Au Moyen Age : Les moines seigneurs des moulins

 

Extrait d’un article de 4 pages avec cartes et photos du à Gérard Mignot historien , responsable du patrimoine à l'office de tourisme de Saint-Gengoux-le-National, fondateur de l'association des Moulins en Saône-et-Loire

Deux motivations sont à l’origine de cette étude :

D’abord rendre hommage aux moines de notre région à l’occasion du onze centième anniversaire de la création de l’Abbaye de Cluny. C’est l’année « CLUNY 2010 ». Les moines de ne contentèrent pas de couvrir le pays d’un « blanc manteau » d’églises mais ils furent aussi à l’origine de la création de nombreux moulins.

Ensuite, rendre justice à cet « oublié » du patrimoine qu’est le moulin. En effet, l’histoire classique a depuis longtemps étudié le temps des cathédrales et des châteaux, oubliant les moulins sans le travail desquels l’homme n’aurait pas pu satisfaire correctement ses besoins vitaux : manger, s’abriter, se vêtir, fabriquer des outils et des armes. Le moulin a été l’instrument puissant d’une première révolution industrielle. Ce fut le seul moteur à la disposition de l’homme avant la machine à vapeur du XIXe siècle.

 

La technique des moulins

Le moulin hydraulique le plus ancien connu et le plus fréquent fut le moulin à moudre les céréales avec des meules en pierre. Depuis le moulin romain de Vitruve, la technique n’a pas beaucoup évolué en ce milieu de Moyen Age.  Le principe restera le même jusqu’à l’ère industrielle du XIXe siècle.

 

La roue à aubes est mise en rotation par le cours d’eau. Elle entraîne sur son axe une roue possédant des « chevilles », le « rouet », qui lui-même entraîne une « lanterne » ayant un axe perpendiculaire entraînant la meule supérieure par un clavetage (« anille »)

 

Dans notre région il faut attendre le VIe siècle pour que Grégoire de Tours parle en 510 de moulins sur le Grison près de Dijon mais il faut attendre le Xe siècle pour voir un grand développement des moulins suite à un essor démographique important provoquant un besoin vital en pain, donc en farine de céréales.

 

Au Moyen Age ce qui coûte cher dans un moulin ce sont les meules monobloc (moitié du prix du moulin) et le « fer », axe d’entraînement de la meule supérieure, seule pièce métallique (quart du prix du moulin)

 

Tout le reste était construit en bois, matériau répandu et peu cher. Même la roue et son axe étaient en bois. Deux types de roues étaient utilisés. Roues à palettes pour alimentation par-dessous

 Roues à augets pour alimentation par-dessus, plus efficace.

 

L’histoire des moines

Il faut remonter à saint Benoît qui inspira les futurs Bénédictins et Cisterciens, il établit vers 530 une règle qui prescrit, que chaque monastère soit, dans la mesure du possible, « disposé de telle sorte que l’on y trouve tout le nécessaire : de l’eau, un moulin, un jardin et des ateliers, pour qu’il puisse pratiquer les divers métiers à l’intérieur de la clôture ».

 

Cette règle se répand dans toute l’Europe au VIIe siècle. Au IXe tous les monastères du monde franc étaient passés à saint Benoît. Saint Benoît d’Aniane réforma l’ordre bénédictin dans le sens d’une plus grande centralisation en 817, aidé en cela par l’Empereur Louis le Pieux. Mais cela n’aboutit pas. L’effort fut cependant repris en 910 à Cluny, cette fois avec succès. L’Abbaye de Cluny allait insérer l’ordre bénédictin dans le monde féodal et rayonner dans toute l’Europe.

 

L’ordre cistercien, pour sa part, fut fondé en 1098 par Bernard de Clairvaux. Tenant d’un nouveau monachisme, il critiqua énergiquement les Bénédictins et voulut revenir à une stricte observance de la Règle de saint Benoît. Au XIIe siècle, il est, lui aussi, installé dans toute l’Europe. L’implantation religieuse dans notre région à cette époque est très importante.

 

Ces deux ordres, respectant la règle de saint Benoît en ce qui concerne l’autosuffisance des monastères, vont être à l’origine du développement des moulins hydrauliques et de leur possession par les moines. 

 

Concernant les besoins de l’Abbaye de Cluny, on indique qu’il fallait nourrir 300 moines , 200 aides , les nécessiteux et les pèlerins. A raison d’un kilogramme de pain par jour et par personne, cela conduisait à un besoin évoluant entre 500 kg et une tonne de pain par jour.

 

Le développement des moulins entre la Saôsne et la Loire

A partir du Xe siècle, on assiste à un réel « démarrage » des moulins à eau. Il faut nourrir une population qui augmente et la production de ces moulins est nettement supérieure à celle des moulins à main. L’importance des meules donna son nom au moulin : « molindinum », « molarum », « molinum » à partir du latin « mola » qui veut dire meule.

 

Au Moyen Age la plupart des moulins sont d’origine seigneuriale ou monacale. En effet, il faut disposer juridiquement du cours d’eau et pouvoir faire face aux frais de construction et d’entretien.

 

Pour estimer le nombre total de moulins sur le territoire de la Saône-et-Loire aux Xe et XIe siècles, il convient d’apporter plusieurs corrections. D’abord les donations pouvaient concerner plusieurs moulins pour un seul lieu mentionné. De plus, d’autres moulins ont été achetés ou construits par les moines, ou obtenus par échange. Il y avait également les moulins restés aux nobles.

 

Cela veut dire que les 113 moulins de la carte, qui ont fait l’objet de donations, n’étaient pas les seuls et que l’on peut estimer à 300 leur nombre total. On constate que beaucoup de moulins mentionnés ont eu des successeurs aux mêmes emplacements. Le même site propice a été utilisé pendant au moins mille ans ! Citons, par exemple, le moulin Crozet (Xe siècle) où se trouve actuellement le moulin Crouzot près de Cortevaix sur la Guye. On pourrait citer aussi les moulins de la Balme et de Verneuil, sur la petite Grosne, qui portent toujours le même nom.

 

Conclusion

On a pu constater le rôle fondamental des moines pour le développement des moulins entre les Xe et XIe siècles. Par la suite, non seulement leur influence baissa mais les nobles reprirent leur monopole sur les moulins car ils y trouvaient d’importants revenus. Quoiqu’il en soit, le rôle économique fondamental du moulin était établi et dura jusqu’au XXe siècle.

 

2tr11n86