L’article
L 214-18-1 du Code de l’environnement, définitivement adopté par l’Assemblée
Nationale le 9 février et le Sénat le 15 février 2017 (publication au JO le
24 février), instaure un véritable "bouclier" pour les moulins situés
sur des cours d’eau classés en Liste 2
Au cours de l’été 2016 ont été
adoptées successivement les lois du 7 juillet 2016 relative
à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite
loi CAP, et du 8 août 2016 pour la
reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages dite loi
Biodiversité.
A
l’initiative de la Fédération Française des Associations de sauvegarde des
Moulins – FFAM, et après une intense sensibilisation des parlementaires dans
laquelle les associations de défense des moulins ont tenu une place déterminante,
la loi CAP contenait 2 amendements aux articles L 211-1 et L 214-17 du Code de
l’environnement visant à assurer la protection des moulins hydrauliques ayant
une valeur patrimoniale, c’est-à-dire classés ou inscrits au titre des
Monuments Historiques, abords ou site patrimoniaux remarquables visés par le
Livre VI du Code du patrimoine, ou encore protégés par le PLU (ou PLUI) des
Communes au titre de l’article L 151-19 du Code de l’urbanisme.
Moins
d’un mois plus tard, la modification ainsi apportée à l’article L 211-1 du
Code de l’environnement a été supprimée par un amendement de dernière
minute à la loi Biodiversité, au motif que des discussions seraient toujours
en cours pour l’établissement d’une charte des Moulins, laquelle était en
réalité au point mort depuis bien longtemps…
A
l’initiative de la FFAM, l’amendement à l’article L 211-1 du Code de
l’environnement a été rétabli dans le cadre de la loi du 28 décembre 2016 de
modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne,
dite Loi Montagne.
Ces
débats législatifs et la sensibilisation des parlementaires à la cause des
moulins ainsi qu’aux dérives de la politique de l’eau et du rétablissement
de la continuité écologique ont laissé des traces, et enclenché une véritable
dynamique et une volonté parlementaire de protection de notre patrimoine
hydraulique.
C’est
ainsi que, par un amendement déposé le 24 janvier 2017, Monsieur Daniel
Chasseing, Sénateur de la Corrèze, a proposé de ne plus se contenter de déclarations
de bonnes intentions, et d’instaurer une véritable protection des moulins
hydrauliques situés sur des cours d’eau classés au titre de l’article L
214-17 I du Code de l’environnement.
En
pratique, le texte voté définitivement par le Sénat le 15 février 2017, après
adoption en termes identiques par l’Assemblée Nationale le 9 février, est
ainsi rédigé :
« Article
L 214-18-1. Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers
délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité,
régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou
canaux mentionnés au 2° du I de l’article L 214-17, ne sont pas soumis aux règles
définies par l’autorité administrative mentionnées au même 2°. Le présent
article ne s’applique qu’aux moulins existant à la date de publication de
la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n°2016-1019
du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n°2016-1059
du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies
renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux
d’électricité et de gaz aux énergies renouvelables ».
Il
résulte de ce texte et des débats parlementaires ayant précédé son
adoption, que les
moulins à eau existant régulièrement (= qui bénéficient d’une
autorisation ou d’un droit fondé en titre) à la date de promulgation de la
loi et qui sont situés sur un cours d’eau classé au titre de l’article L
214-17 I 2° (Liste 2) du Code de l’environnement sont
dispensés des obligations de rétablissement
du transit sédimentaire et piscicole qui pouvaient jusque-là leur être
imposées par l’administration et l’ONEMA.
En
d’autres termes, l’administration n’est désormais plus en mesure :
-
d’imposer la construction d’ouvrages de
franchissement sur les seuils ou barrages de prise d’eau de moulins
hydrauliques,
-
de faire obstacle à la remise en service de tels
ouvrages compte-tenu de leur situation sur un cours d’eau classé en Liste 2,
-
de retirer un droit d’eau compte-tenu là encore
de la situation des ouvrages sur un cours d’eau classé en Liste 2.
Pour
être tout à fait complet, il convient de préciser que sont visés par ce
texte les moulins hydrauliques actuellement en activité pour la production d’électricité,
mais aussi ceux qui pourraient être remis en service à l’avenir, ce qui
n’est pas tout à fait clair dans le texte voté mais résulte très
clairement des débats parlementaires.
Il est parallèlement précisé que le
classement Liste 1 (L 214-17 I 1°) reste applicable, les parlementaires ayant
considéré que les obligations de protection des espèces amphihalines
(saumons, anguilles…) ou des cours d’eau en très bon état écologique ne
pouvaient à l’heure actuelle donner lieu à une telle exonération, même si
les débats parlementaires du 15 février évoquent la nécessité de revoir ce
classement en Liste 1, notamment lorsque le classement a été adopté au titre
des « réservoirs biologiques ».
En pratique, cela signifie que :
-
Sur
un cours d’eau classé uniquement en Liste 2, l’administration ne peut plus
imposer la construction d’ouvrages de franchissement, ni la destruction des
ouvrages,
-
Sur
un cours d’eau classé en Liste 1 uniquement, rien ne change,
-
Sur
un cours d’eau classé en Liste 1 et Liste 2, l’administration ne peut plus
imposer que des mesures découlant de l’application du classement en Liste 1.
Enfin, il est précisé que la définition
des termes « moulin à eau »
pourra sans doute donner lieu à des interprétations de la part de
l’administration, afin de tenter d’en exclure notamment les ouvrages aménagés
en petites centrales hydroélectriques ; à cet égard toutefois la définition
légale de ces termes donnée par l’article L 211-1 III du Code de
l’environnement, qui vise les « ouvrages
aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs
et des mers », est suffisamment large pour balayer une telle
tentative…