4 Capter les eaux de l’arrière pays
Marseille s’est développée dans une grande cuvette avec en son centre une calanque recevant les eaux des collines. Depuis 30 millions d'années, les roches constituant ce bassin de remplissage ont progressivement été érodées, découpées en buttes par l'eau pour donner la physionomie actuelle. Ces roches poreuses ont constitué des nappes aquifères, à faible profondeur, alimentées par les eaux de pluie et les ruissellements collinaires. Dans l'Antiquité, en creusant simplement de quelques mètres dans le sol, les premiers Phocéens ont alimenté leur ville, Massilia, par tout un système de puits.
Au
XIVe siècle et depuis longtemps une prise d’eau dans la rivière du Jarret
alimentait un petit canal qui descendait le vallon de la Canebière, arrosant au
passage de petites cultures ; des tanneurs utilisaient également cette eau
avant son rejet dans le Lacydon. Après 1558 c’est aux eaux de l’Huveaune
qu’il faut faire appel. Le petit fleuve côtier était barré depuis longtemps
et des béals amenaient l’eau à de nombreux petits moulins. Ce sera seulement
au milieu du XIXe siècle, avec l’arrivée de l’eau du canal de la Durance
que Marseille répond enfin à ses besoins en eau.
Le canal de la Durance
La
municipalité se penche sur le projet, une réflexion étant conduite depuis
1830, peut-être ébauchée même dès 1826, de faire construire un canal pour
amener les eaux de la Durance à Marseille, baptisé canal de la Durance ou
canal de Marseille.
Il
faudra onze années et bien des péripéties pour réaliser ce canal. Le canal
de Provence mesure 84 km de long dont 17 en souterrain, 250 ouvrages d’art
construits entre la prise de Pertuis dans la Durance et le centre de Marseille,
et 18 ponts-aqueducs dont celui de Roquefavour, à trois rangs d’arcades, qui
mesure 393 m de long pour une hauteur maxi de 82,65 m (classé MH en 2005). Coût
total des travaux pour réaliser ce canal : 35 289 000 francs de
l’époque. Le débit de l'ouvrage est de 10 m³/s, la pente de 0,36 m/km. La
largeur du canal au sommet de l’ouvrage est de 9,40 m. Le canal mère se
divise en canaux secondaires à l’entrée Est de Marseille dont l’un rejoint
le centre ville à Longchamp.
Le
19 novembre 1849 Marseille en liesse inaugurait enfin le dernier ouvrage d’art
construit au plus près du centre urbain et dédié aux 1 500
litres/seconde d’eau que leur apport le superbe ouvrage du polytechnicien
Franz Mayor de Montricher (1810 – 1858). C’est l’abondance quotidienne dès
l’arrivée de cette eau, avec des mises en scènes grandioses, telle la
symbolique édification du Palais Longchamp et de ses fontaines monumentales.
On
trouve les premières mentions de moulins hydrauliques destinés à écraser le
blé dans une Charte de 1020, au sujet d’une donation faite par le Vicomte de
Marseille à l’abbaye de St-Victor, d’un moulin sur l’Huveaune à
l’endroit où le Jarret se jette dans le béal du moulin, par la suite connu
comme moulin de Montfuron près de Ste-Marguerite. D’autres sont cités à
Auriol et à St-Giniés. Ces moulins sont banaux, des privilèges leur sont
accordés, comme la faculté de passer sur d’autres propriétés pour
construire un béal. Au XVIIIe
siècle, les cours d’eau pouvant porter des moulins sont peu nombreux.
L’Huveaune était le plus généreux en eau, mais son affluent le Jarret était
souvent à sec, de même le ruisseau côtier d’Arenc ou des Aygalades était
de faible débit. Pourtant la statistique des Bouches-du-Rhône par le Comte de
Villeneuve parue en 1821 donne pour Marseille et les communes de ses premier,
second et troisième arrondissements un total de 211 moulins à eau, faisant
mouvoir 283 tournans, et employant 367 ouvriers. Essayons de passer en revue ces
cours d’eau et quelques-uns de leurs moulins, sur Marseille et son terroir.
L'Huveaune
prend sa source dans le Var, à la grotte de Castelette, commune de Nans-les-Pins.
La longueur de son cours est de 48,4 km et il draine un bassin de 373 km².
Il arrose les communes de
Saint-Zacharie
dans le Var, et Auriol, Roquevaire, Aubagne, La Penne, dans les Bouches-du-Rhône.
La vallée de l'Huveaune est occupée par l'homme depuis longtemps, notamment
dans les grottes au Nord de St Marcel dans le quartier de la Tourette (8 000
ans avant J.-C.).
Saint Victor est un martyre de Marseille (entre 286 et 293), officier de
l'armée romaine converti au christianisme. Durant les XIe et XIIe siècles,
l'abbaye de Saint Victor devient très puissante. Elle possède alors des terres
non seulement à Marseille, mais aussi en Languedoc, Espagne, Italie, Sardaigne.
Les moines de
St Victor jouissent d'un statut particulier dans la société : ils ne dépendent que de leurs supérieurs
hiérarchiques, évêque ou pape mais ni du pouvoir politique (les princes et
seigneurs) ni économique (pas de taxes ni d'impôts à payer) ni juridique (ils
ont leur propre justice). Les principaux événements de la vallée (donations,
achats, conventions...) sont consignés par les moines dans le grand cartulaire
de l'abbaye (Recueil d'actes). Le
territoire de St-Menet était propriété de l'abbaye de St Victor à partir du
XIe siècle. Il couvrait La Millière, La Barasse, une partie de la
Valentine et de St-Marcel. Il comprenait divers établissement agricoles et
durant les XI et XIIe siècles construisent moulins et pêcheries. C’est
durant ces deux siècles qu’ils bâtissent le moulin de Sainte-Marguerite,
devenu le Paradou, en 1030 et le moulin de Saint-Giniez en 1079, et peu après
ceux de la Capelette, de Pont de Vivaux, Saint Loup, etc. Si l’origine n’a
pas été retrouvée des moulins de la Pomme et de Saint-Marcel, tout laisse à
penser qu’ils sont dus aussi aux moines de Saint-Victor.
Puis
ce territoire fut morcelé et vendu à de grandes familles qui ont donné leur
nom à des campagnes, des bastides et des quartiers. Le réseau des béals, ou
biefs, canaux d’amenée d’eau aux moulins ou d’évacuation, se
multiplient, formant à partir de 1520 le « grand Béal », qui, de
La Millière à la mer, détourna les eaux de l’Huveaune. Ainsi,
au fil des siècles, l’Huveaune a mis en mouvement de nombreux moulins.
L'Huveaune
se jetait dans la mer
à Marseille,
plage du Prado, à proximité du Parc Borély. Depuis 1986, la majeure partie du
cours d'eau est déviée car il polluait les plages de la ville situées à
proximité de son embouchure. Ses eaux sont maintenant rejetées dans le grand
collecteur d’égout public, dont les eaux, après épuration sont rejetées
dans la calanque
de Cortiou. En
cas de fortes précipitations, le trop-plein seul reste évacué par l'ancien
lit naturel.
Le
Jarret est
le principal affluent rive droite de l’Huveaune. Il prend sa source dans le
massif de l'Étoile, sous le sommet du Mont
Julien, à la limite des communes d'Allauch
et de Cadolive,
et se jette dans l'Huveaune à
Marseille.
Le
Jarret a fait mouvoir plusieurs moulins en traversant la partie nord d'Allauch
et de Plan-de-Cuques. Il entre à
Marseille
à la
Croix-Rouge et prend alors la direction du sud. Jusqu'aux Chartreux,
il reste entouré de collines. En aval, dans un paysage moins tourmenté, le
Jarret longe le centre-est de la ville de Marseille, et rejoint l'Huveaune
deux kilomètres à peine avant son embouchure, dans le quartier de Sainte-Marguerite.
En
1954, le ruisseau s'étant peu à peu transformé en égout à ciel ouvert, Gaston
Defferre, maire de Marseille, fit couvrir le lit du Jarret depuis
Saint-Just
jusqu'à la Timone. Sur son
emplacement est construite une rocade urbaine à deux fois trois voies
(boulevards Jean-Moulin, Sakakini, Françoise-Duparc, Maréchal-Juin). Cette
« rocade du Jarret » a été ensuite prolongée au sud jusqu'au
confluent avec l'Huveaune (boulevards Jean-Moulin, Rabatau, Schloesing), puis
vers le nord-est jusqu'à la Rose.
Pour les jeunes Marseillais d'aujourd'hui, « le Jarret » n'est plus
une rivière, mais un des principaux axes de circulation automobile de la ville.
Le ruisseau d’Arenc ou des Aygalades,
ruisseau côtier de 17 km de cours, prend sa source sur la commune de
Simiane-Collongue, traverse Septèmes-les-Vallons, les quartiers Nord de
Marseille, et se jette en mer au niveau du port de commerce. Sa vallée implantée
de quelques bastides et de quelques moulins au XVIIIe - Joseph Billioud cite 10
moulins ayant existé sur son bassin .