BLUTAGE
ET BLUTERIES
Résumé d’un article de 7 pages avec plans et
photos, par André Coutard.
L’art de moudre a précédé, dans les diverses
civilisations, quelquefois de plusieurs siècles l’invention du blutage.
C’est évidemment le raffinement qui a poussé à l’homme de séparer le son
des produits de la mouture et de ne faire figurer, dans la confection du pain,
que de la blanche farine. Cette coutume paraît
très ancienne. La Genèse nous apprend qu’Abraham ordonna à Sara de pétrir
trois mesures de fleur de farine ; comment expliquer ce terme sans admettre
que l’on possédât dès ce moment un procédé capable d’isoler la farine
du produit entier de la mouture ? Les Egyptiens tressaient des filaments de
papyrus ou de jonc ; les Grecs employaient également le papyrus et
les Gaulois employèrent le crin.
I – Le blutage au XVIIe et XVIIIe
siècles
Dans les Traités du XVIIIe
siècle, le dodinage dont il est
souvent parlé, était un bluteau plat ou en forme de sac, parfois conique,
garni d’étamines grossières, logé dans une huche, animé d’un mouvement
de va-et-vient et manœuvré à la main. Une
nouvelle étape devait mener la création du blutoir rotatif. L’Encyclopdie de Diderot et d’Alembert du XVIIIe siècle
nous montre des « blutoirs formés de cerceaux et mis en mouvement par une
manivelle attachée à l’axe et tournée à la main ». Elle donne à ces
appareils le nom de « blutoirs
allemands », ce qui nous fait présumer de leur origine. C’est à
cette époque que fut installé aux moulins de Corbeil
« une bluterie cylindrique recouverte d’un tissu de soie »
entraînée par un couple hérisson-lanterne.
De
construction proche de celle de la
bluterie ronde, celle-ci ne diffère que par la forme de son tambour blutant. Ce
blutoir, dont la forme s’est conservée pendant plus d’un siècle, a été
imaginé par Drancy. Celui-ci, dans son Mémoire de 1785, propose de « construire
les bluteaux sous une forme nouvelle » et cette forme nouvelle est un
« polygone », de 6 à 12 pans, d’un diamètre de 0,60 m à 1,30 mètre
et portant quatre étoffes différentes sur une longueur de 3 à 8 mètres. Vers
1840, des brevets furent pris pour des bluteries à pans, munies de taquets
glissant sur des tiges de bois et aidant ainsi par les chocs à détacher la
farine qui obstruait les mailles de la soie. Cet appareil apparaît alors sous
le nom de blutoir américain. Peut-être
cet appareil, inventé en France, a-t-il été réintroduit sous un nom étranger
au moment où le système de mouture à l’anglaise, mais imaginé en Amérique,
faisait son apparition en France. Cette bluterie, la plus employée au début du XIXe siècle
est répandue encore aujourd’hui dans les petits moulins.
III - Les
bluteries centrifuges
Elles apparurent en France dès 1875, mais ce ne fut que
vers 1878/80, avec la diffusion des machines à moudre par cylindres, que
s’implantèrent les bluteries centrifuges. Elles sont de toutes, celles dont
la puissance est la plus considérable. Elles furent l’objet de nombreux
brevets déposés surtout entre 1883 et 1890.
IV - Les bluteries
planes
On reprochait aux diverses bluteries présentées de trop secouer la marchandise. Ces remarques ont amené les constructeurs à réfléchir à des appareils rappelant par leur mouvement les tamis plats et manuels d’autrefois !
Dès 1889, en France, l’ingénieur Bethouart imagina une bluterie plane, à cinq plateaux superposés munis de soies. Dans la même décennie, mais hélas deux ans avant, en 1887, deux frères, meuniers à Budapest, en Hongrie, nommés Haggenmacher, avaient imaginé une bluterie plane rectangulaire qu’ils font construire par la maison Luther de Brunswick et qui lui donne le nom de Plansichter. Cet appareil est introduit en France en 1889 par Brault, Teisset et Gillet. Ces constructeurs installent les premiers aux « Grands Moulins de Corbeil ».
C’était un progrès considérable car on a pu par ce
nouveau procédé augmenter considérablement le rendement de la surface
blutante. La combinaison et la
disposition des tamis permettaient de faire dans une même machine la division
des produits, obtenir un refus et plusieurs extractions.
Bunge, meunier à Lubeck, modifie en 1894, la forme généralement
retenue et propose des machines à plateaux-tamis de forme circulaire. Dans ces
appareils, les constructeurs ont cherché à obtenir la plus grande surface
possible de blutage sous le plus faible espacement au sol possible.
Des perfectionnements nombreux furent apportés aux
plansichters, par tous les constructeurs de renom, et ce jusqu’à
aujourd’hui. Les plansichters modernes qui tamisent et classent les différents
produits de la mouture se révèlent les véritables cerveaux du moulin.
V – Les
sasseurs.
Les semoules, gruaux et finots provenant du broyage
doivent subir avant leur réduction au convertissage, une opération d’épuration.
Les appareils à bluter, aussi perfectionnés qu’ils soient ne peuvent classer
les semoules que par grosseur selon les mailles du tissu blutant et non par
densité selon leur nature. L’invention du premier sasseur mécanique donnant
de bons résultats est dû à un meunier de Bordeaux du nom de « Cabannes ».
Un brevet lui est délivré en 1855. Vers 1862, un autre sasseur dû à Loron,
meunier à Senlis, apparaît avec un brevet de perfectionnement en 1872. L’opération
de sassage mécanique n’a véritablement débutée qu’en 1856. Les brevets
ont été rares jusqu’en 1875, mais ils augmentent à partir de 1880 pour
atteindre un point culminant en 1895. Contrairement au plansichter, le sasseur
est animé d’un mouvement de va-et-vient avec effet de chasse. Il comporte des
tamis d’ouverture de mailles croissantes. Le porte tamis est légèrement
incliné de l’entrée vers la sortie. Pour assurer le classement densimétrique,
les tamis sont traversés par un courant d’air dont la vitesse est réglable.
Lors des enquêtes de 1936 préparant le contingentement des moulins, les
sasseurs n’étaient pas classés parmi les appareils de blutage.
Les perfectionnements apportés aux divers appareils de blutage, ronds, hexagonaux ou plans, firent l’objet de pas moins de 291 dépôts de brevets entre 1851 et 1913, preuve de l’intérêt des meuniers et des constructeurs pour améliorer constamment cette phase de travail.
Bibliographie :
-Journal de la meunerie et de la boulangerie, années 1890 à 1908.
-Le froment et sa mouture - Traité de meunerie – par Aimé Girard et L.Lindet – Paris 1903.
-Manuel de la meunerie - A. Bouquin – Paris 1923.
-Historique de la meunerie et de la boulangerie – T1- par Marcel Arpin – Paris 1948.
-La meunerie - par J-F. Lockwood. Directeur Général de Henri Simon LTD - France – 1950.
Je remercie M. Claude WILLM, ingénieur, AEMIC, consultant en industries céréalières pour l’aide apportée à la finalisation de cet article.