Pays
basque –Les anguilles et les barthes de l’Adour
(suite)
Article de 3 pages par Cathy
Constant- Elissagaray
En
analysant des cartes de l'IGN (Institut Géographique National) et du Corine
Land Cover (base de données qui représente l'occupation du sol européen), Léa
Sébastien analyse l'évolution des barthes de l'Adour sur les trente dernières
années pour comprendre les raisons du déclin de l'anguille et trouver (éventuellement)
les solutions qui pourraient être apportées pour inverser la tendance. Parallèlement,
elle a interrogé les riverains pour connaître l'histoire des deux secteurs
analysés de part et d'autre de l'Adour, d'Urt à Saint-Laurent-de-Gosse, et
comprendre les mentalités des groupes de population impliqués dans cette problématique.
Les barthes de l'Adour faisant 80 km de long sur 2 km de large, il n'a été
possible, pour des raisons de budget, que d'en étudier une petite partie scindée
en deux par l'Adour.
Pour
comprendre les tenants et aboutissants, il faut garder en mémoire que le bassin
de l'Adour n'a plus grand chose de naturel. A la demande de Charles IX, et suite
aux dramatiques errements de l'Adour de Vieux-Boucau à la Chambre d'Amour
d'Anglet, en passant par Capbreton et Bayonne, causés par les déplacements des
sables dunaires lors des tempêtes hivernales, Louis de Foix, ingénieur-architecte
français (1530 - 1602), a fait déplacer l'embouchure de l'Adour de
Vieux-Boucau à Bayonne. Le projet prévoyait la construction d'une digue de
charpente et de maçonnerie (digue du Trossoat), pour "faire la fermeture
de la rivière", le creusement d'un canal de 900 toises de longueur (1 800
mètres), et de profondeur suffisante pour "recevoir le cours de la rivière
en la mer, après être détournée et fermée de son premier cours
ordinaire". Le 28 octobre 1578 l'Adour débouqua dans l'océan.
A
la fin du XVIIème siècle, les maçons (ingénieurs ?) hollandais sont restés
dans la région à l’achèvement du chantier de construction des remparts de
Vauban à Bayonne. Forts de leur expérience dans le domaine de la poldérisation,
ils ont initié les paysans à ces techniques de contrôle de l’eau et
construit avec eux le système barthais. La barthe, nom local, désigne la zone
inondable de part et d'autre du lit majeur d’un fleuve, d’une rivière,
d’un ruisseau. C’est une invention humaine, une technique d’assainissement
élaborée pour rendre cultivables les zones humides. Elle a donné naissance à
un écosystème considéré aujourd’hui comme original en raison d’une
association étroite de milieux naturels, d’activités agricoles et de la
gestion hydraulique des inondations.
Outre
cet endiguage, les rives ont été aussi canalisées par endroits, le courant a
été interrompu par l'érection de barrages hydro-électriques ou hydrauliques.
Tous ces aménagements anthropiques (humains) gênent ou empêchent une bonne
circulation de l'anguille à ses divers stades. La pêche et la pollution de
l'eau (notamment en raison des pratiques agricoles) influent aussi sur sa
population, parallèlement à des facteurs naturels tels que les prédateurs
(oiseaux ou poissons carnivores), les parasites, le débit fluvial, la température
de l'eau...
Depuis
1970 (date du début de l'époque étudiée) les occupants de la rive gauche de
l'Adour sur le secteur sélectionné des barthes, fortement agricole, remettent
en état les digues, réhabilitent les ouvrages de drainage, les clapets
anti-retour (appelés "portes à flot"), de façon à assécher au
maximum les terres. Inversement sur la rive droite, les ouvrages sont laissés
à l'abandon par des "rurbains" (urbains résidant à la campagne) qui
ne voient pas l'utilité de les entretenir, laissant les fossés se combler, la
forêt réenvahir les friches, empêchant ainsi également la diffusion de
l'anguille. Léa Sébastien constate du fait de ces deux attitudes opposées un
fort antagonisme entre les deux rives et les deux populations qui vient
s'ajouter à celui des agriculteurs par rapport aux pêcheurs, aux industriels (électricité,
eau, activités nécessitant l'usage de l'eau), aux chasseurs (les seuls dits
"écologistes" ou perçus comme tels), et autres riverains.