Tarn. La turbine du moulin à eau de Viale est restauré.

 

Résumé d’un article de 3 pages, avec photos, par Laurent Maignial propriétaire du moulin.

Le moulin de la Viale sur le ruisseau de Vère-Vère, sous le village du Verdier, à 12 km au nord de Gaillac, dans le département duTarn, a repris vie. Le moulin de la Viale réuni des bâtiments, un réseau hydraulique et une installation motrice en bon état.

L’histoire en bref…

On peut supposer l’origine du moulin vers 1250 au moins, ce moulin est fondé en titres :  attesté dès 1475, puis dans le cadastre de 1644, porté sur la carte de Cassini vers 1750, il était propriété de la famille De Cahuzac jusqu’à la Révolution française de 1789. En 1791, le moulin de la Viale fut vendu aux enchères publiques à la bougie comme bien national pour la somme de 15 500 livres. Depuis 1839, il appartient à la famille Maignial .

Le moulin ancien est une construction de plan rectangulaire (dimensions intérieures 10 x 3 m) robuste, bâtie selon la technique du Moyen Age

Quand la mécanique et la « fée électricité »entrent dans le moulin

A son retour de la guerre de 1914-1918, mon grand-père Yves Maignial, médecin, aménagea le moulin en meunerie : il fit ajouter un bâtiment attenant en brique, et installer des matériels récupérés des grands moulins de Gaillac afin de fabriquer de la farine. Pour actionner ces mécanismes, les rouets furent remplacés par une petite turbine de type Francis (Douge et compagnie, Besançon) d’un rendement très supérieur.

Cette turbine permettait aussi d’actionner une scie circulaire et de produire de l’électricité utilisée dans les rues du village et édifices publics (église, école, mairie), ainsi qu’en atteste la délibération du conseil municipal de 1924, et de fournir la maison familiale en courant électrique.

Le moulin habité par un meunier fonctionna comme meunerie commerciale sous la marque « Meunerie du Verdier, à la Renommée » jusqu’en 1927, puis s’arrêta à cause de la concurrence des grands moulins. Pendant la guerre de 1939-1945 la meunerie fut en partie réutilisée pour une production de farine familiale.

La restauration : tout à refaire … ou presque !

Pour réaliser les travaux de restauration, nous avons fait appel à des entreprises ou des artisans mais à chaque étape nous avons dû, avec mon épouse, « mettre la main à la pâte ».

En 1997, la toiture du moulin a été refaite. En 2003, l’extension en brique en mauvais état a été démolie et remplacée par une construction neuve. Les bâtiments en pierre ont pu être conservés dans leur aspect extérieur, tous les planchers ont été rebâtis. Dans le bâtiment le plus ancien, la salle des meules a été conservée en vue de restaurer ultérieurement d’une meunerie traditionnelle.

En 2003 le barrage du moulin a été entièrement reconstruit en conservant toutefois strictement les niveaux et les gabarits des déversoirs et des vannes d’origine.

En 2004, ont été réalisées les restaurations de maçonnerie des déversoirs, de la vanne de décharge et de la prise d’eau. Un débit réservé équivalent au quarantième du module a été aménagé à la prise d’eau ainsi que le prévoit la loi des moulins fondés en titre. 

Après plusieurs essais infructueux de restauration sur place, la turbine hydraulique d’origine a été déposée et restaurée en usine de mécanique industrielle. Cette turbine est alimentée par l’intermédiaire d’une chambre à eau. La hauteur totale de chute est de 4 mètres. Il a également fallu remplacer la vanne de pied (acier galvanisé). La dynamo a été remplacée par un alternateur. Un premier essai de production électrique a été réalisé à Noël 2004. L’installation assurera la fourniture d’électricité (environ 4 kw/h) nécessaire pour le chauffage de l’habitation à partir de l’hiver prochain.

 

L’aventure juridique

Sûr de mon bon droit à faire fonctionner ma petite usine, j’ai écrit à la police des eaux afin de l’informer de mes intentions et en demandant des informations sur le module du ruisseau afin de respecter le débit réservé.

L’administration m’ayant informé de sa prochaine visite en février 2004, j’ai naïvement accepté de recevoir trois techniciens de la police des eaux et du Conseil supérieur de la pêche.

Lors de cette visite, j’ai  remis des photocopies des documents attestant le moulin fondé en titres. Après une inspection minutieuse de l’ensemble du canal d’amenée et des ouvrages, on m’a annoncé « on vous écrira »… J’ai ainsi reçu par courrier à en-tête tricolore l’interdiction de remettre en service la turbine en avril 2004, invoquant le principe de précaution et le fait que la turbine n’avait pas fonctionné depuis plus de 2 ans ! Il va de soi que ces arguments n’ont aucune valeur légale. Sur les indications de monsieur Jean-Louis Cantayre de l’ARAM du Tarn et grâce à l’intervention par courrier de Maître Larrouy-Castera avocat à Toulouse, l’interdiction a été levée le 19 mai 2004, compte tenu du respect de la consistance légale dû aux moulins fondés en titre (antérieurs à la révolution de 1789). L’administration m’a accordé le fonctionnement par lettre à la condition qu’un débit réservé du quarantième du module soit réalisé. Une autre condition était l’installation d’une grille à poissons d’un entrefer de 3 centimètres barrant l’ouvrage de prise d’eau, une telle grille n’ayant jamais existé auparavant suivant les usages loyaux et constants. Je n’ai pas placé une telle grille qui aurait inévitablement été rapidement bouchée par les feuilles ce qui s’oppose au débit d’eau auquel le moulin peut prétendre de manière continue, et j’en ai averti la police des eaux par courrier en indiquant avoir placé une telle grille avant la turbine conformément à l’article L-432-5 du code de l’environnement. Ma lettre est restée sans réponse pendant plus de deux mois… donc acceptée de droit.

A noter que faisant écho aux difficultés administratives que j’ai rencontrées, deux moulins fondés en titre et interdits de droits d’eau par les administrations ou les tribunaux locaux se sont vus récemment rétablis dans leurs droits d’eau par jugement du Conseil d’état : l’un en Ariège (article de « La France Agricole » du 28 janvier 2005 p. 64) et l’autre dans les Pyrénées-Atlantiques (arrêt du 7 juin 2004, article de « Lou Farinel » n° 17 nov. 2004, ARAM Tarn). Il faut donc se défendre !

Je considère aujourd’hui, en militant sur le terrain pour la production d’énergie propre et renouvelable,  avoir fait œuvre de citoyen de la planète terre : c’est le véritable développement durable, trop souvent seulement promis par les hommes politiques et empêché ou freiné par les administrations. Le lecteur aura compris que pour remettre en état de fonctionnement ce moulin, le chemin a été long, parsemé d’embûches et difficultés en tous genres, il aura fallu y consacrer beaucoup de temps, mais cela en vaut la peine pour conserver vivant un témoin de la formidable aventure humaine des moulins qui ont joué un rôle essentiel pendant un millier d’années comme pourvoyeurs d’énergie : tout un projet de vie … ou le projet de toute une vie .

Renseignements : Laurent Maignial La Viale Le Verdier 81140

Mail : laurent.maignial@libertysurf.fr

 

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