eaux).Ils sont très faibles et les moniales se sont rapidement tournées vers le ruisseau de Vence qui disposant d'un bassin versant plus important, assure une bien meilleure alimentation. Toutefois pour y accéder il fallait, en partant de l'abbaye, monter au col de Vence et redescendre vers le ruisseau avec des dénivellations importantes. Comme les capacités de meulage de l’atelier près de l’abbaye étaient très réduites à cause de la faiblesse des écoulements, un autre moulin fut construit sur le ruisseau de Vence au nord et sous le col éponyme sur la route menant à Quaix en Chartreuse (où se trouve une carrière de taille de meules de moulins). Le bassin versant du torrent de Vence étant plus important, les débits de basses eaux étaient plus soutenus.

Moulins construits sur les berges de l’Isère

Une autre possibilité était de construire des moulins à roue pendante sur les berges de l’Isère mais dominant le plan d’eau ( roue hydraulique du type “ en dessous ” qui pouvait se déplacer dans le plan vertical afin de suivre les mouvements de l’Isère). Il est fait mention du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle, de moulins en liaison avec l’Isère, construits par le monastère (Archipal).

Martinet médiéval

Enfin, d’autres ateliers sont cités au XIVe siècle (Archipal). Il s’agit d’un martinet, c’est-à dire d’un marteau de forge automatique mu par une roue hydraulique du type “ de poitrine ”, ou mais c’est moins probable “ par-dessus ”, à axe horizontal et arbre de couche muni de cames.  Ce type de machine était fréquent dans la région (cinglage de la loupe de fer issue du bas fourneau, forgeage de diverses pièces métalliques dont des outils, forgeage avec un petit martinet ou martinette d’armes blanches). A cette époque (avant l’extrême fin du XVe, début du XVIe siècle), le fer était extrait du minerai (venant du massif de Belledonne) dans un bas-fourneau construit près de l’atelier ou sur un site voisin.

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