Guadeloupe
Marie-Galante, l’île aux cent moulins
Carte
des moulins de Marie-Galante
Extrait
de l’inventaire des moulins de Marie-Galante dressé par l’Agence des Bâtiments
de France
et le Parc Naturel de Guadeloupe(1980).
par Denise Parisis (ASVP)
A Marie-Galante, les tours de moulins à vent
ponctuent le paysage. S’il n’y en eut pas une centaine, du moins
soixante-treize ruines de moulins furent encore dénombrées en 1978 par l’Agence
des Bâtiments de France et le Parc Naturel de Guadeloupe.
À
côté des tours, subsistent souvent des vestiges des bâtiments qui complétaient
« l’habitation », exploitation agro-alimentaire où étaient
produits du sucre et accessoirement du rhum.
La culture de la canne devint rapidement, dès les débuts,
de la colonisation du Nouveau monde, dans les îles de la Caraïbe, la culture
d’exportation principale. Cette activité nécessitait des investissements
importants en personnel (la traite des esclaves à partir de l’Afrique y
pourvut !), en terres, en bâtiments industriels, en logements pour le
propriétaire et son atelier d’esclaves. Ainsi l’habitation-sucrerie
constituait une sorte d’agglomération villageoise dirigée par une
ploutocratie terrienne d’origine européenne.
Les rolles verticaux du moulin de Murat, croquis d'après l'inventaire des moulins de Marie-Galante par l'Agence des Bâtiments de France et le Parc Naturel de Guadeloupe (1980).
La
première étape du traitement industriel de la canne à sucre était
d’extraire le jus (vesou) en faisant passer les épaisses tiges entre trois
rouleaux, rolles verticaux tels ceux visibles encore dans le moulin de
l’habitation Murat ou horizontaux comme au moulin Bézard remis en marche. Ce
lourd mécanisme pouvait être entraîné par des mulets ou des bœufs. À ces
moulins à bêtes s’ajoutèrent dans certaines régions des moulins à eau (à
Marie-Galante, l’existence d’un moulin de ce type a été évoquée en 1900,
par un gendarme en fonction dans ce lieu), ou des moulins à vent ; puis
les machines à vapeur remplacèrent tous ces systèmes.
La
lourde machinerie dans ses débuts était faite de bois durs parfois renforcés
de pièces métalliques, puis dès les années 1800, entièrement réalisée en
métal.
Les
premiers moulins à vent furent construits vers 1770 comme l’atteste une carte
de Marie-Galante de l’époque. Leur nombre augmenta lentement : Trianon
en 1800, Murat en 1814 ; la grande époque débuta vers 1820.
La
maçonnerie est parfois soignée : en pierre de taille comme à Roussel et
à Murat, ou de moellons enduits à la chaux. La tour est percée d’une porte
principale à l’ouest et de deux autres portes, ouvrant en général au nord
et au sud, d’un mètre de large, et très hautes pour permettre
l’introduction du grand arbre, reliant l’axe des ailes aux rolles. Certains
moulins arborent, au-dessus de l’ouverture principale, un écusson où est
porté le nom du propriétaire : « JH
VRY Garel », pour Joseph Valéry
Garel, ou un prénom « LE St GEORGE 1827 », pour St George Joseph
Lacavé. Le maître-maçon, souvent esclave, est parfois cité, ainsi sur le
moulin de Bouquinquant
De
nombreux écussons portent la date de 1843, en fait, date de réfection après
un tremblement de terre qui provoqua de grandes destructions. Les réfections
ultérieures sont rares.
Nombreux
sont les propriétaires qui par la suite ont préféré choisir la vapeur comme
énergie motrice pour répondre aux nouvelles exigences de rendement, d’autant
que les travaux nécessaires étaient alors d’un prix abordable et que l’île
avait accueilli plusieurs mécaniciens pour installer les usines sucrières de
Grande-Anse et de Trianon.
Cependant,
malgré les difficultés, des moulins à vent continuèrent à fonctionner
jusqu’en 1940 au service de petites distilleries fabricant du rhum « agricole ».
La production de ce rhum, obtenu à partir de la fermentation du jus de canne et
non pas comme dans les grandes sucreries à partir des résidus de la cuisson
pour le sucre, a fait le renom de Marie-Galante.