Les
moulins à Tan en Indre-et-Loire
Peu nombreux par rapport aux
moulins à blé, ils ont pourtant représenté l’activité la plus importante,
après la mouture des céréales, devant les autres fonctions des moulins à eau
ou à vent, en Touraine. A partir du 12e siècle, la transformation
du mouvement circulaire en
mouvement alternatif (va et vient) va permettre à un arbre à cames horizontal,
mu par la roue hydraulique, d’activer diverses fonctions autres que les meules
à blé. Pour le moulin à Tan, l’arbre à cames avec ses ergots, soulevait et
laisser retomber alternativement, verticalement, 2 ou 3 batteries de pilons, armés
à leur extrémités de tranchants, dans des cuves ou mortiers, pour réduire en
poudre l’écorce des chênes ou châtaigniers séchés, afin d’en extraire
le Tan ou Tanin, servant au tannage des peaux afin de les assouplir, de les
rendre imputrescibles et imperméables.
Une trentaine de moulins à Tan
était en activité jusqu’au 19e siècle en Indre-et-Loire, dont la
plupart au nord de la Loire. Moulins à eau en général, seulement 3 moulins à
vent étaient moulins à Tan. Le recensement de 1858,
en dénombre encore 21, dont 9 en région
de Château-Renault, où les tanneries ont été jusqu’au 20e siècle,
un petit empire industriel avec ses 24 maître tanneurs, et 12 moulins à Tan, réparties
sur les affluents de la Loire rive gauche : la Vienne et L’Indre. Le même
recensement, pour cette période, indique 553 moulins à blé, pour seulement 8
moulins à foulon, 7 filatures, 5 Hauts-fourneaux (fonte et fer), et 4 moulins
à papier, se répartissant sur les 299 rivières de l’Indre-et-Loire.
En 1880, l’invention du Suédois Cavallin
(les sels de Chrome), qui permet
de traiter les peaux, sans utiliser le tanin employé jusqu’alors, va accélérer
la disparition progressive de cette activité, liée à d’autres facteurs
d’ordre économique, qui obligent les meuniers à revenir à l’écrasement
des céréales ou l’abandon du moulin à Tan, et le démontage des mécanismes
appropriés à cette activité, devenus inutiles.
On n’arrête pas l’évolution des techniques. En 2001, un nouveau procédé a été découvert par des chercheurs du CEA pour le tannage des peaux et cuirs, en les traitant au « C02 super-critique » ; cette technique va annuler pour le futur, les tannages aux sels de Chrome et leurs dérivés.
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Dès le recensement que nous
avions entrepris, il y a quelques années, des anciens moulins survivants, tous
les bâtiments que nous avions rencontré portant le nom de leur ancienne
activité, en particulier à Tan, n’avaient pas conservé trace de mécanismes
de celle-ci ; reconvertis en moulin à blé (présence de meules), ou
devenus résidences secondaires au bord de l’eau. Quelques uns, hélas en
ruines.
Le
dernier moulin à Tan de Touraine
Puis en remontant l’un des
affluents rive droite de la Loire, nous avons eu la surprise agréable de
trouver trace, cette fois de cette activité disparue en notre région. Le
moulin visité, contrairement aux autres, a terminé sa carrière en moulin à
Tan, ce qui peut expliquer que ses mécanismes aient survécu. Le bâtiment
n’ayant pas subi de transformations comme ses voisins, soit en minoterie ou résidence,
a pu conserver en état ses mécanismes que nous n’avions pas trouvés
ailleurs. Le moulin dans une nature boisée et calme, comme abandonné, à l’écart
de toute activité, semble s’être arrêté depuis peu, alors que son activité
a cessé depuis les années 1940 !
Ou l’histoire d’un moulin à eau classique du 17e au 20e siècle…
Il est cité sur un acte du 16
mai 1621, en activité pour la seigneurie de La Chastaigneraye. La toponymie
s’interprète : lieu planté de châtaigniers, ce qui aura plus tard,
peut-être, une influence sur sa dernière activité. Il est moulin à blé,
avec 2 paires de meules et roue à pales (dite de côté), appartenant au
Fermier Général, Pierre Rocheron,
de la dite Seigneurie et est loué par bail.
La période révolutionnaire de 1791
a peu d’incidence sur l’exploitation du moulin ; celui-ci appartient
toujours, à la classe bourgeoise et ne sera jamais propriété d’un meunier.
Il est vrai que la banalité, supprimée à la révolution, était déjà très
« assouplie » depuis plusieurs années, en Indre-et-Loire. Aussi,
les meuniers assujettis aux baux classiques de cette époque, ne connurent-ils
aucun changement particulier à leur situation, jusqu’au 20e siècle.
En 1840, Félix Victor Budan de Russé, juge au Tribunal de Grande Instance de Tours, est propriétaire du moulin de la Châtaigneraie et de celui de Palluau, (Paludellum : petit marais) en aval. Les moulins en Indre-et-Loire, représentent des placements intéressants pour la classe bourgeoise de cette époque.
Il fait rebâtir le moulin avec une roue extérieure supplémentaire ;
le PV des lieux de 1847 note :
« un chenal en pierres dures, est aménagé entre les deux halles du
moulin et une grande roue ; cette grande roue et son arbre et accessoires
viendroient en augmentation de la prisée de 1806, sans diminution aucune de la valeur de la roue et de l’arbre
existant alors, qui ont été reconnus par les parties être hors d’état de
servir. Les travaux ont été fait au temps dit par le Sr Taluau, charpentier en
moulins à Langeais, et ce moyennant un prix de 4000 f… »
Puis en 1851, Budan de Russé transforme le moteur hydraulique ; suppression des 2 roues extérieures, il en fait installer une en bois, sous l’habitation ; elle existe toujours. Sur le rapport de l’Ingénieur Ordinaire du 21 mars 1853, il est indiqué que le moulin a 5 paires de meules dont 2 paires chômant, entraînées par une roue à pales, dite de côté, perfectionnée (à aubes courbes), une chute de 2,20 m, la force utilisée de 7,5 CV. La prisée décrit les lieux : « la chaussée du moulin est composée de 4 vannes écoulant leurs eaux au travers de la chaussée du moulin surmontée de 4 arches en maçonnerie formant un pont d’accès au moulin… »