Quel devenir pour les seuils artificiels en rivière ?

Résumé d’un article de deux pages, par Régis Barraud (IIBSN / doctorant Géolittomer). Ce texte constitue l’introduction de son article sur  les actes du colloque qui s’est tenu le 23 septembre 2002 à Nantes, « Ouvrages hydrauliques, milieux, paysages, usages – Pour une gestion intégrée »

L’ensemble des communications sera repris dans les actes du colloque à paraître début 2003. Par ailleurs, certaines communications ainsi que des résumés sont disponibles sur le site Internet de l’IIBSN : www.sevre-nantaise.com

La Sèvre est l’avant dernier affluent de la Loire en rive gauche. Bien que située au sud du fleuve, cette rivière et ses affluents qui prennent leur source sur les contreforts des collines vendéennes, conservent les caractéristiques des cours d’eau armoricains (rapidité et irrégularité des écoulements, substrat rocheux imperméable…). Dans un contexte de faible potentialité énergétique, les cours d’eau du bassin de la Sèvre nantaise ont été aménagés à partir du XIe siècle. L’implantation des chaussées (seuils submersibles) a permis le développement d’un artisanat diffus et diversifié, puis à partir du XIXe siècle d’une industrie florissante mais éphémère (filières du papier et du textile). L’infrastructure hydraulique est constituée de biefs étagés délimités par des chaussées en pierres maçonnées, souvent installées sur de petits seuils rocheux naturels. La densité des sites hydrauliques est exceptionnelle, surtout sur le cours moyen de la Sèvre où l’on trouve jusqu’à un ouvrage tous les 300 mètres ! Sur l’ensemble du réseau hydrographique du bassin versant, on dénombre environ 240 systèmes hydrauliques fondés sur le triptyque « bief-moulin-chaussée ». Pour une vingtaine de sites, le moulin se trouve sur un bief artificiel situé en dérivation du cours principal (secteur de faible pente entre Largeasse et Mallièvre). La trame paysagère de fond de vallée a été maintenue au XXe siècle malgré l’obsolescence des sites hydrauliques. Elle a été adaptée pour permettre d’autres usages (agricole, touristique, pêche-loisir non sportive, agrément…) qui tirent essentiellement partie des aménités offertes par les plans d’eau formés à l’amont des ouvrages. Cependant, la majorité des chaussées n’est plus entretenue par les propriétaires riverains (70% des ouvrages sont privés) et la collectivité publique ne peut faire face à l’ampleur des travaux qu’exigerait la restauration à l’identique et l’entretien de l’ensemble des ouvrages. De plus, le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux préconise « de limiter strictement la construction, d’apprécier l’opportunité du maintien ainsi que d’aménager la gestion des seuils, barrages, et d’une façon générale de tout obstacle dans le lit, tant pour limiter les ralentissements de l’écoulement nuisibles à la qualité de l’eau (envasement, eutrophisation) que pour permettre la libre circulation dans l’eau et sur l’eau » (comité de bassin, 1996).

Quels sont les conséquences de la dégradation générale du parc d’ouvrages ? Quelle attitude le gestionnaire doit-il adopter : abandon des sites, restauration à l’identique d’un maximum de sites ou opérations de renaturation ?

Plus largement, c’est bien la question du devenir des paysages de fond de vallée des rivières à biefs étagés qui se pose. Les critères devant intervenir dans le processus de la prise de décision sont multiples et parfois contradictoires. C’est pourquoi l’Institution Interdépartementale du Bassin de la Sèvre nantaise (IIBSN) a décidé d’ouvrir le débat sur cette problématique dans le cadre du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux et de se lancer dans l’élaboration d’un outil d’aide à la décision.

Les objectifs du colloque  «  Ouvrages hydrauliques, milieux, paysages, usages »

L’IIBSN, épaulée dans son entreprise par l’Association de la Sèvre Nantaise a pris l’initiative d’organiser un colloque national sur ce thème afin de faire le point sur l’état d’avancement de la réflexion à l’échelle de son bassin versant (élaboration d’un outil d’aide à la décision), puis de confronter celle-ci à d’autres expériences conduites sur plusieurs rivières : le Layon et l’Aubance en Anjou, la Cère, la Jordanne et l’Authre dans le Cantal ou bien encore sur l’Erve, affluent de la Mayenne… Enfin, il s’agissait aussi d’apporter un éclairage thématique à cette problématique complexe.

Après les allocutions d’ouverture (L. Dejoie, Président de l’IIBSN / I. Des Dorides, Présidente de la Commission Locale de l’Eau), les participants ont assisté à la projection d’un petit film documentaire, présentant la problématique du devenir des seuils en rivière telle qu’elle s’est posée sur le bassin versant de la Sèvre nantaise. Ensuite P. Lelouarn, (professeur de droit, université de Nantes / CRUARAP) a ouvert la table ronde en compagnie de l’animateur de la journée : P. Auclerc, rédacteur en chef de la revue « La Loire et ses Terroirs ». Les interventions ont été précédées d’un bref discours de R. Bachelot–Narquin, ministre de l’Ecologie et du Développement Durable. La première partie de la table ronde a permis de traiter les questions relatives à la directive cadre européenne et les préconisations du SDAGE Loire-Bretagne vis à vis de la gestion des seuils (DIREN Pays de la Loire). Ensuite, les aspects juridiques de l’utilisation des moulins à eau et de leurs annexes hydrauliques ont été appréhendés. Mélinda Jadault (attachée juridique), est intervenue sur les notions de droits d’eau (fondement en titre et sur titre), de consistance légale des règlements d’eau.

La deuxième partie de la table ronde a été consacrée à l’impact des ouvrages hydrauliques sur le fonctionnement et l’évolution des milieux aquatiques. J-F. Mignot (Agence de l’Eau Loire-Bretagne) s’est attaché à mettre en évidence les mécanismes de dégradation de la qualité de l’eau sur les rivières aménagées (eutrophisation, stockage – relargage de sédiments pollués…). J-M. Hamonet (Conseil Supérieur de la Pêche, Poitiers) a détaillé les impacts des successions de seuils sur l’évolution des peuplements piscicoles (franchissement des ouvrages, modification – homogénéisation des habitats aquatiques et donc des espèces…).

Enfin, la matinée s’est achevée sur les interventions de E. Renou et de François Cailleaud (Techniciens de rivières sur la Moine, la Sanguèze et la Sèvre amont). E. Renou est revenu sur les fondements historiques de la politique de restauration des ouvrages sur le bassin versant de la Moine, puis il a expliqué l’intérêt et les principes de mise en place d’un protocole de gestion des vannages intégrant des objectifs écologiques et sociaux (usages). F. Cailleaud a décrit avec précision le processus d’élaboration et le fonctionnement d’un système de gestion des prélèvements agricoles en période d’étiages en tête de bassin (ouvrages hydrauliques en dérivation / clapets automatiques).

L’après-midi s’est articulée autour de deux axes principaux : les expériences de gestion (méthode de sélection – aide à la décision, projets de renaturation) et les possibilités de valorisation des sites hydrauliques (paysage / patrimoine, pédagogie de l’environnement, microcentrales…). C. Merlet (animatrice de contrat de rivière – EPIDOR) a présenté la méthode de sélection des seuils à restaurer de façon prioritaire mise au point par EPIDOR et le CEMAGREF (1997), sur la Cère, la Jordanne et l’Authre dans le Cantal. C. Folton (CEMAGREF Aix-en-Provence) a rappelé l’importance du diagnostic « génie civil » dans une phase préliminaire à l’intervention. Il a ensuite exposé les techniques adaptées à la réfection des seuils (des fiches techniques ont été élaborées au cours de la collaboration CEMAGREF-EPIDOR).

Y Nicolas (hydrobiologiste, Fédération de Pêche 49) a développé sa communication sur une expérience de renaturation de l’Aubance amont, petit affluent de la Loire angevine fortement équipée dans le cadre d’aménagements hydro-agricoles. Cette opération de renaturation s’appuie sur le diagnostic effectué dans le Plan Départemental pour la protection du milieu aquatique et la Gestion des ressources piscicoles (PDPG).

P. Barritault (ADEME) est intervenu sur le sujet très polémique de la reconversion d’anciens moulins en microcentrales. Il est parvenu à dresser un inventaire rapide des possibilités de développement de ce mode de valorisation tout en rappelant l’existence de contraintes d’ordre techniques, financières et environnementales. G. Morteveille (Conservateur du Musée de la cité médiévale de Sainte-Suzanne et président des Amis des moulins de la Mayene) a présenté une autre forme de valorisation du patrimoine molinologique. La restauration intégrale du Grand Moulin, au pied de la forteresse devrait permettre de développer plusieurs activités de pédagogie de l’environnement…

La dernière partie du colloque a permis de revenir sur des considérations méthodologiques abordées en début d’après-midi par C. Merlet (EPIDOR) : de quels outils dispose t-on aujourd’hui pour mettre en œuvre une gestion intégrée des seuils en rivière ? Régis Barraud (doctorant en géographie, Géolittomer, Nantes) a fait le point sur l’outil d’aide à la décision élaboré pour l’IIBSN et les premiers résultats obtenus tandis que J-F. Mignot (AELB) et P. Paris (Bureau d’études AREA) ont fait état des études finalisées (Bassin Seine-Normandie) ou en cours (Bassin Loire-Bretagne) sur cette thématique.

Contacts : Institution Interdépartementale du Bassin versant de la Sèvre nantaise 185, Bd Aristide Briand – 85 000 La Roche / Yon - Tel : 02 51 07 02 13  Mèl : cle.sevrenantaise@wanadoo.fr

Anne Barbier : Animatrice de Sage, Anthony Cornu : paysage et patrimoine, Régis Barraud : doctorant géographie (Géolittomer – Nantes)

 

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