Cote – d’Or – Les maitres de forge de l’Abbaye de Fontenay 

battent à nouveau le fer

 

Résumé d’un article de 6 pages avec schéma et photos par Bernard Sauldubois.

Origine de l’abbaye de Fontenay : L'abbaye de Fontenay est une abbaye cistercienne fondée au XIIe siècle sur la commune de Marmagne, dans le département de la Côte-d'Or. Elle est située à la confluence de la combe Saint-Bernard et de la vallée du ruisseau de Fontenay. Saint Bernard fit défricher le terrain et le premier bâtiment est construit en huit ans, entre 1139 et 1147. Durant la seconde moitié du  XIIe siècle, ont été construits les autres bâtiments. Le XIIIe siècle marque l’apogée de l’ordre cistercien. Fontenay abrite alors une communauté de 300 frères, 100 moines de cœur et 200 frères convers.  Le XVIIe siècle marque le déclin de l'ensemble abbatial. A la Révolution, il ne restait à Fontenay que 8 moines. Le site est vendu comme bien national et racheté en 1791 par un papetier, Claude Thibault, qui va transformer l’abbaye en industrie papetière. Cette papeterie sera développée pendant tout le XIXe siècle par plusieurs propriétaires, notamment la famille des Montgolfier A la fin du XIXe siècle, l’activité va devenir beaucoup moins rentable et s’arrête en 1903.

En 1906, l’abbaye est rachetée par un banquier lyonnais, Édouard Aynard. Il va la restaurer, lui redonner son cachet d’origine. L’abbaye est aujourd’hui un domaine privé. Elle appartient toujours à la famille Aynard. En 1981, l’abbaye a été inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et elle est une des abbayes les plus anciennes et surtout les mieux conservées de Bourgogne et de France.

La Forge : La production du fer est une des caractéristiques des premières abbayes cisterciennes de Bourgogne et de Champagne. Trois éléments étaient favorables au développement de cette production : des gisements de minerai de fer proches, des forêts produisant le bois et le charbon de bois, et le ruisseau de Fontenay capable de fournir l’énergie hydraulique à des roues de moulin. Les chercheurs de l’équipe du Professeur Benoît ont découvert sur le plateau qui domine l’abbaye au nord-ouest, à 500 m de la forge, une quinzaine de puits de mines  qui fournissait un minerai d’assez bonne qualité pour l’époque. Il était réduit sur place dans des bas fourneaux et produisait des « loupes » - mélange de fer et de scories – travaillées dans la forge d’abord au marteau à main et ensuite au marteau hydraulique.

La forge de l’abbaye de Fontenay est un bâtiment de plan rectangulaire, de 53 m de longueur sur 13,50 m de large. Cet édifice est bordé par un bief  alimenté par le ruisseau de Fontenay dévié de son cours naturel par un barrage.  La forge comporte 4 salles. La plus ancienne, à l’est, était vraisemblablement un moulin à farine . Les deux pièces situées à l’ouest devaient abriter la forge. La dernière salle était sans doute celle du martinet. Il n’existe par de vestige archéologique de l’ancien martinet de Fontenay. Il est donc difficile de se faire une idée exacte des installations du XIIe siècle. De même les ouvrages hydrauliques sur le flanc sud du bâtiment gardent un certain mystère mais laissent penser qu’il existait plusieurs roues à eau.

Description technique du marteau hydraulique : Le martinet est entraîné par une roue à aubes chêne de 5 m de diamètre et environ 60 cm de largeur. La roue est commandée par une vanne ouvrière actionnée électriquement. La vitesse de l’eau est accélérée par une chute de 2 mètres environ située une dizaine de mètres avant la vanne. Compte tenu de cette disposition inhabituelle, on peut logiquement se demander si la roue d’origine n’était pas une roue à augets.

L’arbre à cames provient d’un chêne centenaire de la forêt proche du Grand-Jailly. Il mesure 9 mètres de long, environ 40 cm de diamètre et pèse 1 500 kg. Sa section est octogonale sauf à l’endroit de la roue où elle est carrée. Côté roue, il repose sur le mur du canal et de l’autre sur un énorme massif de chêne fortement ancré au sol. Il porte une couronne en bois cerclée elle-même par une couronne métallique munie de 6 cames à intervalles réguliers.

Le marteau hydraulique est constitué d’une poutre de bois, axée sur un fort support en bois et en maçonnerie, portant à son extrémité un marteau de 70 kg. A la queue se trouve un ergot qui permet d’abaisser et de soulever le marteau à chaque passage de la came. L’enclume sur laquelle frappe le marteau s’appuie sur un gros billot de chêne cerclé en haut et en bas. Le marteau peut être immobilisé en position haute. Un foyer, activé par une soufflerie permet de porter au rouge les pièces à forger.

Un partenariat européen exemplaire autour de la restauration du martinet de Fontenay : Les propriétaires de Fontenay évoquaient depuis longtemps, avec l’équipe du professeur Benoît, l’intérêt d’une reconstitution de l’ancien marteau hydraulique de Fontenay. Faute de moyens techniques et financiers, le projet avait été maintes fois différé. Au cours d’une visite de l’abbaye avec des enseignants du lycée professionnel Eugène Guillaume de Montbard, François Aynard parle de ce projet et de son souci d’y faire participer des élèves de classes techniques. Par une heureuse coïncidence, un projet scolaire européen « Comenius » était déjà envisagé par des enseignants de Montbard avec leurs collègues de plusieurs lycées d’Allemagne, d’Italie, de Pologne, de République tchèque et de Roumanie. Le projet baptisé « Entre tradition et modernité » est culturel et n’a pas encore de contenu technique. François Aynard propose que la reconstruction du marteau hydraulique soit réalisée par les sept équipes européennes. Cette proposition transmise au coordinateur allemand, Bern Vogeler, est accueillie avec enthousiasme. L’idée d’un partenariat entre l’abbaye de Fontenay et les lycées, l’université et les entreprises prend forme. Trois principes guident la future réalisation : la reconstitution  doit être fidèle à la vérité historique, même si les apports techniques modernes sont admis pour faciliter le fonctionnement du marteau. D’autre part les classes des lycées professionnels doivent être impliquées au maximum dans la réalisation du dispositif, non seulement dans sa conception. Le recours à des entreprises spécialisées sera possible en cas de nécessité mais elles devront faire participer les élèves aux travaux. Enfin le projet technique doit être étayé par le projet culturel qui consiste dans un ensemble de recherches et de travaux sur le Moyen Age et plus particulièrement le monde cistercien.

Une première rencontre a lieu à Fontenay en mars 2005 entre les sept équipes des lycées, le Professeur Benoît et Benoît Dulion, charpentier à Ancy-le-Franc. Sur la base de documents iconographiques, des plans du futur marteau sont esquissés et soumis pour validation à Eric Pallot, architecte en Chef des Monuments Historiques. Le projet est accepté par la commission européenne au mois de juin. Il s’intitule « Les jeunes et le travail dans une Europe en mutation », tandis que le projet technique est baptisé « Battons le fer quand il est chaud ». La planification des activités et la division des tâches entre les lycées sont ébauchées à Modica en Italie et définitivement adoptées à Sulechow, en Pologne. Selon cette répartition, les élèves techniques conçoivent le plan pour l’ensemble du dispositif ; les Allemands réalisent la roue à aubes en bois, l’enclume et la tête du marteau ; les Roumains effectuent les calculs pour le système hydraulique ; les Français conçoivent, réalisent et installent le système électrique et électronique pour la motorisation des vannes ; les Polonais, les Allemands, les Français et les Tchèques réalisent les maquettes. Sur le plan culturel, les Italiens, les Allemands, les Français, les Polonais et les Roumains effectuent des travaux sur le Moyen Age : films, diaporamas, etc.

La première réalisation, en mars 2006, est celle de la tête du marteau, dans l’Entreprise Buderus-Edelthal de Wetzlar (Hesse), avec la participation d’une classe de structure métallique du Lycée de Friedberg. La roue hydraulique est construite en Janvier 2008 par l’Entreprise Gottfried Schuman, à Mulda (Saxe) avec des élèves de la section bois du même lycée. L’assemblage à Fontenay de l’ensemble du dispositif – roue, vannes, arbre de transmission, marteau, enclume et billot – ainsi que les travaux d’électricité commencent au mois de mars 2008. La première opération consiste à faire entrer et positionner dans la forge l’arbre taillé dans un chêne centenaire de la forêt du Grand-Jailly. Cette pièce pèse plus d’une tonne et mesure 9 mètres. L’entreprise de charpente de Patrick Bougenot exécute la manœuvre délicate avec une grue de levage. Les équipes française, allemande et roumaine travaillent ensuite avec Gootfried Schuman, Benoît Dulion et Pascal Gourdet, forgeron à Montbard. Ils sont secondés par le personnel de l’abbaye et de la ville de Montbard. Le premier essai a été effectué le 1er mai 2008. Aujourd’hui la forge de l’ Abbaye de Fontenay (Côte-d'Or), résonne à nouveau du bruit de son marteau hydraulique, reconstitué dans le respect de la vérité historique, tout en utilisant les techniques du XXIe siècle. Cette œuvre unique est l'aboutissement d'une formidable aventure qui a mobilisé des institutions publiques et privées, des entreprises, les propriétaires de l'abbaye et des centaines d'élèves de sept lycées européens.

Des démonstrations de forgeage sont organisées dans certaines occasions. Elles sont assurées par MM. Pascal Gourdet, ferronnier d’art, Forge des Vignes, à Montbard (Côte-d’Or) et Jean-Luc Petit, maréchal-ferrant, Écurie de l’Auxois, à Vénarey-les-Laumes (Côte-d’Or). Renseignements pratiques : Abbaye de Fontenay – Marmagne - 21500 Montbard. Route de Touillon.  Informations : 03 80 92 15 00. Pour les dates et heures des démonstrations, se renseigner à l’abbaye.  Site Web : www.abbayedefontenay.com

 

 

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