Réflexion sur l'hydraulique de nos moulins
le
passé, le présent... et l'avenir... ?
Résumé
d’un article de 3 pages, avec photos, de Frank
Cosset. Propriétaire du moulin du
Prateau à Tresson (72)
L’aménagement
hydraulique de nos moulins fut en son temps, dans nos vallées, une intervention
humaine de
grande ampleur permettant de répondre à des besoins
nouveaux, qui laissera des traces durant des siècles. C'était
la première maîtrise de l'énergie et
un pas vers l'industrialisation future. Cet événement majeur a permis de
grands progrès techniques et une amélioration de la qualité de vie.
Un
progrès révolutionnaire...Pour
créer ce dénivelée artificiel, amener
l’eau à la roue de nos moulins avec une forte hauteur de chute,
il fallait creuser un nouveau canal aux dépens du circuit naturel,
remettant
en cause des lois naturelles d'écoulement des eaux.
Ce travail
pharaonique
sur d'immenses espaces créa un
autre paysage, où l’eau était plus présente.
Dans
nos vallées, l'eau des bassins versants, dès l'apparition du moindre ruisseau,
était ainsi canalisée
pour descendre de moulin à moulin jusqu'aux
rivières.
Cet aménagement
a eu une incidence sur le paysage et la vie économique que l'on peut encore
qualifier de positive
avec nos critères :
paysage -
environnement -
aspect économique, etc.
Aujourd'hui,
le promeneur considère que ce qu'il voit, c'est la nature telle qu'elle nous
vient de la nuit
des temps... Les aménagements hydrauliques passent inaperçus car ils ne se remarquent
pas… à la différence des moulins bâtiments émergeant dans le paysage ...
Le
présent, après
le boom économique
En
quelques d'années, le progrès à
sonné l'arrêt brutal de la vie de nos moulins. L'arrêt
des moulins a signifié aussi bien sûr l'abandon de l'entretien de
l’hydraulique et de tout ce qui avait été réalisé,
provoquant des désordres graves et faisant l'objet de critiques sévères...Les
meuniers ne sont plus là. Cette forme d'énergie n'est plus valorisée. Tout
ce qui représentait une belle harmonie
devient problème. Les
voies d'eau, c'est comme les routes, cela doit s'entretenir !
La
réalité est complexe. Ne la résumons surtout pas à l'analyse simpliste de
quelques utopistes qui consisterait à dire
: «
cela ne fonctionne pas bien -
donc
supprimons ». L'essentiel de ce que l'on peut appeler
un échec est la résultante d'une mutation brutale tant industrielle
qu'agricole, effectuée sans se préoccuper
des dégâts « co-latéraux » engendrés par ce modernisme
bousculant l'ordre des choses, dans
la précipitation et sans esprit de sauvegarde. Ce
qui est grave, c'est l'erreur d'appréciation qui a conduit à un énorme gâchis
avec des destructions
dommageables affectant gravement la nature, l'espace. Ceci
dans un climat d'indifférence absolue voire de mépris..!
Faute de réactions
et d'imagination, face à cette mutation brutale où les acteurs et bénéficiaires
ont
disparu, le Secteur Public a été défaillant.
Nos responsables
politiques et administratifs n'ont pas pris en compte les conséquences engendrées
par
l'abandon d'une hydraulique remarquable et durable, alors qu’il aurait fallu
la préserver et la réorienter
vers des objectifs nouveaux, dans une stratégie réfléchie pour le long terme.
On
en voit le résultat aujourd'hui : avec le retard, les désordres se sont
multipliés et la situation s'est aggravée.
Les incidences environnementales sont énormes sur le présent et les solutions
qui s'imposeront
pour l'avenir seront d'un coût inimaginable. En ce qui nous concerne,
les données ont évolué et la situation nous dépasse ;
associations
de sauvegarde des moulins, nous sommes encore
plus ou moins présentes... mais peu prises en compte... !
C'est
devenu un vaste problème d'intérêt général.
Il y a à
la fois urgence et nécessité de sauver le maximum de ce qui existe et qu'enfin
les pouvoirs
publics prennent leurs responsabilités et agissent face à la dégradation de
notre environnement
et aux problèmes majeurs des inondations et de la baisse de niveau
des nappes phréatiques.
Nos
ouvrages étaient utiles
et ils le
sont encore : il faudrait que ce soit reconnu, et nous devons tirer
pour l’avenir un
riche enseignement de
ce passé, avec des objectifs nouveaux, dans
des programmes plus ambitieux. Rappelons
que les aménagements hydrauliques sont des opérations délicates et complexes
et que
leur mise en œuvre est onéreuse
et porteuse de surprises... Il faut penser aux causes
de dégradations (le temps, les éléments déchaînés, etc...). L'expérience
acquise au cours des siècles ainsi que les nombreux échecs constatés sont
à prendre en compte... !
Sur
un autre plan, aussi de grande actualité, les pouvoirs publics devraient songer
à la valorisation
de l'énergie hydraulique
(renouvelable)
et que l'on ne sait plus utiliser... !
Cela nécessite
un effort de recherches pour des solutions adaptées à des millions de cas sur l'ensemble
du territoire. Mutation
de l'espace des bassins versants : C'est
un lieu commun de dire que la politique de productivisme intensif du monde
agricole (encouragée) a abouti à un chamboulement profond de l'aspect de nos campagnes.
L'avenir :
Quelles perspectives?
Vaste
sujet où s'affrontent de nombreuses théories sur ce qu'il conviendrait de
faire, sachant qu'il y a
d'énormes divergences entre les protagonistes sur l'analyse des problèmes,
selon que l'on est au pied
du bassin versant, plus loin, ou en fin de course... !
L'affaire
est complexe, source de nombreuses critiques si bien que nos responsables
politiques ne s'intéressent à la question que lorsqu'il y a un problème...
Toutefois, certaines conclusions avancées sont
pour le moins légères, voire tendancieuses...A noter aussi les considérations
idéologiques ou philosophiques comme « le retour à l'état d'origine
»... ! Comme
si c'était réaliste et souhaitable !
Il y a aussi les groupes de pression dont les intérêts sont en cause, le secteur
agricole qui a besoin de produire, les communes acceptant d’urbaniser des
zones à risques, etc. Pudiquement,
on ne parle pas du coût -
donnée essentielle - et des divergences absolues
d'intérêts : une amélioration,
aux yeux de certains, constitue une gêne pour d'autres... Ceci explique «
qu'on en parle plus que l'on agit ». Autre paradoxe, les intervenants sont
rarement des gens de terrain. On oublie
que plus on attend, plus la situation va se dégrader car les causes de désordres
s'accentuent. L’aspect positif, modeste mais réel, de notre présence s'efface car ce
qui reste de nos réalisations continue
de se dégrader.
Jusqu'à
maintenant, on se préoccupait surtout des inondations
et de la qualité
de
l'eau.
Apparaît maintenant une donnée
nouvelle, de plus en plus préoccupante :
la pénurie
d'eau. Sur
ces sujets, les moulins ont eu dans le passé, des siècles durant, un rôle
positif, et on doit affirmer
avec force que les mêmes principes qui ont régi leur réalisation sont à
prendre en compte...
!
a)
Inondation
: A la vérité,
il n'y a pas, le plus souvent, de
solution miracle en dehors de la création d'importantes
retenues qui ont aussi leurs inconvénients. Mais nos retenues modestes, où
l'eau circule au ralenti, permettent une temporisation
des phénomènes de crues. Chaque
unité a un rôle modeste, mais leur nombre crée un effet qui serait encore améliorable
si on le voulait... !
b)
Qualité
de l'eau et problème des éléments charriés : Problème
de plus en plus grave, générant des coûts élevés tout au long du
cheminement... jusqu'à
la mer... ! Pensons
à ce qui se passe actuellement où l'eau ruisselle sur les terrains labourés
en arrachant
terre et pierres, qu’il est souhaitable d'arrêter ainsi qu'aux « encombrants
» provoquant
des embâcles (vieux arbres arrachés faute d'entretien -
dépôts
sauvages, plastiques
et autres, susceptibles de souiller jusqu'à la mer). Nos
ouvrages peuvent permettre d'éliminer tous ces indésirables et au plus près
de la source ce qui est logique. C'est un problème d'intérêt général évidemment
à la charge
de la collectivité : il
s'agit de retirer les matériaux décantés et d'évacuer les gros éléments
au niveau des ouvrages.
c)
Pénurie
d'eau : Donnée
nouvelle et sensible. Les
causes sont connues : phénomène
de sécheresse accrue par une mauvaise répartition de la pluviométrie
dans le temps, besoins en eau croissants, ce qui provoque dans de nombreuses régions
une baisse inquiétante du niveau des nappes phréatiques. Phénomène aggravé
si les prélèvements
continuent d'augmenter pour différentes raisons,
besoins
agricoles ou confort des
particuliers... Les problèmes
des inondations entraînent une
réaction plus claire et une mobilisation plus sérieuse.
En dehors
des économies, la recette tourne autour des retenues collinaires.
C'est déjà
ce que nous faisions avec nos biefs, à une petite échelle.
En
conclusion, l'hydraulique
de nos moulins, de caractère artificiel par rapport aux données naturelles, a
été une page glorieuse de l'intervention humaine et a anticipé la notion de développement
durable. Nous
devons en être fiers. Demandons que cela soit reconnu et que nos aménagements
soient protégés.
Ce passé,
cette expérience, sont au service de l'efficacité et de l'écologie vraie de
demain.