Les moulins, facteur de renouveau muséal
Henri Amouric, président ARAM Provence, Bernard Romagnan, Vice-président ARAM Provence représentant la FFAM.
Extrait
d’un article de 2 pages.
Les
moulins sont le 3e patrimoine bâti de France. A ce titre ils font
partie de l’histoire humaine, technique et économique de notre pays. Depuis
l’Antiquité, ils ont utilisé la force des hommes et surtout des femmes, de
l’animal, de l’eau - sans doute dès la fin du premier siècle av. J.-C. -
puis à partir du XIIe siècle du vent. Au cours des siècles, ils
ont intégré les avancées techniques de leur temps, roue verticale,
horizontale, arbre à cames, turbine, machine à vapeur, électricité, etc., améliorant
ainsi leur efficacité.
Nombreux
sont les musées des Arts et Traditions Populaires ou d’agriculture qui en
faisant venir le moulin au musée les ont intégrés sous les formes les plus
diverses : reconstitutions, installations de mécanismes, présentation
d’outils des meuniers, de mouliniers, maquettes, reportages divers, etc.
C’est là une approche muséale assez classique même si la médiation moderne
met à la disposition des concepteurs scientifiques des outils à la technologie
attrayante et extrêmement efficace.
Quant
à nous, associations de défense et de valorisation des moulins, nous œuvrons
activement pour la préservation de ce patrimoine fragile. Première
constatation, et reconnaissons que c’est presque une lapalissade, le plus sûr
moyen de conserver un moulin c’est de le restaurer et de lui donner une
nouvelle fonctionnalité même si celle-ci est éloignée de son premier objet,
la mouture des céréales, la transformation de plâtre, la forge etc...
Paradoxalement, ce but a été souvent atteint au prix d’une totale dénaturation
des édifices : ainsi de nombreuses tours de moulins à vent ont été sauvées
parce qu’elles ont été intégrées à une habitation. A Saint-Tropez la tour
du moulin à vent du Pinet (fin XVIIIe s.) située sur la plage, est
aujourd’hui une des chambres d’un hôtel de luxe 5 étoiles. Elle est
particulièrement prisée par les couples en voyage de noces ; à Arles,
dans le quartier du Mouleyrès des tours de moulins médiévaux cantonnent des
villas des années 1950 à 1970 et servent parfois de tourelles d’escalier,
comme aussi dans une récente « restauration » urbaine à Marseille
rue Bernard Dubois, pour une tour datable du XVe siècle.
Dans
le même esprit, tout récemment à Marseille, la seule tour de moulin à vent médiévale
provençale (XIIIe siècle) encore en élévation dans le cœur
historique de la ville, a été totalement vandalisée par un propriétaire avec
l’aval des services de l’Etat. Au regard de ces pratiques erratiques, la
situation idéale demeure la mise en œuvre de la restauration du moulin à vent
dans sa totalité avec ses ailes, son mécanisme avec l’objectif de le rendre
susceptible de fonctionner. Dans ce cas, le moulin à vent devient, de fait, une
sorte de musée de plein air donnant directement au public une leçon
d’histoire vivante. Nous formulerons toutefois 3 remarques :
La
première, est que nous appelons de nos vœux un programme de restauration qui
prenne en compte avec beaucoup de rigueur, la construction des mécanismes avec
les moyens et les matériaux utilisés dans le passé. Nous sommes conscients
que cela soulève de nombreux problèmes pratiques et budgétaires, cependant
des sommes substantielles sont engagées chaque année pour des opérations aux
résultats parfois contestables et il n’est pas dit qu’une restauration bien
conduite soit plus coûteuse. D’autre part, c’est peut-être la seule manière
de comprendre réellement les gestes du passé surtout, comme c’est le cas en
région PACA lorsque les témoignages directs de meuniers de vent nous manquent
cruellement, cette technologie ayant été pour l’essentiel abandonnée au
cours de la Première Guerre mondiale.
La deuxième concerne les restaurations
absurdes. Nous avons eu l’opportunité de visiter un moulin à vent récemment
restauré dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Il est navrant que
la Fondation du patrimoine de ce département, malheureusement mal informée, se
soit fourvoyée et ait décerné un prix à cette étrange restauration. Une
tour trop basse, des ailes trop petites, l’intérieur du moulin entièrement
restitué en bois. Dans ce projet on a ignoré les traces archéologiques,
pourtant parfaitement visibles, d’une crotte ou voûte en pierre comme on le
trouve dans la plupart de nos moulins provençaux. Il a été fait également le
choix de restituer l’intérieur de la tour entièrement en bois de chêne,
sans justification historique, ni scientifique. Bref, cette entreprise est
l’exemple parfait de ce qu’il ne fallait pas faire.