Les moulins à Tan en Indre-et-Loire

Extrait d’un article de 3 pages, avec photos et plans, par Gabriel Henri Penet,

Peu nombreux par rapport aux moulins à blé, ils ont pourtant représenté l’activité la plus importante, après la mouture des céréales, devant les autres fonctions des moulins à eau ou à vent, en Touraine. A partir du 12e siècle, la transformation du mouvement  circulaire en mouvement alternatif (va et vient) va permettre à un arbre à cames horizontal, mu par la roue hydraulique, d’activer diverses fonctions autres que les meules à blé. Pour le moulin à Tan, l’arbre à cames avec ses ergots, soulevait et laisser retomber alternativement, verticalement, 2 ou 3 batteries de pilons, armés à leur extrémités de tranchants, dans des cuves ou mortiers, pour réduire en poudre l’écorce des chênes ou châtaigniers séchés, afin d’en extraire le Tan ou Tanin, servant au tannage des peaux afin de les assouplir, de les rendre imputrescibles et imperméables.  

Une trentaine de moulins à Tan était en activité jusqu’au 19e siècle en Indre-et-Loire, dont la plupart au nord de la Loire. Moulins à eau en général, seulement 3 moulins à vent étaient moulins à Tan. Le recensement de 1858, en dénombre encore 21, dont 9 en région de Château-Renault, où les tanneries ont été jusqu’au 20e siècle, un petit empire industriel avec ses 24 maître tanneurs, et 12 moulins à Tan, réparties sur les affluents de la Loire rive gauche : la Vienne et L’Indre. Le même recensement, pour cette période, indique 553 moulins à blé, pour seulement 8 moulins à foulon, 7 filatures, 5 Hauts-fourneaux (fonte et fer), et 4 moulins à papier, se répartissant sur les 299 rivières de l’Indre-et-Loire.

En 1880, l’invention du Suédois Cavallin (les sels de Chrome), qui permet de traiter les peaux, sans utiliser le tanin employé jusqu’alors, va accélérer la disparition progressive de cette activité, liée à d’autres facteurs d’ordre économique, qui obligent les meuniers à revenir à l’écrasement des céréales ou l’abandon du moulin à Tan, et le démontage des mécanismes appropriés à cette activité, devenus inutiles.

On n’arrête pas l’évolution des techniques. En 2001, un nouveau procédé a été découvert par des chercheurs du CEA pour le tannage des peaux et cuirs, en les traitant au « C02 super-critique » ; cette technique va annuler pour le futur, les tannages aux sels de Chrome et leurs dérivés.

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Dès le recensement que nous avions entrepris, il y a quelques années, des anciens moulins survivants, tous les bâtiments que nous avions rencontré portant le nom de leur ancienne activité, en particulier à Tan, n’avaient pas conservé trace de mécanismes de celle-ci ; reconvertis en moulin à blé (présence de meules), ou devenus résidences secondaires au bord de l’eau. Quelques uns, hélas en ruines.

Le dernier moulin à Tan de Touraine

Puis en remontant l’un des affluents rive droite de la Loire, nous avons eu la surprise agréable de trouver trace, cette fois de cette activité disparue en notre région. Le moulin visité, contrairement aux autres, a terminé sa carrière en moulin à Tan, ce qui peut expliquer que ses mécanismes aient survécu. Le bâtiment n’ayant pas subi de transformations comme ses voisins, soit en minoterie ou résidence, a pu conserver en état ses mécanismes que nous n’avions pas trouvés ailleurs. Le moulin dans une nature boisée et calme, comme abandonné, à l’écart de toute activité, semble s’être arrêté depuis peu, alors que son activité a cessé depuis les années 1940 !

Le moulin de la Châtaigneraie

Ou l’histoire d’un moulin à eau classique du 17e au 20e siècle…

 Il est cité sur un acte du 16 mai 1621, en activité pour la seigneurie de La Chastaigneraye. La toponymie s’interprète : lieu planté de châtaigniers, ce qui aura plus tard, peut-être, une influence sur sa dernière activité. Il est moulin à blé, avec 2 paires de meules et roue à pales (dite de côté), appartenant au Fermier Général, Pierre Rocheron, de la dite Seigneurie et est loué par bail.

La période révolutionnaire de 1791 a peu d’incidence sur l’exploitation du moulin ; celui-ci appartient toujours, à la classe bourgeoise et ne sera jamais propriété d’un meunier. Il est vrai que la banalité, supprimée à la révolution, était déjà très « assouplie » depuis plusieurs années, en Indre-et-Loire. Aussi, les meuniers assujettis aux baux classiques de cette époque, ne connurent-ils aucun changement particulier à leur situation, jusqu’au 20e siècle.

En 1840, Félix Victor Budan de Russé, juge au Tribunal de Grande Instance de Tours, est propriétaire du moulin de la Châtaigneraie et de celui de Palluau, (Paludellum : petit marais) en aval. Les moulins en Indre-et-Loire, représentent des placements intéressants pour la classe bourgeoise de cette époque.

 Il fait rebâtir le moulin avec une roue extérieure supplémentaire ; le PV des lieux de 1847 note : « un chenal en pierres dures, est aménagé entre les deux halles du moulin et une grande roue ; cette grande roue et son arbre et accessoires viendroient en augmentation de la prisée de 1806, sans diminution aucune de la valeur de la roue et de l’arbre existant alors, qui ont été reconnus par les parties être hors d’état de servir. Les travaux ont été fait au temps dit par le Sr Taluau, charpentier en moulins à Langeais, et ce moyennant un prix de 4000 f… »

Puis en 1851, Budan de Russé transforme le moteur hydraulique ; suppression des 2 roues extérieures, il en fait installer une en bois, sous l’habitation ; elle existe toujours. Sur le rapport de l’Ingénieur Ordinaire du 21 mars 1853, il est indiqué que le moulin a 5 paires de meules dont 2 paires chômant, entraînées par une roue à pales, dite de côté, perfectionnée (à aubes courbes), une chute de 2,20 m, la force utilisée de 7,5 CV. La prisée décrit les lieux : « la chaussée du moulin est composée de 4 vannes écoulant leurs eaux au travers de la chaussée du moulin surmontée de 4 arches en maçonnerie formant un pont d’accès au moulin… »

 

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