Recherche des anciennes roues à aubes vierzonnaises

Nous voilà sur la rive de l'Yèvre, à recoudre les souvenirs des roues à aubes qui émaillaient les bords de la rivière. Dans le jardin public, à hauteur de l'Hôtel de ville, plus rien. Pourtant, c'est là que s'élevaient les moulins de l'Abbaye. Sous la première arche du pont Voltaire coulait une dérivation de l’Yèvre qui alimentait le moulin de l’Hôtel-Dieu, dit aussi moulin de l’Abajou. Ses roues tournèrent durant quatre siècles.

À l'hôtel-Dieu, le « moulin de la Bajoue ». Doté de 2 roues, le moulin s'élevait à la pointe nord du terrain occupé par l'hospice. Autrement dit au bout de la cour de l'école Charot. Penchons-nous sur les documents anciens. Il est mentionné dès le XVe siècle. Au XVIIe siècle, il est appelé, d'après les sources, « moulin de la Bajoue ». Ce nom est devenu plus tard « moulin de l'Abajou ». Il y a 5 siècles, ses roues préoccupaient les autorités municipales. « La navigation sur l'Yèvre se heurtait à de nombreux moulins, entre Vierzon et Bourges », rappelle Francis Fontaine, historien, président des Amis du vieux Vierzon. C'est ce que permettent de savoir les archives de la ville. « Le propriétaire du moulin de l'Abajou recevait chaque année, des maire et échevins de Bourges, à titre d'indemnité, 36 livres tournois(1) pour le dédommager des dégâts causés "au dit moulin, rivières, écluses, et appartenances d'iceluit", pour rendre l'Yèvre navigable. »

À quoi ressemblait-il ? On peut s'en faire une idée grâce à un document rédigé en 1824, connu grâce aux recherches de Denys Tixidre, érudit vierzonnais et médecin, auteur d'une histoire de l'hôpital de Vierzon en 1969. Un entrepreneur, un certain Lelièvre, avait procédé à l'estimation des « bâtiments du vieil hôtel-Dieu », à l'heure où son déménagement était envisagé. L'ancien moulin « moitié en dur, moitié en bois », mesurant 13 m de long sur 7 de large était estimé 2 400 francs.

Sous la Restauration puis la monarchie de Juillet, il demeurait un enjeu. C'est ce qu'affirmait Denys Tixidre. « En 1837, le nouveau conseil d'administration remet sur le tapis la question du moulin de l'Abajou, en vue d'un rapport au Conseil d'État, pour justifier les droits de l'hôpital sur ce moulin. » Procédure qui conduit à la constitution d'une véritable liasse de documents, actes et parchemins. Le plus vieux remontait à 1450. Ce qui enjoignait le conseil à être sûr de son bon droit ; « Nous croyons ces titres plus que suffisants pour prouver nos droits à la jouissance d'un cours d'eau. Nous prouvons une jouissance non interrompue de quatre cents ans. » Sans grands effets sur l'avenir du moulin, l'année 1866 sonne le glas pour le moulin

Plus de traces aujourd'hui. Durant la première moitié du XIX e siècle, la construction du bassin du canal de Berry(2) a sonné la fin du moulin et sa démolition. Il restait pourtant des ruines, arasées en 1864 sur décision de la commission administrative de l'hospice. « Un décret impérial du 8 octobre 1866 autorisa l'hospice à reconstruire le moulin sur la rive gauche de l'Yèvre, à hauteur du barrage au confluent sur le Cher », précise Francis Fontaine. Mais l'édifice n'a pas été rebâti pour autant. La ville, qui racheta les biens de l'hospice, qui devint l'Ecole des Ponts, jouit en vertu de ce décret, d'un droit de prise d'eau qui fut utilisé pour le nettoyage par chasse permanente des égouts de l'abattoir. Abattoir qui était situé à l'emplacement de la salle Madeleine-Sologne. L'arche sous laquelle passait l'alimentation du moulin servit à faire passer le chemin de halage du canal.

Vincent Michel     Courriel : vincent.michel@centrefrance.com

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