Les moulins de l’Orne et de
l'Alençonnais dans de nouveaux réseaux économiques lors de la guerre de
1914-1918 (II
I)
Extrait d’un article de 6 pages repris de la thèse soutenue à l'Université de Caen le 1er décembre 2015 « Les moulins hydrauliques à grains et les minoteries de l'Alençonnais, XVIIe-XXe siècle, de la lumière à l'ombre, quatre siècles d'évolution » par Patrick Birée
La
meunerie, florissante au début du XIXe siècle dans l'Orne (l’enquête
de 1809 recense 750 moulins hydrauliques à cette date), voit peu à peu, au
cours du siècle, son activité se concentrer sur de plus grandes unités de
production, les minoteries. Les premiers ne
sont plus que cent cinquante environ et les secondes une trentaine, avant
la Première Guerre mondiale. Le conflit entraîne
des bouleversements importants dans la production agricole et la meunerie. Les
meuniers des classes d'âges concernées sont incorporés dès le mois d’août
1914 et, parmi eux, un
certain nombre sont tués, ce qui perturbe le fonctionnement des sites de
meunerie. De plus, la main d'œuvre agricole manque, ce qui diminue les
rendements, notamment ceux des céréales, influant sur le travail des moulins
et minoteries qui deviennent un enjeu national. Dans l'Orne, comme dans les
autres départements, moulins et minoteries sont mis sous la tutelle du Ministère
du ravitaillement. Des enquêtes régulières sont diligentées dans le département
en 1917 et 1918, pour évaluer le volume de leur production et
leurs besoins en énergie (houille, anthracite). Loin
du front, mais très actifs, les moulins et les meuniers ornais participent
cependant efficacement à l'effort de guerre demandé, un aspect méconnu de la
guerre de 1914-1918.
Le circuit des produits qui arrivent dans les moulins-minoteries a déjà été évoqué à travers le rôle du Bureau permanent. Il existe donc une hiérarchie au sein des sites meuniers, entre « petits moulins », hydrauliques avec meules et minoteries équipées de cylindres et dotées d’un mode énergétique plus performant qui présentent des volumes de mouture beaucoup plus importants. D’autres établissements sont aussi à considérer même si leur production durant cette semaine précise n’est pas aussi importante : Deslandes à Pont-Érambourg, Pelletier à La Madeleine-Bouvet, Maggenham à Fontenay sur-Orne, Rabault à Champsecret, etc. On note aussi la production d’autres structures dans des sources historiques différentes, par exemple, la minoterie Quentin à Alençon. Pendant la période d’avril à novembre 1918, elle a acheté au Bureau permanent, 5 292 quintaux de blé, 209 de sarrasin, 111 d’orge, 102 de seigle, 66 de méteil, 4 d’avoine et 301 quintaux de farine
Dans le même temps, la minoterie Delarue à L’Aigle présente les données suivantes pour l’achat des céréales pour 1918 (du 6 janvier au 7 décembre) : blé 17 296 quintaux, orge 584 quintaux, seigle 257 quintaux, farine (nature non précisée) 100 quintaux, auxquelles il faut rajouter 100 quintaux de maïs, soit un total d’achat de 18 337 quintaux de matières premières pour l’année 1918
Une liste des moulins avec leur stock d’orge, établie pour le Service du contrôle national des moulins et minoteries (courrier du sous-secrétaire d’État du Ravitaillement au préfet de l’Orne, le 26 juin 1918) cite trente moulins-minoteries avec leur contenance d’orge en réserve : les plus importants sont Touche et Denis à Bretoncelles, Gérard au Mêle-sur-Sarthe, Russo à Flers avec 2 000 quintaux, suivi de Goude et Croissant à Couterne avec 1 500 quintaux. Les 26 autres ont moins de 1 000 quintaux de réserve : si Leconte à Écouché, Dufour à Trun et Pilloy à Condé-sur-Huisne présentent 800 quintaux, tous les autres sont au-dessous de 600 quintaux.