Les moulins du Pays d’Orthe
Article
de 5 pages avec carte et photos par Maïté Labeyriotte, présidente du centre
culturel du pays d'Orthe.
On regroupe sous la dénomination
de pays de l'Adour landais les
pays du sud du département des Landes qui se distinguent des Landes de Gascogne proprement dit par le paysage
et l'économie qui en découle. Ces pays sont basés sur les plissements pré-pyrénéens
déterminant le cours inférieur de l'Adour. Fortement vallonnés
et disposant de petites plaines fertiles, les pays de l'Adour landais sont au
nombre de six, dont le pays d'Orthe.
Le Pays d'Orthe
constituait sous l'Ancien Régime une vicomté
de Gascogne
formée de onze paroisses : Orthevielle, Igaas (Peyrehorade), Lannes (Port-de-Lanne),
Saint-Etienne-d'Orthe, Bélus, Orist, Saint-Lon (les-Mines), Pey, Siest,
Cagnotte et Cazorditte (commune de Cagnotte). On peut y inclure Cauneille et
Oeyregave, anciennes baronnies
des vicomtes d'Orthe qui s’installèrent au XIe siècle dans leur
forteresse sur la colline d’Aspremont à Peyrehorade (dont il reste les ruines
de la tour Na Amusa, rebâtie au XIIIe ainsi que la motte d’une
seconde tour, disparue). La forteresse fut démantelée au milieu du XVe
siècle sur ordre du roi de France (notre vicomté était restée anglaise !)
et, cédant à l’air du temps, les vicomtes d’Orthe choisirent de construire
un château de plaine au bord des Gaves dans leur ville de Peyrehorade qu’ils
occupèrent jusqu’à la Révolution et remanièrent tout au long des XVIIe
et XVIIIe siècles. Vendu comme bien national sous l’appellation de
"château de Montréal" (du nom de la dernière vicomtesse d’Orthe,
épouse de Montréal), il connut bien des vicissitudes (hôpital militaire,
pensionnat religieux, boulangerie, bains-douches, auberge de jeunesse, collège
technique et enfin hôtel de ville !).
De nombreux édifices
religieux ont servi d'étapes aux pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, avant ou après
la traversée des Pyrénées. En pays d’Orthe, les pèlerins étaient
accueillis aux abbayes de Cagnotte, Sorde (dont les vestiges sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO),
Arthous, dont les bâtiments conventuels datant des XVIIe-XVIIIe
siècles, accueillent le centre départemental du Patrimoine, et dans les prieurés
qui jalonnaient le parcours jacquaire.
Concernant
nos moulins, nous recensons 36 bâtiments (généralement des vestiges) dénommés
"moulins" ou "moulaques" et
deux autres hors pays d’Orthe, en Béarn, (St-Pé de Léren et Ste-Suzanne)
ayant appartenu à l’abbaye de Sorde dès le XIIe siècle. La
longue histoire des moulins de notre terroir est étroitement liée au
rayonnement de trois abbayes influentes. Par son Cartulaire, on sait que
l’abbaye St Jean de Sorde (que la légende fait remonter à Charlemagne) possédait
au XIe siècle des moulins à Sorde, St-Pé et Ste-Suzanne, ainsi que
le moulin de Casles à St-Cricq. L’abbaye Notre-Dame de Corheta (réputée
elle aussi du Haut Moyen-Âge) possédait les moulins de Jouanin et Cazorditte
à Cagnotte ainsi que le moulin de Haliha à Cauneille. L’abbaye Notre-Dame
d’Arthous possédait les moulins de Paillet et Lahounade à Cauneille, le
moulin de Pardies à Igaas/Peyrehorade, le moulin de Mouliac à Hastingues ainsi
que l’éphémère moulin du port, également à Hastingues (milieu XVIIe-milieu
XVIIIe). Au XVIIIe siècle, le séminaire de Dax possédait
les moulins appartenant auparavant à l’abbaye de Cagnotte qui avait cessé
d’exister.
Un
tiers environ des moulins appartenait donc aux abbayes. Le vicomte d’Orthe
possède le moulin d’Igaas (qui portera diverses dénominations à travers le
temps), le moulin du port de Lannes, le moulin de Peyrous à Orthevielle (au
moins dès le XIIe siècle) et le moulin de Cazenave à St-Lon,
tandis que les autres (14) sont dans les domaines des seigneurs caviers (XIVe
au XVIIIe s.). Le moulin est donc un élément de la féodalité,
soumis à la banalité, une prérogative du seigneur, qu’il soit vicomte,
cavier (vassal du vicomte) ou abbé, qui oblige les habitants à moudre dans la
juridiction de leur seigneur contre une redevance. Le plus souvent aussi, le
four banal est attenant au moulin (il s’agit d’un ensemble).
Depuis
au moins le XIVe siècle, les meuniers du pays d’Orthe vont, le
plus souvent, de moulin en moulin au gré des baux qu’ils signent (de 3 à 5
ans) et ce sont souvent les mêmes familles que nous retrouvons au fil du temps.
Le meunier payait un fermage en argent et en nature au propriétaire. Par
contre, il prélevait son dû sur ses clients (la "pugnère").
La
grande majorité de ces moulins se sont donc bâtis à partir du Moyen-Âge, la
plupart étant alimentés en eau par un étang plus ou moins vaste, établi sur
ruisseau, sauf ceux de Sorde et de St-Pé qui bénéficiaient chacun d’un
canal de dérivation du Gave d’Oloron. On sait également qu’au XVIIe
siècle (et jusqu’au début du XVIIIe siècle), ils vont subir des
rénovations, et souvent l’ajout d’une "moulaque", c'est-à-dire
un petit moulin à une meule, sur la même prise d’eau. On y voit là
l’indice de l’expansion du maïs, introduit dans notre région au cours du
XVIe siècle. Sans doute aussi, cela permettait de moudre d’autres
produits (céréales diverses, tabac, …). Le Moyen-Âge sera aussi la première
époque à nous laisser des traces écrites de l'existence des moulins. Ainsi
nous trouvons dans les textes référence au Moulin de Casles à St-Cricq du
Gave entre 1105 et 1119 ; en 1165, le Moulin de Pardies ; en 1221, le
Moulin de Cazorditte ou Ponchan ; au XIIIe siècle, le Moulin de
Peyrous ; en 1484 le Moulin de Joanin, et en 1493 le Moulin de Mouliac.
Le
dernier moulin bâti en pays d’Orthe est le moulin vicomtal de Cauneille/Peyrehorade
en 1778 qui fonctionna aussi sur un canal de dérivation, mais du Gave de Pau.
Vendu comme bien national à la Révolution, il passa de propriétaire en propriétaire
jusqu’à ce que la famille Larran le transforme en minoterie vers 1870. Il est
aujourd’hui dans le groupe des Grands Moulins de Paris et fonctionne toujours.