Isère – Blanchir la pâte à papier : les moulins à Kaolin et à pierre  du Pays voironnais

 

Résume d’un article de 3 pages avec schémas et photos de Alain Schrambach archéologue industriel.

Dans le Voironnais trois moulins d'un type particulier existaient : ils servaient à broyer des roches.

Pour quel usage a-t-on construit des moulins à pierre et d'autres à kaolin : Autrefois, dans les manufactures de papier (le terme de pappeterrie est déjà utilisé dès les années 1730 à Voiron) on utilisait les chiffons comme matière de base. Après préparation de la pâte, on fabriquait des papiers gris, base des cartons, et des papiers blancs qui nécessitaient des matières propres sinon blanches. Le blanchiment des chiffons se faisait soit par un simple nettoyage, soit plus tard au XIXe siècle en introduisant dans la pâte à papier de la terre blanche réduite en farine (kaolin ou tuf). Ces matières seraient aussi de charge pour la pâte à papier. Actuellement on utilise encore comme charges minérales, le talc, le kaolin,  la calcite,  l'oxyde de titane, qui opacifient le papier et le rende plus blanc (la calcite est le composant majeur du tuf).

Comment préparait-on la kaolin et le tuf ?

Les deux roches utilisées, le kaolin et le tuf, ont des origines et des natures très différentes.

Le tuf, roche calcaire, se dépose au griffon des sources d'eau souterraine de la région. Cette eau est très calcaire. Finement cristallisée elle est blanche à jaune clair. Les petits gisements de tuf sont fréquents dans la région et cette roche était utilisée en construction.

Le kaolin est une argile issue de la destruction naturelle des granites. Si les cristaux de quartz inaltérables et très durs subsistent et forment des sables, les autres minéraux donnent une argile blanche très pure fréquemment micacée (rouge ou grise si chargée en impuretés).

Dans un cas comme dans l'autre, on livrait ces matières à l'état brut. Il fallait ensuite les transformer de façon à pouvoir les diluer dans la pâte à papier très liquide. Pour cela il fallait les broyer et les transformer en farine de roche. A cette fin, on utilisait les mêmes machines que dans les moulins à blé. Les machines utilisées pour le tuf sont connues d'après les textes : "Il y a 2 paires de meules mues par 2 roues en dessous. Un piloir est mu par un rouet. Le tout est destiné au broyage du tuf pour les papeteries." (J. Charpin, 1911).

Pourquoi fallait-il deux machines différentes ? Les matières brutes comportaient des blocs qui n'auraient pu passer dans la paire de meules. Il fallait donc un broyeur différent : le piloir ou la pierre à gruer qui réalisait un écrasement primaire destiné à réduire les matières à la taille d'un grain de blé. Ensuite venaient des meules comme dans un moulin à grains. Les moteurs étaient des roues hydrauliques.

Les ateliers et leur histoire : Trois ateliers sont connus dans les vallées de la Fure et de la Morge. Celui de la Fure, au bas Rives était appelé le moulin Murzonne ou moulin à pierre. Il apparaît dans les textes en 1865, mais il était plus ancien, et il appartient à cette personne jusqu'au milieu des années 1870. Ensuite il fut acheté par la société Blanchet frères et Kleber (manufactures de papier). Il disparaît peu après 1908. Il était équipé d'un rouet et de deux roues hydrauliques de type "au dessus ».

A la même époque il y avait deux moulins à kaolin dans la Morge. Le premier était à St-Etienne-de-Crossey (Faverge). Le moulin est cité en 1889 (il n'existait pas en 1869) mais la famille Martel, nom du propriétaire, est connue depuis 1876. En 1922, on cite "Martel, exploitant de kaolin à St -Etienne-de-Crossey" (Rome Jules, 1922).

Le second moulin est situé dans les gorges de Voiron : il était appelé le moulin blanc ou bâtiment du blanc. Il est cité dès 1869 et était construit à l'aval immédiat de la papeterie du Camet dont le propriétaire était Barral. Il est désigné sous le nom "d'annexe de la papeterie de Barral". Il a peut être été construit par Meyroud, après 1859. Il a été partiellement détruit lors de la crue du 5 juin 1897.

Que sont devenus les moulins à pierre et à kaolin : Le moulin à pierre du bas Rives disparut et son site est englobé sous un des piliers du pont sur la Fure de la route Grenoble-Lyon. Le moulin de St-Etienne-de-Crossey subsiste (habitation) mais il fut transformé dans les années 1940 en atelier de broyage du verre. Celui des gorges de Voiron est en ruine. Après la crue il fut utilisé comme atelier de délissage ou les chiffons étaient coupés et triés avec soin jusqu'aux années 1960.

Bibliographie

- Charpin Joseph  Syndicat de la Fure Classement-rapport d'expert 1er juillet 1865-copie du 26 juin 1911

- Nadal  Victor  La fabrication du papier

- F. Guérimand et Cie à Voiron. Histoire du travail, - - Etudes, les plus grandes industries sous la direction de Victor Nadal, Industries du Dauphiné, 1882, Edit. Marpon et Flammarion Paris

- Rome Jules  Annuaire Officiel du Département de l'Isère, chef de bureau à la Préfecture de Grenoble 1922

- Schrambach Alain  Verdel Eric.  Enquêtes d'archéologie industrielle dans les sept vallées autour du lac de Paladru. 1993-2006. Musée Dauphinois et équipe de Fouilles Archéologiques de Charavines.

Remerciements

Mesdames J. Dorne,  N. Gamet,  Chr. Perruquon,  G. Pin  et Messieurs P. Command, O. Delphin, R. Gaillard, L. Ferrière, M. Perrin-Taillat. 

 

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