"A Mora" Pierre philosophale des maîtres édificiers du terroir  monégasque (I),    par Claude Vaccarezza

Article de 7 pages avec illustrations (extrait)

De ses moulins à huile traditionnels, la Principauté de Monaco n’a conservé qu’un souvenir voilé par le temps. Seuls un boulevard - et la place où il aboutit - ainsi qu’une descente exigüe, en sauvegardent aujourd’hui, par leur dénomination, la fragile mémoire. L’huile extraite à Monaco n’a pas moins constitué dans les siècles passés la fierté du pays et un pilier de son économie. A partir des archives de la Santé maritime du port de Marseille1, ont été retracés, de 1731 à 1800, pas moins de l2 114 navires ayant apporté dans la cité phocéenne 109 770 milleroles2 d’huile d’olive de la Principauté3. Bien que les zones d’exploitation et d’exportation furent par la suite réduites, cette activité traditionnelle ne s’est pas moins poursuivie jusqu’au début du XXe siècle. A la raréfaction de la quantité n’a toutefois pas correspondu une diminution de la qualité ; ainsi, lors des Expositions universelles de 1873 (Vienne) et de 1900 (Paris), 2 exploitants monégasques furent respectivement distingués à ce titre, le second recevant une médaille d’or pour, notamment, l’huile d’olive vierge provenant de sa propriété du Vallon de la Noix4.

En 1846, une vingtaine de moulins fonctionnaient en Principauté27; auparavant leur nombre fut sensiblement supérieur.

 Si, déjà, la trituration des olives avait fait l’objet, le 7 août 1815, d’une réglementation mal ressentie par les producteurs, en 1816, au motif de remédier à une mauvaise qualité des farines et du pain, ainsi qu’à leur cherté, le Prince héréditaire Honoré (le futur Honoré V) expropria en effet, dans le contexte de la tristement célèbre « exclusive des blés », 4 moulins à huile (dont 2 auraient toutefois été restitués par la suite) de la vallée mentonnaise du Careï pour les faire moderniser et les transformer en moulins à grains. La popularité de ce souverain réformateur (il fut le premier à organiser notamment la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire et à instituer le double degré de juridiction) ne s’en trouva pas favorisée, d’autant que les exportations d’huile, frappées d’une taxe disproportionnée, se trouvaient proscrites de fait. Sous le règne de son successeur, son frère Florestan, des réticences se manifestèrent à la suite d’une décision de la Princesse Caroline d’établir à Menton un « gigantesque moulin à haute pression » (le gouverneur Raymond de Boyer de Sainte Suzanne et l’historien Jean-Honoré Labande mentionnent pour leur part l’édification d’un second moulin de ce type à Monaco même). En 1844, en effet, sous l’influence de son épouse, le nouveau Prince, estimant les moulins traditionnels peu performants, fit construire dans la vallée du Careï, par un ingénieur aixois, un complexe de transformation des olives en huile doté d’un mécanisme moderne de conception anglaise. Cette affaire, connue sous le nom du « moulin à huile de Menton » provoqua un mécontentement si généralisé que le souverain fut contraint dès l’année suivante à fermer l’établissement « modèle ». Une ordonnance du 29 novembre 1845 vint ensuite régir la vente des olives, la Sérénissime Chambre (le trésor princier), se voyant attribuer un droit exclusif d’achat ; l’on n’hésita pas alors à parler d’« exclusive des olives ». Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l’oléiculture de la Principauté fut ainsi l’enjeu d’intérêts économiques qui ont très certainement influé sur son développement.

L’on doit aux caractéristiques géographiques particulières du territoire une implantation des moulins monégasques remarquablement littorale, à la différence des terroirs voisins où ces bâtiments furent regroupés dans les vallées de l’arrière-pays.

Dans son ouvrage, publié en 1907, Urbain Bosio rappelait : « Toutes ces eaux réunies [celles composant le Vallon des Moulins, appelé aussi Vallon de la Noix29], faisaient mouvoir, autrefois, huit moulins échelonnés le long de la partie basse du torrent, dont quatre appartenaient à la commune de La Turbie et quatre à la commune de Monaco »

 

 

 

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