Les
carrières de meules de Claix (Charente) Résultats des fouilles archéologiques
et des recherches historiques menées en 2008
Résumé d’un article de 3 pages avec photos de Alain
Belmont Professeur d’histoire moderne Université Grenoble 2 - LARHRA (UMR CNRS 5190)
Le lieu-dit Les Meulières
correspond à l’extrémité d’un plateau calcaire situé à quinze kilomètres
au sud d’Angoulême et à cheval sur les limites communales de Claix et de
Roullet-Saint-Estèphe. Comme son nom l’indique, ce plateau a servi de cadre
à des carrières de meules : il a été percé par plus de 190 fosses
rectangulaires, toutes parallèles les unes aux autres, dont les plus étendues
mesurent une cinquantaine de mètres de longueur pour cinq mètres de
profondeur. L’ensemble couvre treize hectares, traduisant ainsi l’ampleur
industrielle de l’ancienne exploitation. Sa production a dépassé 50.000
meules, ce qui en fait l’une des plus grandes meulières de l’Ouest de la
France.
Le site appartient actuellement
au Conservatoire Régional des Espaces Naturels Poitou-Charentes (CREN) et a bénéficié
d’un arrêté de protection de biotope, car il abrite une flore extrêmement
rare en France. Soucieux de mieux connaître l’histoire de ce site
exceptionnel, le CREN a sollicité l’intervention du Laboratoire de Recherche
Historique Rhône-Alpes (UMR 5190, CNRS-Université Grenoble 2), depuis
longtemps déjà investi dans la recherche sur les carrières de meules. Les opérations
se sont étirées tout au long de l’année 2008 ; elles ont consisté en
recherches en archives, en analyses en laboratoires et en fouilles et relevés
de terrain […]
L’apport des textes sur la
qualité de la pierre a été complété par une double étude pétrographique.
Lames minces, analyse chimique et tests mécaniques ont livré les caractéristiques
principales de la roche (Université Grenoble 1 et CRPG de Nancy), tandis
qu’une spectrographie des silicates a permis d’élaborer un référentiel,
qui autorisera à terme la détermination d’une éventuelle provenance
claibertine des meules retrouvées en fouilles ou conservées en dépôt (étude
Jacques Gaillard et Jean-Claude Mercier, UMR 6250 LIENSs).
Les opérations sur le terrain
pour leur part, se sont déroulées d’août à décembre 2008 […] Parmi les
acquis du chantier, l’un a été inattendu : une dizaine de pièces de
silex taillé, essentiellement des éclats et des nucleus mais aussi des outils
finement taillés, en l’espèce un petit denticulé et un éclat laminaire
avec troncature distale. Retrouvé sur les déchets de taille de meules de la
zone I, ce mobilier lithique atteste de la destruction par les meuliers d’un
site de plein-air, attribuable au paléolithique moyen ou supérieur […]
La chronologie des différentes
zones fouillées repose sur l’exploitation des informations tirées des
archives et des objets – très peu nombreux – retrouvés en fouille. La zone
III, avec sa grande fosse percée de hauts « tubes » et ses meules
gargantuesques décollées par des petits coins métalliques, est attribuée aux
derniers temps de l’exploitation, entre la fin du XVIIIe siècle et les années
1840. La zone II, caractérisée par le décalage des enlèvements,
l’extraction simultanée de meules manuelles et de meules de moulins, et enfin
l’emploi d’alvéoles linéaires, est d’une datation plus malaisée ;
plusieurs indices invitent à la dater du haut Moyen Age. Enfin la zone I, qui a
vu l’extraction successive de meules à mains puis de petites meules de
moulins, a été abandonnée entre la fin de l’Antiquité et le début de l’époque
carolingienne, selon les données fournies par quelques tessons de céramiques découverts
dans les niveaux postérieurs à son exploitation et datés par
thermoluminescence. Ainsi, la campagne de 2008 a révélé un site meulier
exploité peut-être dès la fin de l’Antiquité et en toute certitude à une
échelle industrielle dès l’époque mérovingienne – une découverte
d’autant plus remarquable qu’il s’agit à ce jour de la première carrière
de meules de cette époque fouillée en France.