LE MOULIN-TOUR À PIVOT CENTRAL TOURNANT
par Yves Coutant
Extrait d’un article de 7
pages avec plans et photos
La Flandre wallonne, dite aussi
Flandre gallicante ou Flandre romane [partie de la Flandre où la langue véhiculaire
a toujours été le français ; les villes principales en sont Lille, Douai
et Orchies] fut, au 16e siècle, le creuset où se développa le
moulin‑tour à pivot tournant, dont l'A.R.A.M. Nord ‑
Pas‑de‑Calais a sauvé un exemplaire à Templeuve. Celui-ci est
malheureusement incapable de moudre pour le moment du fait qu’il lui manque
non seulement le petit fer de meule mais tout le système de trempure. Dans les
moulins-tours traditionnels, le plancher des différents étages est fixé à la
paroi. À Templeuve, toute la charpente en bois est portée par un pivot dont
l'extrémité inférieure, munie d'un tourillon métallique, repose sur le
coussinet d’une crapaudine. Lorsque, au
moyen de la queue, on met le moulin au vent, c'est toute cette charpente intérieure,
solidaire du pivot, mais totalement indépendante des murs, qui tourne. À l’étage
aux meules, des roues en bois fixées sur un cerceau s'appuient sur une piste de
roulement verticale incorporée dans la maçonnerie. Au‑dessus du cerceau
commence la toiture, qui ne repose nulle part sur la tour. Les autres
moulins-tours à pivot tournant dont nous avons retrouvé les traces se
situaient à Templemars, à Seclin (moulin Rouge), à Warcoing (en Belgique, à
10 km au nord de Tournai) et à Betekom (au Brabant flamand, près d’Aarschot).
La présence d’un tel moulin à Betekom, si loin des autres, s’explique du
fait que Charles de la Douve, le propriétaire du moulin, était seigneur non
seulement de Rivières-Aerschot mais aussi de Sainghin‑en‑Mélantois;
le charpentier qui transforma et remit en état le moulin de Betekom n’était
autre que Gilles de Lannoy, le charpentier du moulin de Templemars et le créateur
du moulin-tour à pivot tournant.
Ces moulins tout à fait
particuliers posent un problème technique intéressant. Si l'évolution de la
technique était strictement linéaire, nous aurions là le chaînon manquant
entre le moulin en bois sur pivot et le moulin‑tour traditionnel. Mais les
moulins-tours médiévaux de Seclin et de Templemars fonctionnaient déjà
quelque deux cents ans avant le moulin-tour à pivot tournant de Gilles de
Lannoy. Le fait est que le moulin-tour à pivot tournant était la création
d’un charpentier, désireux de pallier les défauts du moulin‑tour
traditionnel. Dotés d’un double chemin de roulement, les moulins-tours
flamands les plus anciens, ceux de Seclin et de Templemars, n’étaient-ils pas
des tentatives prématurées, qui auraient besoin de techniques plus adaptées
pour se développer et se multiplier ? C’est en tout cas ce que nous suggèrent
non seulement les nombreux dysfonctionnements du système de roulement à
Templemars, que nous avons évoqués dans le numéro précédent de Moulins
de France, mais aussi la hâte avec laquelle le duc de Bourgogne, propriétaire
du moulin-tour de Seclin, s’est débarrassé de celui-ci à peine vingt ans
après sa complète réfection.
En
1567 déjà l’ancien moulin-tour de Templemars était en très mauvais état.
Quoiqu’il eût vu son chemin de roulement entièrement refait par Gilles de
Lannoy, les problèmes de mise au vent subsistaient. C’est pour
en finir une fois pour toutes avec ces difficultés que le charpentier propose
une transformation radicale du moulin, d’après laquelle la mise au vent, qui se fera désormais sans treuil ni cabestan, pourra
être exécutée par un seul homme, voire un garçon de 15 à 16 ans. Il invente
un système qui intègre dans le moulin-tour l’expérience acquise depuis des
siècles dans le moulin en bois sur pivot.