Etude technique – Calcul de la torsion des ailes de moulin à vent
Cet article
est la première partie d’un calcul de la puissance développée par
les ailes d’un moulin à vent. Ce calcul n’est pas évident car Eole est
fantasque. Un tel calcul devrait être valorisé par l’expérience. Je l’ai
établi à partir de résultats d’essais en soufflerie faits au début du xxéme
siècle. J’ai également utilisé un article donnant les mesures faites par un
nommé Smeaton, en 1759, sur des maquettes d’ailes .Si le calcul de la torsion
est recevable, celui de la puissance le sera aussi.
Il serait intéressant d’avoir l’avis des
meuniers. Encore faudrait-il qu’ils précisent les conditions de leurs mesures ?
Certains meuniers ont prolongé la vie de leur moulin en supprimant les ailes et en les remplaçant par un moteur thermique, il serait intéressant de connaître la puissance de ces moteurs et les caractéristiques des ailes concernées. Résumé d’un article de 3 pages avec schémas et graphique de Jean Paul Favreau. Pour plus d’informations : favreaucohenner@wanadoo.fr
1 Simplifications
initiales pour faciliter les calculs.
J'ai considéré l'aile comme étant composée de
plusieurs tronçons rectangulaires suffisamment
courts pour admettre que la vitesse linéaire de l'aile soit la même en tout
point d'un tronçon. J'ai admis que la vitesse du vent par rapport au corps du
moulin est stable, uniforme et parallèle à l'axe du rotor et que l'action
du vent sur une aile n'est pas perturbée par les autres ailes.
2 Force
appliquée par le vent sur une plaque plane.
Les essais en souffleries dans la première moitié
du XXème siècle ont donné les résultats suivants:
a)
la force est à peu près perpendiculaire à la plaque.
b)
formule générale: F = k S V2
avec F en kgf, S en m2,
V en m/s. (k est un coefficient qui inclut la masse volumique de l'air)
c)
Quand la plaque est perpendiculaire au vent (incidence 90°), pour une
surface supérieure à 1m2 le coefficient k plafonne autour de 0,08.
Il dépend de l'allongement de la plaque (rapport envergure sur profondeur).
d)
Quand la plaque est parallèle à la direction du vent (incidence 0°)
k = 0.
e)
Quand on fait croître l'incidence à partir de 0°, k croît rapidement
avec l'incidence, jusqu'à ce qu'on atteigne une zone instable où il chute
brusquement. Puis k évolue lentement jusqu'à l'incidence 90°.
f)
L'angle d'incidence pour lequel se produit le décrochement dépend de
l'allongement de la plaque: 40° à 45° pour une plaque carrée avec une chute
d'environ 1/3; mais 15° et une chute inférieure à 10% pour une plaque
d'allongement 3.
Les
mesures ont été difficiles à faire et malaisées à reproduire car en plus de
l'incidence et de l'allongement des plaques, interviennent aussi la qualité de
la veine fluide, les dimensions relatives de la veine et des plaques... Les résultats
ont été traduits en formules approximatives plus ou moins complexes.
Vus
l'allongement de l'aile et les angles d'incidence concernés, à partir d'Eiffel
j'écris une expression simple: k
= 0,08 sin i
D'autre
part, en négligeant les frottements et la pesanteur, à partir de l'équation
d'Euler on peut calculer:
k = 0,13 sin2i
L'équation
d'Euler ne convient pas aux moulins à vent. Pour qu'elle soit satisfaisante il
faudrait que l'aile tourne dans le vide en recevant seulement un flux d'air sur
sa face avant. Je l'ai cependant employée comme élément de comparaison en
supposant qu'avant le XXème siècle on l'ait utilisée, faute de
mieux (voir §6).
Le
coefficient 0,08 ni le coefficient 0,13 n'interviennent dans le calcul de la
torsion.
3 Vitesse du vent
par rapport à l'aile en mouvement.
a)
Coefficient de vitesse "c".
Soit
Vp la vitesse périphérique de l'extrêmité de l'aile et Va la vitesse du vent
par rapport au sol.
Nous
pouvons écrire Vp = cVa. D'après la littérature molinologique c se situe
autour de 2 à 2,5. J'ai fait les calculs avec 2,5.
b)
Vitesse d'un élément de l'aile (croquis 1)
Soit
R le rayon du rotor. Un élément quelconque de l'aile est situé à la distance
xR du centre. J'ai choisi x variant de 0,2 au centre à 1 sur la périphérie.
La vitesse d'un élément situé à la distance xR du centre est égale à
xcVa.
c)
Vitesse du vent par rapport au plan du rotor en mouvement (croquis 2).
Soit
V la vitesse du vent par rapport à élément de l'aile en mouvement. V2=Va2(1+x2c2).
Et
V fait avec le plan du rotor un angle a tel que tg a = 1/xc.
Voici
les valeurs de cet angle tout au long de l'aile:
x = 0,2
0,3 0,4
0,5 0,6
0,7 0,8
0,9 1,0
a = 63°
53° 45°
39° 34°
30° 27°
24° 22°
4 Torsion
optimale de l'aile. Valeurs calculées.
a)
Force utile appliquée sur un élément d'aile (croquis 3).
Si
un élément d'aile est incliné d'un angle t sur le plan du rotor, la force
totale appliquée par le vent F = k S V2, à peu près
perpendiculaire à cet élément, donne une composante utile pour faire mouvoir
l'aile Fu = F sin t .
b) Angle d'incidence : i = a – t
c)Torsion optimale:
Pour chaque élément d'aile situé à la distance xR du centre il s'agit de
trouver l'angle t qui donne Fu maximale pour cette position. La torsion augmente
plus rapidement quand on se rapproche du centre.
d) Torsion pour une aile plane.
Il faut trouver l'angle qui va donner le meilleur couple à l'aile entière.
e) Torsion
pour une aile vrillée linéairement:
Si l'on veut construire une aile où la torsion varie de la même façon sur
toute sa longueur il faut trouver les deux angles de torsion pour la périphérie
et pour le centre qui vont donner le meilleur couple pour l'aile entière.
Les angles t dépendent de la formule retenue pour la
valeur du coefficient k et de la forme de l'aile. J'ai fait le calcul pour une
aile rectangulaire (croquis 1) et pour une aile trapézoïdale (croquis 4) avec
k = b sin i.
Voici les valeurs calculées pour la torsion t
(voir graphique )
x = 0,2
0,3 0,4
0,5 0,6
0,7 0,8
0,9 1,0
a = 63° 53°
45° 39°
34° 30°
27° 24°
22°
optimale
avec k =a sin2 i (Euler)
23° 19° 16°
13° 12°
10° 9°
8° 7,4°
optimale
avec k = b sin i
t=a/2
32° 27° 23°
19° 17°
15° 13°
12° 11°
aile
rectangulaire vrillée linéairement
25,7°-------------------------------------9,8°
aile
trapézoïdale vrillée linéairement 24,6-------------------------------------10,2°
aile
rectangulaire plane
14,3° =
= =
= =
= = 14,3°
aile
trapézoïdale plane
13,5° =
= =
= =
= =
13,5°
5 Torsion et
puissance.
a)
Pour une même surface un même rayon et une même vitesse, voici les
puissances relatives des ailes
suivant leur torsion:
aile trapézoïdale
aile rectangulaire
vrillage optimal
100
89
vrillage linéaire
99,8
88,7
aile plane
95,6
83,3
ces valeurs montrent:
-
que les vrillages optimal et linéaire donnent à peu près la même
puissance.
-
que l'aile trapézoïdale donne nettement plus de puissance que l'aile
rectangulaire.
-
que l'aile rectangulaire plane donne la plus faible puissance. Mais si
c'est une aile Berton c'est compensé par les avantages d'exploitation.
b)
Remarquons qu'une variation de torsion de 1° donne
un déplacement inférieur à 2cm à une distance de 1m. Je doute que
l'artisan puisse tenir cette précision. De plus les déformations de l'aile en
service dépassent certainement cette valeur. Voici les pertes moyennes de
puissance pour des écarts de torsion sur toute la longueur de l'aile:
1° 2°
3° 4° 5°
6° 7°
torsions linéaires 1%
3% 7%
13% 20%
30% 40%
ailes planes
0,5% 2%
5% 9%
13% 19%
26%
6 Torsion préconisée
par Smeaton.
Dans
le N° 64 juillet 2002 de l'International
Monological Society, j'ai trouvé un article de David L Pearce traitant des
ailes de moulins à vent. Il nous dit que John Smeaton en 1759 effectua des
mesures sur des modèles à quatre ailes d'un mètre de diamètre et donna les
valeurs de torsion linéaire
suivantes:
d'abord
22,5° au centre et 7,5° à la périphérie.
puis il préconisa:
25° au centre et 10° à la périphérie.
Quand je
compare les premières valeurs (22,5°-7,5°) avec Euler (23° et 7,4° aux extrémités)
je crois pouvoir dire que ces valeurs ne résultent pas d'expériences, mais
d'un calcul fait à partir de l'équation d'Euler, dont l'ouvrage "Traité
complet de mécanique" était paru en 1739 soit vingt ans avant les travaux
de Smeaton.
Les secondes valeurs (25° et 10°) sont très
proches de celles que je calcule pour l'aile vrillée linéairement (25,7°-9,8°
et 24,6°-10,2°.
Par ailleurs Mr
Pearce pense qu'on a peut-être voulu établir, au centre, des torsions supérieures
à 26° mais qu'on risquait alors de heurter le corps du moulin. Cet inconvénient
peut faire préférer la torsion linéaire à la torsion optimale.
7 Validation du calcul.
Les
calculs sur le vent sont moins assurés que ceux effectués sur une veine fluide
bien contrôlée comme par exemple un jet d'eau. La validation du calcul par
l'expérience est donc primordiale. Ce calcul est établi dans les conditions définies
au §1 pour c = 2,5 et avec k = b
sin i, à partir de mesures faites sur des plaques planes. Il semble confirmé
par les mesures faites par Smeaton sur
des maquettes d'ailes. Les avis des meuniers seront
les bienvenus.