Les seuils en
rivière, Pays Voironnais et massif de la Chartreuse en Isère.
Destruction
et conséquences
par Alain Schrambach, géologue, hydraulicien
Rôle d’un seuil de prise d’eau en
rivière
Sur
le plan hydraulique, un seuil en de prise d’eau en rivière joue trois rôles
principaux :
-
rôle d’un régulateur.
-
simplifier le fonctionnement de la vanne et de l’orifice de dérivation vers
le canal.
-
mettre hors des crues le canal tout en assurant une dérivation durant les
basses eaux.
Le rôle d’un régulateur
Au
niveau de la crête du seuil, la vitesse de l’eau s’accroît fortement car
juste après elle chute. Donc, pour un débit donné, l’épaisseur de la lame
d’eau est réduite. Lorsque le débit varie (crues, etc) la variation de l’épaisseur
sur le seuil est faible, et loin en amont elle est importante.
Le
seuil joue donc le rôle d’un régulateur des variations de l’épaisseur de
la lame d’eau, variations limitées à l’amont immédiat du seuil. C’est
la raison pour laquelle l’ouvrage de prise doit être placé très près du
seuil.
Simplifier
le fonctionnement de la vanne et de l’orifice de dérivation vers le canal
Les
conséquences, positives, de cet effet de régulation apparaissent au droit de
l’ouvrage de prise qui est un orifice vanné.
Le
but est de contrôler les débits envoyés dans le canal pour ne pas mobiliser
la ressource au-delà des besoins, pour ne pas gêner les autres utilisateurs et
pour éviter les débordements du canal (concept de gestion de l’eau).
Le
débit qui traverse l’orifice dépend de l’altitude du plan d’eau de la
rivière par rapport à l’axe de l’orifice et aussi de la surface offerte
par l’orifice. Si les variations sont limitées par l’effet de régulateur
du seuil, elles seront acceptables pour le critère « gestion de l’eau »
puisque les débits entonnés seront réduits. En effet, et c’est son
fonctionnement hydraulique qui en est à l’origine, l’orifice fonctionne
comme un régulateur statique (sans pièce mue par un moteur) du débit entonné.
De
plus, on complète cette action en modifiant manuellement la surface de
l’orifice en ouvrant ou en fermant la vanne située toujours en amont de la
paroi externe de l’ouvrage.
Mettre
hors des crues le canal tout en assurant la dérivation durant les basses eaux
L’ouvrage
de prise doit pouvoir dériver l’eau aussi bien durant les fins de crue que
durant les basses eaux (ou étiage). Toutefois il doit mettre hors crue le canal
à l’aval tout en permettant aux basses eaux de pénétrer dans le canal.
C’est pourquoi dans le lit du ruisseau l’eau chute immédiatement.
Le
fonctionnement d’un seuil est le suivant :
-
faciliter et réguler le détournement de l’eau vers le canal en crue et en
basses eaux.
-
ne pas stocker l’eau.
-
accepter sans destruction sa submersion et le déversement des eaux vers
l’aval.
Ces
deux derniers points le différencient d’un barrage qui est conçu pour
stocker l’eau et qui ne doit jamais déverser hormis par son évacuateur de
crue.
Construction et divers modèles
Les
modes de construction, les matériaux utilisés ont varié au cours des siècles.
Les premiers seuils conçus uniquement pour détourner et guider les basses eaux
vers le canal, ne comprenaient qu’un muret très bas, en oblique par rapport
à l’écoulement et pour les mieux lotis montés en maçonnerie (l’un
d’eux est visible à Collobrières dans le Var).
Ensuite,
par analogie avec les barrages, ils furent surélevés au dessus du lit, en
formant un mur. Les modes de construction, les matériaux allaient des murs en
maçonnerie, aux madriers en bois, aux entrelacements de pieux, de madriers et
de blocs rocheux.
Destruction d’un seuil et conséquences
La
destruction d’un seuil peut être due :
-
à une mauvaise conception (renardages, affouillement du pied aval), à des matériaux
mal choisis,
-
à une crue particulièrement forte et destructrice,
-
volontaire.
Dans
tous les cas de figure, il se produit des désordres, des érosions dans le lit
du ruisseau.
Que
se passe-t-il lors de la destruction d’un seuil ?
Un
ruisseau comporte un écoulement liquide
- l'eau - et un écoulement solide -
boues, sables, graviers, blocs parfois énormes. La nature, la quantité de matériaux,
dépendent des capacités d'arrachement des "particules liées par des
forces de cohésion au lit" et par la capacité de transport de l'écoulement
dont les modalités dépendent en particulier du poids de ces éléments
(concept de force tractrice). Ces capacités d’arrachement, de transport puis
de dépôts sont liées à la vitesse de l’eau - et donc à la pente - et à
d’autres paramètres.
En
amont (pente forte) ça érode, et en aval (pente faible) ça dépose, pour
arriver à un profil longitudinal du lit dit d'équilibre (1er dessin de
l’image suivante).
Toute
construction formant un relief dans ce lit (ou à l'inverse des trous liés à
l'extraction de graviers - carrière), rompt cet équilibre et ça recommence à
la recherche d'un autre profil avec des conséquences dramatiques à l'amont
comme par exemple le déchaussement des piles d'un pont ou de fortes érosions
dans le lit aval (2e dessin).
Si
on supprime le seuil, ça recommence également avec de fortes érosions en
amont du seuil (très loin parfois, cela dépend de la pente du lit) au détriment
des propriétaires riverains (fond du lit et berges déstabilisées). Or d'après
le Code Rural et la Police de l'eau (règlementation française), c'est aux
riverains d'entretenir le lit dont ils sont, pour moitié de la largeur, propriétaires
(3e dessin).
D’après
études Alain SCHRAMBACH (2009-2010,
Non éditées)
Voironnais,
vallée du Guiers mort (massif de la Chartreuse). Les seuils en rivière et les
ouvrages de prise dérivant l’eau vers les ateliers, 69 p. 71 fig.
De
vieux aménagements : les chaussées en terre, les serves et les étangs dans
les vallées autour du lac de Paladru (avant 1850), 46 p, 26 fig.
Vallées
du Voironnais. Les prises d’eau alimentant les réseaux hydrauliques (arrosage
et usiniers), 28 p. 27 fig.