Une invention européenne, 

la machine à moudre par cylindres.

Résumé d’un article de 8 pages, avec photos et plans, par André COUTARD.

La période antique nous montre l’utilisation de la pierre à moudre, un galet poussé à la main. Ce n’est que quelques milliers d’années plus tard que les romains trouvèrent le moyen de mettre une meule monolithique en mouvement par la force de l’eau. Tout en subissant de continuels perfectionnements, cette meule sera jusque dans le dernier tiers du XIXe siècle, le seul moyen employé pour la production de la farine.

Ce n’est guère qu’après 1885 que la mouture par cylindres est réellement entrée dans la pratique de nos meuniers.

Il est toujours délicat de distinguer parmi les inventeurs qui se succèdent sur un projet, celui qui a conçu l’idée, et celui qui l’a réalisée. Pourtant les historiens s’accordent sur l’année 1870 comme date de départ de l’invention de la machine à moudre à l’aide de cylindres.

Son auteur, Friedrich Wegmann est né au moulin Würgeler à Illnau, dans le canton de Zurich (Suisse), le 30 août 1832. Sa première formation de meunier se fait, jeune, « sur le tas » dans le moulin de son oncle. A 16 ans, il part travailler dans un atelier de mécanique du sud de la France. Plus tard, il s’installe à 26 ans  minotier à Naples, sous la raison sociale  « Wegmann-Bodmer et Cie, minoterie de Naples » . C’est la qu’il met au point vers 1868, un moulin de sa conception, avec deux cylindres en porcelaine. Pour faire connaître son invention, il s’installe à Zurich en 1870

Il continua d’améliorer sa machine mais il n’avait sans doute pas les appuis financier nécessaires pour la produire et la commercialiser. Il fait breveter  son moulin à cylindres dans divers pays, dont la France en 1885.

Friedrich  Wegmann décède le 14 avril 1905 à Zurich.

André Mechwart, mécanicien de génie

En 1873, Friedrich Wegmann avait apporté à Budapest un certain nombre de ses moulins à cylindres. André Mechwart, directeur de la maison Ganz et Cie, reconnut aussitôt l’importance de l’invention. Il se mit en rapport avec F. Wegmann et acheta son brevet en 1874.

Les moulins à cylindres de Mechwart,  par les essais auxquels ils ont été soumis en 1875 à Budapest et dans d’autres endroits en Hongrie, ainsi qu’en Autriche et en Allemagne, ont donné des résultats si satisfaisants, qu’ils resteront longtemps le modèle de tous les modèles ultérieures de cette machine. A André Mechwart, de la maison Ganz et Cie revient le mérite  d’avoir réellement  répandu en Europe l’idée première de Friedrich  Wegmann.

Ganz et Cie

Cette innovation n’a pourtant pas été adoptée dans les différents pays avec autant de rapidité et de facilité qu’on pourrait le croire

Vers le milieu de 1878, il y avait des moulins à cylindres cannelés Ganz, installés dans 21 moulins de Bavière. En Hongrie, 26 de ces appareils fonctionnaient ; en Autriche 39 ; en Bavière 21 ; dans le grand-duché de Bade 4 ; dans le Wurtemberg 1 ; en Prusse 2 ; en Angleterre 3 ; en Russie 1 et en Suisse 1.

La machine à cylindres se répand en Europe.

En 1879, on commença, dans une grande meunerie du centre de l’Italie, à employer les cylindres cannelés Ganz pour la fabrication des semoules de blé dure destinée aux pâtes. De suite, les meuniers travaillant des blés tendres destinés à la panification, adoptèrent en 1880 la machine à cylindres cannelés.

Dès 1879, des meuniers danois,  avaient commencé à broyer au moyen de cylindres cannelés, au lieu de leurs meules.

Peu à peu, tous les meuniers des pays de l’Europe se mettent à utiliser ces machines.

Diffusion de la machine à cylindres en France

On se tromperait en concluant que la France ait mis moins d’empressement que les autres pays à introduire les cylindres dans sa meunerie. Les circonstances seules ont amené un certain retard dans l’adoption de cette technique.

En 1878, lors de l’Exposition internationale de Paris, tenue au Champ-de-Mars, une dizaine de constructeurs de cylindres étrangers avaient un stand. C’était une occasion pour chacun  de montrer publiquement ses  procédés de mouture. Les meuniers français, très fiers de leur mouture aux meules, se montrèrent médusés.

A la suite de l’exposition universelle de 1878, la maison Brault, Teisset et Gillet, de Chartres, acquit le droit d’exploiter en France les brevets Ganz. Et ce sont MM. Givon et Laurent  qui installent en 1879, les premiers cylindres au moulin Buquet, à Rouen.

Le Syndicat des grains et farines de Paris décida d’organiser en 1883 et 1884 des expériences comparatives de mouture, en mettant en concurrence les principales machines à cylindres alors employées.

Lors de la publication des résultats, les farines issues de moutures aux cylindres arrivent en tête, tant en meunerie qu’en boulangerie.

En 1885, un Exposition Internationale de Meunerie et de Boulangerie est organisée à Paris, au Palais de l’Industrie. Inaugurée le 11 avril, elle ferme ses portes le 30 juin. Elle présente aux meuniers, les résultats des essais de 1883-84.

Le résultat ne se fit pas attendre, trois ans après,  on comptait 1500 moulins équipés de cylindres, sur 37000 moulins, grands ou petits, en France.  C’est au milieu de cette période, en 1886  que se créait « l’Association nationale de la meunerie française ».

Bibliographie :

- « Le journal de la meunerie » et « le journal de la meunerie et de la boulangerie ». mensuels publiés entre 1883 et 1890. Articles divers des constructeurs sur ce sujet.

-Traité de meunerie – par Girard-Lindet -1903.

-Histoire de la meunerie et de la boulangerie, volumes 2,  par Marcel Arpin – 1948 – Paris.

-Historique de la meunerie. Jean Pratique – Industrie des céréales n° 48.

-Manuel pratique de la meunerie. Léo Hopp – 1950 – Strasbourg, traduit de l’allemand.

-La meunerie. J.F. Lockwood , directeur général de Henry Simon – 1950 – traduit de l’anglais.

-La révolution de la meunerie au XIXe siècle, par André Gaucheron.  Article publié dans « Les Moulins » 1986. Edité par la FFAM.

-A Budapest, en Hongrie, le musée national de la meunerie, inauguré en 1978, est installé dans l’ancienne usine Ganz. Un bâtiment, haut de cinq étages,  construit  au siècle dernier au bord du Danube, abrite les 750 m2 d’exposition permanente consacrés à l’évolution des techniques de mouture du blé. Elle comprend plus de 300 appareils, instruments, mécanismes et des documents illustrant cette épopée. C’est sans aucun doute le plus important musée de la meunerie en Europe.

-Notes relevées en cours de visite de ce musée Ganz.

 

2tr03n54