Etats – Unis   Coup d’œil sur deux moulins

  

Du 18 au 21 septembre 2003, en vol vers la Californie, nous avons fait une escale dans l'état de New Jersey pour assister à la conférence annuelle de la SPOOM (Société de Préservation des Vieux Moulins). Nous étions les deux seuls européens sur une assemblée d'environ 120 personnes. L'accueil fut chaleureux autant de la part des membres présents que de celle des anonymes qui nous arrêtaient dans la rue, en nous entendant parler français, pour nous souhaiter la bienvenue. La première journée fut consacrée à des conférences et la deuxième à des visites. Le moulin Walnford m'a particulièrement intéressée. Résumé d’un article de deux pages avec photos de Annie  CANDORE

Le Domaine de Walnford, Allentown, New Jersey, USA

Un hameau s'est développé à partir de 1734 autour du moulin à farine. En 1772, le domaine élargi qui comportait en plus un foulon, une forge, une scierie, deux maisons d'habitation, des communs et des bâtiments agricoles, est acheté par Richard Waln qui le baptise Walnford. Resté dans la même famille pendant 200 ans, il est très représentatif de l'évolution du monde rural américain de l'époque pré-révolutionnaire à nos jours, si semblable à celle de nos campagnes durant la même période. En faisant cette acquisition en 1772, Richard voyait en cette propriété à la campagne où l'on pouvait, si nécessaire, vivre en autarcie un refuge pour sa famille nombreuse en ces temps de troubles. L'année suivante, il fit construire une luxueuse résidence avec vue sur la rivière pour loger plus confortablement sa femme et ses 6 enfants. La diversité des produits de son exploitation dont il faisait commerce, lui permit d'établir sa notoriété sur le marché international et de supplanter ses concurrents. Il y avait alors 6 autres moulins dans les parages. La navigabilité de la rivière Crosswicks, affluent du Delaware dans lequel elle se jette en aval de Trenton et grâce à laquelle il pouvait acheminer ses marchandises par voie d'eau jusqu'à Philadelphie, était un atout majeur.

En 1799, son fils Nicholas lui succède et agrandit la propriété. 50 personnes travaillaient alors sur les terres, à la ferme, au moulin et à la scierie qui furent transformés. C'est une période de grande prospérité. Malheureusement, à sa mort, en 1848, le domaine est morcelé entre ses héritiers. Sa femme Sarah et l'une de ses filles Sarah Hendrickson conservèrent 70 hectares, la maison, le moulin et son magasin. Sarah Hendrickson fit construire une remise pour les calèches et une étable. Elle modernisa la maison et restaura le moulin dévasté par un incendie en 1872. Elle s'endetta pour mener à bien ces travaux. Tandis qu'elle restait à la traîne, les techniques meunières évoluaient. A la fin du XIXe il n'y avait plus à Walnford, ni scierie ni forge ni foulon et le moulin qui n'avait pas adopté les cylindres, ne fournissait plus que de la mouture à bestiaux pour une clientèle locale très réduite.

A la mort de Sarah Hendrickson son petit neveu, Richard Meirs, et sa femme Ann firent de Walnford leur résidence secondaire. Le moulin continua de fonctionner jusqu'en 1917. La maison de maître fut à nouveau réaménagée, avec sanitaires. Le jardin fut redessiné. Entre 1958 et 1973, William Meirs, leur fils poursuivit les travaux d'embellissement. La propriété au fil des ans avait graduellement perdu son ambiance de fourmilière artisanale, mais la demeure avait acquis le charme des maisons de famille pieusement transmises de génération en génération.

Edward et Joanne Mullen qui achetèrent Walnford en 1973 le firent inscrire à l'inventaire des Monuments Historiques. En 1985, le "comté" de Monmouth soucieux de sauvegarder les bâtiments et les paysages chargés d'histoire en fit l'acquisition grâce à une donation des Mullen. Il a consacré d'énormes sommes d'argent à la remise en état du site et des constructions. Propriété du comté de Monmouth, le domaine de Walnford est exploité par le Parc régional - 5000 hectares, 36 sites et monuments - dans le cadre de ses activités touristiques et culturelles. Le site restauré est ouvert au public. On peut y visiter la remise à calèches, l'étable, la maison de maître et le moulin. Ce dernier est un beau bâtiment en bois, peint en bleu ciel qui se reflète dans l'eau. La rivière est aujourd'hui partiellement ensablée. Les travaux de rétablissement des amenées et fuites d'eau et du barrage furent colossaux. La rivière ayant perdu de sa puissance, la chute ne fait plus que 2 pieds de haut. Il fallut aussi stabiliser le soubassement en pierre du moulin qui était ébranlé. Les équipements intérieurs, tous encore en place, datent de 1917. A cette époque le moulin fonctionnait déjà avec une turbine, mais écrasait encore à la meule de pierre. Comme maintenant le niveau de l'eau est trop bas pour baigner la turbine, celle-ci est couplée à un moteur électrique qui l'entraîne au moyen d'une longue chaîne. Le processus de mouture est traditionnel. Lors de la visite, on peut suivre le cheminement du grain à travers tout le moulin.

Historic Walnford 78 Walnford road Upper Freehold Allentown, New Jersey USA

Le moulin LATOURETTE

 Ce moulin à eau en cours de restauration est pour l’instant ouvert à tous les vents. Il est enserré entre la route et la rivière Raritan dans une vallée large de 3 km, qualifiée de “longue” (environ 20 km) par les indiens. Les premiers occupants européens qui s’établirent en ces lieux en 1700 étaient allemands, ce qui valut à la vallée de s’appeler Vallée Allemande entre 1805 et 1918. Elle reprit son nom de Longue Vallée après la guerre. Le moulin fut construit vers 1750 par Philip Weise. Il fonctionna d’abord avec deux roues à aubes. Les turbines Bartley, encore en place aujourd'hui, ont été installées vers 1880 à l’initiative d’Obadiah La Tourette, propriétaire depuis 1854, qui agrandit et modernisa le moulin. Il est tout en bois à l’exception des fondations qui sont en pierre. Elles sont percées d’une arche à l’est pour laisser entrer l’eau et de deux à l’ouest pour l’évacuer. C’était un moulin puissant, équipé de 4 jeux de meules à usage diversifié : farines de blé, d’orge et de sarrasin et aliments pour bestiaux (maïs et avoine). C’était l’établissement le plus prospère du village. A la fin du XIXe siècle, il tournait toute l’année, sans discontinuer de 1h30 le lundi matin à 23h30 le samedi. Deux équipes de deux hommes en assuraient le fonctionnement travaillant 12 heures chacune, l’une le jour, l’autre la nuit. La farine partait à destination de Newark par le train. Les livraisons vers les petites villes avoisinantes se faisaient en charrettes attelées de quatre chevaux, chargées la veille pour partir à l’aurore.

  Lorsque que la digue fut rompue par la glace en 1938, le privant d’eau, un moteur à essence prit le relais. Enfin, après la guerre, il cessa toute activité et un médecin s’installa dans la partie habitable des locaux en laissant le reste à l’abandon. En 1991, la commission territoriale (Washington Township Land Trust) acheta le moulin menacé de démolition et en entreprit la restauration avec l’aide de volontaires, grâce à des subventions, des dons de matériel et d’argent. Les plus gros appareils, meules, cylindres, systèmes de transmission, élévateurs, chutes et conduits divers, trieurs, polisseurs, séparateurs sont à leur place, mais des centaines de pièces, (poulies, engrenages, courroies, outils etc.) toutes étiquetées sont encore en attente dans une pièce.

Pour lever des fonds afin d’activer les travaux, la commission a lancé un programme original d’adoption de fenêtres. Il y en a 58 et le coût moyen de réfection à l’identique est de 500 dollars : tout donateur, à partir de 125 dollars, recevra un certificat et une photo d’avant et après restauration et verra son nom ou celui d’un être cher de son choix inscrit sur une plaque apposée à côté de la fenêtre qu’il aura participé à restaurer : fenêtre adoptée par M. et Mme X ou fenêtre adoptée en mémoire de M. ou Mme X. Ah, ces Américains !

Moulin La Tourette 12 East Mill Road  Long Valley, New Jersey USA

 

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