Diagnostic multi-critères
pour la
restauration des seuils en rivière
Résumé d’un article de 4 pages du à Cyril Folton,
Cemagref Aix-en-Provence, service Unité ouvrages hydrauliques. Cette méthode
de sélection a été initiée à la demande d'Epidor (Etablissement Public
Interdépartemental Dordogne) et mise au point à partir de l'étude des
seuils de trois rivières du cantal: la Céze, L'Authre et la Jordanne en
amont d'Aurillac
Sur de nombreux cours d'eau français, les propriétaires
privés de seuils, par manque de moyens, ont peu à peu abandonné l'usage et
l'entretien de leurs installations. Face à une telle situation et pour un
cours d’eau donné, la collectivité peut décider de prendre les mesures
propres à éviter qu'une dégradation généralisée d’un parc d'ouvrages
n'ait de conséquences dommageables pour la rivière et les activités
riveraines qui s'y sont développées. Une restauration de tous les seuils
n'est pas financièrement envisageable. Il faut donc distinguer ceux qui présentent
un intérêt particulier, à partir de l'importance et de la multiplicité des
fonctions assurées par chacun d’entre eux. Vis-à-vis
des besoins des différents utilisateurs du cours d’eau il est nécessaire
de hiérarchiser les priorités dans le cadre d'une approche privilégiant les
intérêts de la collectivité.
De prime abord, la disparition ou la dégradation des
seuils est susceptible de perturber l'équilibre géomorphodynamique préexistant,
le niveau des nappes phréatiques et les zones de débordement, ainsi que de
la végétation de berge (ripisylve). Les fonctions historiques patrimoniales
et éventuellement économiques des ouvrages sont à prendre en compte.
Les enjeux se déduisent naturellement de l'impact de
la disparition des ouvrages. Ils concernent la sécurité publique (pour le rôle
des ouvrages lors des crues ou pour la stabilisation du profil de la rivière),
la qualité écologique et la ressource en eau. Ils sont également
patrimoniaux et économiques pour certains seuils remarquables dont l'attrait
touristique constitue une richesse non négligeable. L'enjeu financier enfin
doit être également évalué.
Le principal objectif d'un tel diagnostic est
d'identifier les ouvrages dont les enjeux sont prioritaires et pour lesquels
une intervention est urgente. La détermination des enjeux s'appuie donc sur
des études préalables pluridisciplinaires. L'intégration du résultat de
ces études selon une méthode qui prenne en compte plusieurs critères
permettra d'établir une liste classée des seuils dont la réfection est jugée
prioritaire.
La cartographie topographique de la rivière est
indispensable à l'évaluation des fonctions hydrauliques des seuils et à
l'analyse des risques liés aux crues.
L'évaluation des enjeux écologiques passe par le
recensement et la cartographie écologique d'informations aussi diverses que
la nature et la forme (pente, profondeur) du lit et des berges, la présence
d'embâcles, d'érosions, la nature de la végétation.
L'étude hydraulique a deux objectifs: l'évaluation
des risques d'inondation et l'analyse de l'impact des ouvrages dans l'équilibre
géomorphologique de la rivière.
L'étude hydrologique permettra de connaître les
données de pluies et de débits disponibles sur le bassin versant
L'étude hydraulique permettra ensuite de déterminer
d'une part l'impact des ouvrages (dont les seuils) sur l'équilibre
morphologique de la rivière (risque d'érosion, de débordement ou de dépôts,
etc), et d'autre part la vulnérabilité des constructions et équipements au
regard des inondations.
On essayera de déterminer dans le cadre de ces études
l'impact des ouvrages en place ou de leur disparition. La ruine d'un seuil
peut avoir des conséquences au niveau du lit global du cours d'eau
L'objectif de cette étude est de faire un bilan de
la qualité du milieu aquatique et de déterminer des objectifs raisonnables
en terme de protection ou de reconquête du milieu naturel.
L'étude de la qualité physico-chimique de l'eau
permet d'apprécier le niveau de pollution pour les phosphates et les nitrates
permettent le classement en 5 niveaux de "normal" à "pollution
très forte".
L'étude de la qualité biologique passe par les
indices de qualité biologique normalisés (IBGN). Cette méthode permet
d'estimer la qualité du milieu à partir de l'étude du peuplement des
macro-invertébrés.
L'étude de la vie piscicole constitue le troisième
et dernier volet de l'hydrobiologie. L'enjeu est de qualifier la
franchissabilité des ouvrages au regard de la population piscicole.
Qu'elles sont celles susceptibles de vivre dans ce
milieu et capables de le recoloniser (naturellement ou artificiellement) ? Les
ouvrages présentent-ils une gêne aux déplacements de ces populations et
quels sont les aménagements nécessaires pour permettre les migrations.
La réalisation d'ouvrages de franchissement n'est
pas simple et devra, si elle est envisagée, faire l'objet d'une étude spécifique.
Le cours d'eau n'est pas un système fonctionnant de
manière fermée. Il est important que la rivière ne soit pas uniquement perçue
comme un exutoire hydraulique causant occasionnellement d'importants dégâts
lors des crues et que l'on essaie peu à peu d'enfermer, de réduire, de contrôler.
Les seuils sont des ouvrages qui permettent dans
certains cas, le développement d'activités de loisir comme la pêche ou la
baignade. Certains ouvrages de part leur attrait patrimonial, historique ou
environnemental constitue un atout indéniable pour le développement
touristique.
Une étude paysagère peut également être intégrée
à l’évaluation des fonctions.
L'intégration de ces aspects dans le cadre de l'élaboration
d'un contrat de rivière permettra d'instaurer une solidarité de tous les
acteurs riverains du cours d'eau. La réfection d'un seuil particulièrement
attractif où dont les enjeux hydrauliques sont importants bénéficie en
effet à une population au-delà des seules limites communales.
Le diagnostic génie civil fait partie intégrante
des études. Il vise à qualifier l'état des seuils et permet de déterminer
les coûts de réparation et de proposer des solutions alternatives. L'Indice
Global de Désordre (IGD) permet de classer les seuils en fonction de
l'urgence des réparations. La méthodologie du diagnostic et les techniques
de réparation des ouvrages qui en découlent ont déjà fait l'objet de deux
articles parus dans la revue Moulins
de France, n° 43 et 44 juillet / 2000.
Il
s'agit maintenant de prendre en compte l'ensemble des fonctions de chacun des
seuils et de dégager une liste d'ouvrages nécessitant une intervention
prioritaire.
La
première des choses à faire est de considérer la globalité du cours d'eau
et de faire un bilan de l'état actuel. Dans quel état sont les ouvrages,
quel est le coût de leur réparation, quel est la qualité de l'eau et du
milieu, quelles sont les conséquences de la ruine des ouvrages ?
Dans
le cas d'une instabilité marquée et générale du lit de la rivière (érosions
de berge, enfoncement du lit, etc.), la conservation des ouvrages ayant un rôle
de stabilisation peut être un critère prépondérant. Si l'on souhaite par
ailleurs, améliorer l'attrait de la vallée, l'amélioration de la qualité
du milieu et l'aménagement de pôle d'attraction touristique ciblé peuvent
constituer d'autres enjeux. Par contre l'amélioration des conditions de vie
piscicole débutera d'abord par l'amélioration de la qualité de l'eau avant
d'envisager la construction de passe à poissons.
Il s'agit de classer les ouvrages en fonction de leur intérêt collectif (IC). Le principe consiste à évaluer une note d'IC en intégrant 5 critères prépondérants.
Ces critères sont :
Hydraulique/Stabilité, Inondation, Alimentation en Eau Potable (AEP), Tourisme/Patrimoine et
Piscicole/Environnement. Pour chacun de ces critères et pour chaque ouvrage,
on détermine une note comprise entre 0 et 4 qui est fonction de l'importance
de l'ouvrage au regard du critère considéré.
La note d'Intérêt Collectif
est obtenue par la pondération des différents critères en fonction
de l'importance que l'on veut leur donner. Un poids double a été affecté
pour l'hydraulique/stabilité (Nst), inondation (Nin) et AEP (Naep),
tourisme/patrimoine et piscicole/environnement ont été compté pour 1.
Il est bien évident qu'une telle liste ne doit pas
être interprétée de façon restrictive, ne serait-ce que du fait de sa
construction, forcément entachée d'une grande part de subjectivité, la mise
en avant de quelques seuils ne doit pas faire oublier tous les autres, non
pris en compte sur le linéaire du cours d'eau.
Notes,
références et bibliographie :
Cette
méthode de sélection des seuils a été initiée à la demande d'Epidor (Etablissement
Public Interdépartemental Dordogne) et mise au point à partir de l'étude
des seuils de trois rivières du cantal: la Céze, L'Authre et la Jordanne en
amont d'Aurillac (120 ouvrages ont été diagnostiqués en 1995).
Cette étude a fait l'objet d'une publication et d'un
article de vulgarisation disponible auprès des éditions du Cemagref.
La publication d'un guide pour le diagnostic,
l'entretien et la restauration des seuils en rivière est également programmée.
Parution récente aux éditions La Martinière du
livre "Rivières et Paysages" de B Fischesser.
Relire « Moulins de France » n° 43
de juillet et n° 44 d’octobre 2000, « Diagnostic intégré et
restauration des seuils en rivière », de Sébastien Merckle, Cémagref
- Aix-en-Provence.