Paris – Le 14e
arrondissement et ses moulins…avant !
Contribution à l’étude des moulins pléthoriques
de Paris au fil des âges,
Article de 11 pages, avec plans dessins et photos de Gilles THOMAS Dufresne, membre(s) de la Société d’Histoire et d’Archéologie du 14e arrondissement.
Cet exceptionnel texte, très
riche d’informations inédites sur les anciens moulins de cet arrondissement
parisien, peut très difficilement être résumé en quelques lignes. Nous
conseillons aux personnes intéressées de se procurer la revue 82 auprès
de la FFAM
Un autre auteur compare les
moulins parisiens à de gigantesques oiseaux, mais fait aussi référence à une
armée, ceci bien avant Cervantès : Karamzine. En effet en 1789, dans ses
« Lettres d’un voyageur russe en France » (traduit par Legrelle en
1885), il s’enthousiasme pour la beauté des paysages, admirant dans la région
circum-Paris « nos innombrables moulins à vent, qui, en agitant leurs ailes,
font l’effet à nos yeux d’une troupe volante de je ne sais quels géants
emplumés, autruches ou aigles des Alpes. » Il y avait
effectivement une implantation conséquente et pléthorique de ces colosses ailés
immobiles sur les hauteurs de notre capitale que ce soit au nord (collines
de Belleville et de Montmartre, ainsi que les Buttes-Chaumont), ou, sujet de cet
article, sur les élévations plus modestes de la rive gauche : le 13e
arrondissement avec sa Butte aux Cailles, et le 14e, territoire des
trois monts, qu’ils soient Rouge, Souris ou de Parnasse.
Tandis que de nos jours, si
certains se sont effectivement battus contre des moulins qui n’étaient
pourtant pas à vent, pour tenter de faire réhabiliter avec respect le
patrimoine des derniers Grands Moulins de Paris (et de Pantin, ne soyons pas
sectaires), nous nous contenterons, par ce qui suit, d’essayer de sauver de
l’oubli de rares vestiges épigraphiques moliniques négligés parce que méconnus,
bien qu’éminemment parisiens. En revanche, nous avons la forte impression
d’être de modernes Don Quichotte lorsque nous essayons de faire prendre
conscience aux autorités « dites compétentes » de tutelle, de
l’intérêt historique des graphismes et autres inscriptions des « catacombes
de Paris ». Le seul résultat avéré jusqu’à présent, semble être
l’enrichissement de collections « privées » par le pillage de ces
mobiliers historiques qui disparaissent parfois des parois souterraines
parisiennes, sous le faux alibi de les protéger de cette manière !
Des moulins dans la toponymie
parisienne : On peut avoir une idée de la quantité considérable de
moulins qui agrémentèrent dans l’histoire les plaines autour de la capitale,
simplement en s’intéressant à la dénomination des rues. En effet, Paris
possède encore aujourd’hui dans son index des rues une quinzaine de noms de
voies associées à des moulins (pour un peu moins de moulins différents, un même
nom de moulin pouvant se retrouver dans une rue et une impasse sise à proximité
par exemple) ; tandis que dans le passé, il y eut jusqu’à près d’une
cinquantaine de moulins différents « rueifiés », dont on retrouve
trace sur les plans anciens.
Aujourd’hui, si tous les
Parisiens, et les touristes, connaissent au moins le fameux Moulin Rouge, tous
les habitants du 14e arrondissement (élément central de notre étude)
connaissent encore au moins deux autres moulins dans leur arrondissement :
le fût subsistant du moulin de la Charité toujours visible dans le cimetière
du Montparnasse , ainsi que le Moulin Vert (qui est perpétué par la
persistance d’une rue, officiellement dénommée ainsi depuis 1884 … et
d’un restaurant éponyme, sachant qu’une guinguette avait déjà été établie
à l’emplacement de l’ancien moulin Vert qui se trouvait en réalité plus
à l’Ouest).
Certains connaissent aussi la
rue du Moulin de la Vierge (le moulin lui ayant donné ce nom se trouvait près
de la rue de Gergovie), et depuis peu la rue du Moulin des Lapins (dénommée
ainsi en 1996, à partir d’un ancien lieu-dit situé à proximité). Mais qui
a encore en tête celle du Moulin de Beurre, actuelle rue du Texel débaptisée
depuis 1877, dont on retrouve pourtant encore heureusement sous terre
l’indication inchangée malgré la décision administrative. Et ne croyez pas
que l’on parle ici des égouts ; il faut descendre bien plus profondément,
à environ 15 mètres de profondeur pour lire cette plaque gravée dans
les anciennes carrières souterraines de la Ville de Paris, dénommées
abusivement catacombes depuis bien plus qu’il n’y paraît puisque de la fin
du XVIIIe siècle ?
Le moulin appartint de 1738 à 1764, à un riche
meunier des buttes de Montmartre : Barthélémy Le Tellier En 1779,
il appartint au meunier Valentin avant de devenir un cabaret. Il a aussi
appartenu à Caussin de Perceval. Selon certains la Mère Saguet aurait
possédé un cabaret en face du moulin de la grande Pinte (visible entre autres
sur le plan des Chasses ainsi que l’atlas de Verniquet). Cette dame Saguet
prit comme enseigne le Moulin de Beurre, car il était courant à l’époque
pour les guinguettes de faire allusion au côté champêtre du coin . Sur
le plan Roussel (1730) et sur celui deoDeharme (1763), ce moulin de Beurre est
celui situé le plus au Nord-Ouest du groupe qui se trouve dans les parages de
la rue du Moulin de Beurre (un bâtiment lui était accolé). Ce moulin devait
se trouver vers l’actuel 27, de la rue Vercingétorix. Le cabaret devait très
probablement occuper le 1-3, de la rue du Texel (le puits que l’on retrouve
sur l’actuelle carte IDC n°23.49 (ex 263) pourrait très bien être celui de
la cour indiqué par Verniquet !), le 19-23 rue Vercingétorix et le 2 rue Jules
Guesde. Il est possible que le cabaret ait repris le nom d’une ferme plus au
Nord (qui s’appelait aussi – ou déjà – de la Citadelle). Notons que
« beur » en dialecte de langue d’oïl signifie « étable ».
Etc…
Nous concevons que cet article est frustrant de part le nombre de pistes ouvertes et non explorées ni simplement poursuivies, mais considérez que c’est aussi une bouteille lancée à la mer des molinistes en mal de recherches. Tout ceci ne constitue bien entendu que les prolégomènes d’une étude plus aboutie qu’il faudrait entreprendre sur ce sujet des moulins du 14e arrondissement. Nous espérons néanmoins par cette ébauche vous en avoir donné un aperçu, avoir entrebâillé une porte qu’un pied, même involontairement, empêchera la refermeture, et qu’il vous suffira alors d’ouvrir un peu plus. Mais je pense aussi vous avoir donné, par l’alibi de cet article, une idée de « tous les moulins de mon cœur » !
Bibliographie :
« Les merveilles du monde souterrain » de Louis Simonin, collection Bibliothèque des Merveilles (© Hachette 1868) ;
« Dictionnaire
historique des rues de Paris », par Jacques Hillairet (première édition
de Minuit 1963) ;
« Les
Moulins de Montmartre et leurs Meuniers », par Lydia Maillard (© Le Vieux
Montmartre 1981) ;
« Le
combat des cataphiles contre les cataclastes », par Jacques Chabert in
Spelunca (numéro de juillet 1985) ;
« Un
Atlas parisien. Le dessus des cartes », par Antoine Picon et Jean-Paul
Robert (© éditions Picard 1999) ;
« Histoire
et dictionnaire des 300 moulins de Paris », par Alfred Fierro (©
Parigramme 1999) ;
« Atlas
du Paris Souterrain », sous la direction de Alain Clément et Gilles
Thomas, ouvrage récompensé par le prix Haussmann en 2002 (© Parigramme 2001) ;
« Les
Plans de Paris, des origines (1493) à la fin du XVIIIe siècle »,
par Jean Boutier (© BNF 2002) ;
« Port-Mahon-sous-Seine », par
Luc Bucherie, p.155-204 in : « Actes du XIIIe
Colloque International de Glyptographie de Venise – 1-5 juillet 2002 » (©
Centre International de Recherches Glyptographiques - 2003) ;
« Les
plans de Paris. Histoire d’une capitale », par Pierre Pinon et Bertrand
Le Boudec (© Le Passage 2004) ;
« Les
sculptures de “Port-Mahon” site historique au cœur des “Catacombes de
Paris” », par Luc Bucherie, p.6-45 de « Liaison Sehdacs »
n°16 (2004) …ainsi que différents bulletins de la « Société d’Histoire
et d’archéologie du 14e arrondissement de Paris », dont
« Survol de nos moulins, de Montparnasse à Montsouris et de Montrouge à
Plaisance », par Yves D. Papin, p.53-58 de la Revue d’Histoire du 14e
arrondissement de Paris (n°32 / 1988) + divers bulletins de la
Commission du Vieux Paris des années 1898 à 1932, en particulier le « Rapport
de la 2e Sous-Commission sur le Moulin d’Amour, 26, avenue d’Orléans »,
p.105 à 111 de l’année 1919 (n°26).