Touche pas à mon moulin !
Extrait d’un article de 5 pages, avec
photos, de Patrice Cadet, Moulin de Lespinasse (43)
Comme beaucoup de scientifiques adeptes
des sciences dures, je ne suis pas enclin à parler de moi-même. Tout ce que
j’ai écrit jusqu’à présent était destiné aux revues scientifiques et se
déclinait en 8 chapitres : Summary, Introduction, Material and methods,
results, discussion, conclusion, acknowledgments et references. Le tout étayé
par des preuves expérimentales carrées (exemple : Cadet P, Berry SD,
Spaull VW. Mapping of
interactions between soil factors and nematodes, in
“European Journal of Soil Biology”, 2004, 77-86). Or, depuis que je m’occupe du moulin,
des changements inquiétants sont intervenus, l’irrationalité comportementale
l’emporte souvent sur la rigueur cartésienne. L’année dernière par
exemple, je me suis surpris à écrire ce qui ressemble à un poème. Bizarre
non ?
Je ne suis pas un cas isolé. J’ai
observé des comportements totalement dingues parmi les autres propriétaires de
moulins dans le voisinage. Un exemple : à Ambierle se trouve le moulin
Juste. C’est un magnifique bâtiment en pierres, avec des fenêtres à meneaux
en pierres de taille sculptées. Sur le côté, la roue monumentale de 5 m de
diamètre a été entièrement restaurée. Vous
pensez certainement que c’est une chance incroyable d’avoir pu conserver
intact ce magnifique moulin jusqu’à nos jours... Mais voici ce qu’on peut
lire sur le tome III des « Moulins du Roannais », publiés par R.
Garnier et R. Boiron en 1988 : « …
Car il semble d’après J. Canard (auteur de « 500 moulins entre Besbre
et Loire », 1980) qu’il (le moulin Juste) était déjà voué au repos
sans retour au début de ce siècle (le XXe). Le bief est toujours
apparent, il est facile de le suivre sur le flanc droit du vallon, où il a été
creusé, il aboutit vers ce qu’il reste du moulin, c’est-à-dire un amas de
pierres où les ronces et autres plantes prospèrent en toute liberté. Le
souvenir même n’a pas résisté au temps qui nivelle tout… ». Ne
me dites pas que le type qui a reconstruit le moulin Juste et fait mentir l’Histoire
n’est pas un fou, d’autant plus que, malgré un investissement considérable
en temps, pour rassembler les archives, et en argent, pour reconstruire le bâtiment
en appointant des tailleurs de pierre, il n’en tirera aucun remerciement, ni
aucune félicitation, mais à l’inverse une montagne de problèmes causés par
notre administration territoriale à propos de l’utilisation de l’eau !
Le propriétaire explique avoir été « frappé » par cette maladie
irrationnelle lors de sa rencontre avec l’un de nos plus anciens meuniers,
aujourd’hui décédé, Maître Petitbout du Moulin de la Roue à Crémeaux. Et
c’est là où je veux en venir. Pour la plupart d’entre nous, acharnés à
se battre contre une « inquisition écolo-administrative » furtive
et abusive qui vise à détruire les moulins, il semble que nous ayons été
placés intentionnellement dans ces édifices pour entrer en croisade contre ce
désastre.
Je termine ses études à l’Université
de Lyon. Il y a 35 000 étudiants sur ce campus de Lyon, dont moitié de filles
théoriquement, mais il rencontre et épouse la seule qui laisse des traces
invisibles de poussière de farine derrière elle, celle de Lespinasse !
Alors, même avec un doctorat en génétique, aujourd’hui je réponds
lucidement à Jacob Monod : pour les moulins, il n’y a pas de hasard,
mais seulement de la nécessité organisée par une force supérieure... J’ai
été désigné pour m’occuper de ce moulin !